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Oran de nouveau dans l’engrenage de la peste de l’OAS

 

On reparle des « massacres contre les Européens » à Oran entre les 5 et 7 juillet 1962. Ici, en attendant que les Oranais témoignent, une mise en perspective des événements dans une ville prise dans l’engrenage de

Les premiers jours troublés de l’indépendance qui ont fait de nombreuses victimes européennes à Oran ont toujours servi aux ultras du colonialisme de « preuve » destinée à « confondre » le pouvoir gaulliste et surtout à se dédouaner des crimes coloniaux. Ainsi, le général Joseph Katz qui commandait le secteur militaire d’Oran passe dans la littérature des ultras de l’OAS pour le « boucher d’Oran » et le chiffre des victimes européennes se chiffre dans cette même littérature à 3.000 disparus morts pour les journées du 5 au 7 juillet 1962.

Dans cette ville où l’état-major de l’OAS, avec à sa tête le général Edmond Jouhaud, s’est établi et a planifié ses tueries et la politique de la terre brûlée, ces premières journées d’indépendance à Oran servent en effet d’alibi pour une sorte d’auto-absolution. Les ultras de l’OAS aurait ainsi leur « massacre » qui justifierait tout et relativiserait le reste. Le général Joseph Katz continue d’ailleurs, même après sa mort en mars 2001, à faire l’objet d’une haine particulière et le fait qu’il ait arrêté en mars 1962 le général Edmond Jouhaud, y est pour beaucoup.

Que s’est-il passé donc en ces premières journées d’indépendance dans cette ville où la densité du soutien à l’OAS au sein de la population européenne d’Algérie a été la plus importante ? Des Algériens qui descendent dans la rue après l’annonce du résultat du référendum d’autodétermination, des coups de feu sont tirés sur eux dans le quartier européen, c’est la panique, l’émeute puis la vendetta. C’est en gros, ce que retiennent les historiens qui n’arrivent pas à déterminer les origines des coups de feu. Une provocation de l’OAS, dans cette ville si totalement acquise aux ultras, est la plus probable. Le général Katz dans son livre « L’honneur d’un général » l’impute à des éléments de l’armée française.

Le fait est que ces tirs contre des manifestants fêtant l’indépendance ont été le facteur qui a déclenché les événements. Les gens de l’OAS continuent aujourd’hui de parler, sur leurs nombreux sites, d’une sorte de complot entre le FLN et le général Katz pour expliquer ces événements et donnent le chiffre de plus de 3.000 morts.

Selon le journal L’Express, un rapport commandé par le ministère français des Affaires étrangères et qui doit être remis au chef du gouvernement français, Dominique de Villepin, donne le chiffre de 365 victimes dans l’Oranais. L’étude, explique le journal, s’appuie sur les dossiers des pieds-noirs disparus et a été menée par deux historiens, Maurice Faivre et Jean Monneret. Ce dernier en a fait un livre intitulé « La tragédie dissimulée, Oran 5 juillet 1962 ». « On est loin du «génocide» dénoncé par les associations jusqu’au-boutistes », note le journal.

Certes, mais cette tragédie qui ne fut pas vraiment dissimulée puisque beaucoup d’historiens l’ont abordée, va sans doute, à la lumière de cette « mise à jour » chiffrée, servir un discours ambiant cherchant à relativiser les atroces méfaits du colonialisme. Les ultras de l’Algérie française mettent d’ailleurs à profit le contexte électoraliste pour multiplier les gestes symboliques visant à la réhabilitation des hommes de l’OAS et de la colonisation. Le débat est pratiquement épuisé sur ce thème entre les deux rives à la faveur du choc provoqué par la loi française du 23 février 2005 et qui, malgré l’abrogation de son article le plus scandaleux, a laissé des traces. Il n’est pas nécessaire pourtant de relancer les polémiques, inutiles, sur les bienfaits présumés de l’occupation coloniale, mais pour avoir une image complète, il ne faut pas occulter que les tumultueuses premières journées d’indépendance viennent après des mois de tueries et des pressions psychologiques intenses menées par les ultras de l’OAS.

Oran avait été particulièrement meurtrie et le travail destructeur de l’OAS a créé une séparation nette et pratiquement irrémédiable entre la communauté européenne et ce qu’ils appelaient la « ville arabe ». Si à Alger l’Etat français et les gaullistes maintiennent une certaine présence, Oran l’européenne a totalement basculé dans les mains des hommes de l’OAS qui ont infiltré l’administration, l’armée et qui agissent en toute impunité pour tuer, prendre des armes auprès de l’armée et organiser des hold-up. Et plus, le mouvement se faisait, inéluctable, vers l’indépendance, plus la violence de l’OAS prenait le chemin de l’escalade et du paroxysme. Les attentats meurtriers se multipliaient dans les quartiers algériens. L’arrestation du général Jouhaud le 25 mars 1962 pousse l’OAS vers un paroxysme meurtrier. Les dépôts de mazout au niveau du port sont attaqués et Oran vivra deux longues journées sous une épaisse fumée noire.

Le grand historien Charles-Robert Ageron, dans sa préface au livre du général Katz, donne une idée claire du climat particulier dans la région oranaise. « Les rapports quotidiens des forces de l’ordre en font foi: ainsi le 22 février 1962, 29 victimes de l’OAS (11 morts et 18 blessés), le 23 février: 11 morts et 13 blessés, le 28 février: 37 morts et 47 blessés. Encore, le général Katz convient-il qu’après les accords d’Evian, il n’osait plus transmettre les chiffres de victimes de peur de provoquer la rupture du cessez-le-feu. Et ce n’est pas lui, mais le préfet de police qui communiqua plus tard le bilan total. Du 19 mars au 1er juillet 1962, on dénombra à Oran comme victimes de l’OAS: 32 membres des forces de l’ordre tués et 143 blessés; 66 Européens civils tués et 36 blessés; 410 Algériens tués et 487 blessés. On comprend dès lors pourquoi le jour de l’indépendance fut ressenti par la population européenne avec terreur. Abandonnée par les commandos de l’OAS, elle redouta à tort un massacre général ».

Dans cette même préface, Charles-Robert Ageron souligne la particularité d’une OAS oranaise, dirigée par des « populos » au racisme dégoulinant et à l’intelligence très limitée. « Les véritables chefs ne furent ni Jouhaud, ni Gardy, ni Dufour, comme on le croyait, mais des hommes du petit peuple oranais: Micheletti, Georgeopoulos Athanase Tassous, le «Gitan» Pancho Gonzalès, ou le responsable des commandos «israélites», Benichou Yaya. Ainsi s’expliquent peut-être la folle popularité de ces hommes parmi les petites gens et l’insouciance de ces chefs frustes quant aux conséquences de leurs actes pour l’avenir de leur communauté ».

C’est à l’historien que revient la conclusion qui éclaire très justement les choses: « Alors même qu’à Alger l’OAS avait conclu le 17 juin avec le FLN des accords verbaux de cessez-le-feu, l’OAS d’Oran continua à détruire, à incendier, au nom d’une stratégie de la terre brûlée. Avec le recul, l’aveuglement de ces chefs irresponsables confond, mais on le sait: Quos vult perdere, Jupiter prius dementat (ceux que Jupiter veut perdre il commence d’abord par les rendre fous »

M. Saâdoune

 

L’ambassadeur de France à Tlemcen :

«On y arrivera au traité d’amitié»

 

Lors d’une conférence de presse qu’il a tenue hier en fin d’après-midi à Tlemcen, à l’occasion d’une visite éclair qu’il a effectuée dans la capitale des Zianides pour procéder à la réouverture officielle du centre culturel français de la ville, M. Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie (dont le successeur à ce poste doit présenter dans un avenir proche ses lettres de créance à El Mouradia), a déclaré notamment «que pour un traité d’amitié comme celui que la France doit signer avec l’Algérie, il faut prendre son temps, l’accompagner, le préparer, en développant une coopération qui soit très significative».

L’ambassadeur de France a rappelé «que lorsque je vois ce qui s’est passé depuis 2000, depuis notre arrivée ici, énormément a été fait et je m’en réjouis. Je crois d’ailleurs que c’est l’avis des plus hautes autorités des deux pays et cela nous permet d’être encore plus ambitieux.

Et par conséquent, le jour venu, le traité d’amitié ne sera pas un traité pour rien mais plutôt pour constater ce qui a été fait, ouvrir de nouvelles avenues, de nouveaux objectifs et organiser notre travail bilatéral de la manière qui correspondra le mieux à ces objectifs.

La préparation d’un traité qui ne constatera peut-être pas du jour au lendemain que le passé est oublié, que la réconciliation est faite, c’est un travail dans la durée. Là encore je voudrais comparer avec l’an 2003, l’année de la visite d’Etat du président Chirac à Alger, et constater que nous avons connu des moments un peu animés, pour ne pas dire plus. Et en même temps, il est probable que jamais dans notre histoire commune depuis l’indépendance algérienne, nous n’avions eu, et je pense en particulier à ce qui s’est fait en France, et ici aussi en Algérie, jamais nous n’avions eu des débats aussi profonds, animés, durs, sur notre passé colonial, sur notre relation avec l’Algérie, depuis 1830 jusqu’en 1962 et depuis. C’est comme cela qu’on travaille au traité d’amitié. Je crois savoir que les deux présidents Bouteflika et Chirac sont plus attachés que jamais à l’objectif qu’ils ont fixé en 2003". «On y arrivera au traité d’amitié» a conclu M. Colin de Verdière.

Amine Bouali



20/09/2006
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