Mes mauvaises pensées de Nina Bouraoui

                       Mes mauvaises pensées de Nina Bouraoui
                           Le qui suis-je d'une franco-algérienne

Dans Mes mauvaises pensées, il est question de tentatives répétées mais qui se terminent sur l'échec de répondre à la question : Qui suis-je ? Nina Bouraoui est obsédée par son passé, particulièrement son enfance. Mais qui ne l'est pas ? Tentera-t-elle de prouver en ne pouvant pas éviter de citer Freud en page 37. Elle parle de Freud et de son L'homme aux loups mais surtout de cet enfant qui habite tous les êtres, souvent sans qu'ils le sachent.

Roman psychologique, voire psychanalytique, le dernier livre de l'écrivaine franco-algérienne Nina Bouraoui se lit d'une traite. C'est le genre de livre qu'on ne peut lâcher qu'une fois sa lecture terminée. Cet ouvrage n'est disponible en Algérie et à un prix raisonnable que grâce aux Editions Sédia qui en ont acheté les droits chez Stock, l'éditeur parisien. Le roman en question a été gratifié de l'un des prix les plus prestigieux en France, le "Renaudot". Autant de raisons qui plaident en faveur de la réussite littéraire de Nina Bouraoui, qui à trente-neuf ans, s'impose comme l'une des femmes de lettres les plus brillantes au pays de Victor Hugo. Dans Mes mauvaises pensées, il est question de tentatives répétées mais qui se terminent sur l'échec de répondre à la question : Qui suis-je ? Nina Bouraoui est obsédée par son passé, particulièrement son enfance. Mais qui ne l'est pas ? Tentera-t-elle de prouver en ne pouvant pas éviter de citer Freud en page 37. Elle parle de Freud et de son L'homme aux loups mais surtout de cet enfant qui habite tous les êtres, souvent sans qu'ils le sachent.  Bouraoui tente, sans y parvenir, de comprendre le monde et de se comprendre elle-même. Une mission chimérique qui fait la beauté de tout roman où la psychologie et la philosophie se côtoient et par moment fusionnent. Cette romancière est complètement déchirée. Père algérien, mère française, troubles sexuels. Pour souffrir, ces ingrédients suffisent amplement. Pour écrire également. Elles revient sur ses années passées en Algérie, certes désagréables mais inoubliables. Elle cite Alger et Zéralda en évoquant l'enfance difficile, cette enfance qu'elle dit ne pas avoir vécu et qui, pour elle, n'est qu'une première partie d'une vie. Une partie à effacer mais comment ? En écrivant ? Rien n'est moins évident. Elle tente de s'adapter au dépaysement, de se faire une peau neuve, en quelque sorte de fuir, de se fuir. L'enfance de Nina est vite plongée dans le tragique. L'événement le plus douloureux qui puisse arriver à un enfant est la mort de la mère.
 Que reste-t-il après pour la petite fille qui découvre le trépas avant de connaître la vie. Elle s'interroge quelque part : Est-ce qu'on est encore tout à fait vivant quand on a déjà failli mourir ? Pour oublier cette épreuve, il faut aussi songer à la fuite. Encore la fuite, seul exutoire devant l'inexorable destin. Mais l'enfant a peur de ne pas s'adapter en France, une terre qui n'est pas sienne. L'Algérie l'est-elle pour autant ? C'est à cet instant que la fille se souvient des conseils de sa mère : "Ne suis pas un étranger !" Et les conseils du père : "Ne fais confiance à personne !" Mais la fille n'écoutera personne. Elle ne suivra pas ces conseils et n'en fera qu'à sa tête. Car elle veut faire confiance au monde, écrit-elle dans ce journal intime, rédigé avec talent et avec un vocabulaire des plus simples. Elle veut garder sa fragilité qui donne l'écriture ainsi que les yeux qui regardent vraiment. La mère est-elle réellement décédée ou est-ce l'imagination de l'écrivaine qui commence à faire son effet ? Elle écrit qu'il faut de l'imagination pour vivre. La fille va fuir aussi pour quitter son enfance, cette enfance qui fait d'elle une prisonnière. Elle partira pour se libérer. Mais suffit-il de changer de terre pour ce faire. Ce que la petite Nina voulait fuir se trouvait en elle, accroché à son âme, donc indissociable d'elle et invincible. Ce mal est impossible à extirper car profondément ancré dans ce que Freud appelle le subconscient. Et puis, il y a cette phrase, belle et pleine d'optimisme et d'espoir :  J'ai le don de la force, de la force de vie, je sais nier la douleur je sais nier le chagrin, je sais nier ce qui ne va pas en moi… Nina Bouraoui, adolescente connaitra la guéguerre avec son père. Elle sera insoumise et refusera d'appliquer les directives et clamera fort "ne pas avoir peur des hommes". Elle refuse de pleurer même si les autres pleurent. Dans ce roman, il est beaucoup question de solitude et de mort. Le style est tellement fluide qu'on lit en avalant les phrases. Une technique d'écriture très originale car, loin d'être une narration linéaire, elle permet toutefois au lecteur de faire irruption de plain-pied dans l'histoire de la vie de Nina Bouraoui. Cette dernière use d'un accès de sincérité dans ses confessions. Le titre illustre parfaitement l'étendue de cette franchise. Car des mauvaises pensées, nous en avons tous, mais qui aura le courage de les étaler publiquement comme le fait avec témérité cette femme courageuse et talentueuse.

Aomar Mohellebi

 



25/08/2006
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