recap Le réveil des kamikazes

AP - Mardi 1 avril, 11h05PARIS - La France a arrêté "89 islamistes" en 2007 et 25 personnes depuis le début de l'année "qui représentaient un danger potentiel pour notre pays", a déclaré mardi la ministre de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie, rappelant que la France n'est "pas plus" mais "pas moins menacée" par le terrorisme "que d'autres grands pays occidentaux".


"Au cours de l'année 2007, nous avons arrêté 89 personnes, 89 islamistes et depuis le début de l'année, nous en avons aussi arrêté 25 qui représentaient un danger potentiel pour notre pays", a déclaré la ministre sur LCI.

"En permanence vous avez environs 3.500 hommes et femmes, policiers, gendarmes, militaires de l'armée de terre et de l'armée de l'air (...) dans tous les lieux sensibles", a-t-elle ajouté en soulignant que le plan "vigipirate rouge" est appliqué actuellement.

Croire que la France serait moins menacée si elle ne s'engageait pas militairement en Afghanistan est "une illusion totale", a estimé Michèle Alliot-Marie, répétant que "la France est une des cibles du terrorisme", "pas plus (...) pas moins menacée que d'autres grands pays occidentaux".

"Le risque est là depuis déjà plusieurs année et il durera encore quoique nous fassions", a-t-elle ajouté, avant de confirmer la création d'un lieu "totalement sécurisé" au sein du ministère, afin de disposer des "moyens les plus modernes" pour "l'analyse de situation et de commandement" en cas de "catastrophe naturelle ou industrielle" ou "contre le risque terroriste".

La réorganisation des services de renseignements (Renseignements Généraux et DST) en cours depuis l'été dernier "sera mise en place au 1er juillet", a précisé Michèle Alliot-Marie. AP

Algérie

Le réveil des kamikazes

Marc Epstein, Dominique Lagarde

Les attentats d'Alger, qui mardi ont fait 72 morts, selon la presse algérienne, sont un camouflet pour les autorités. Malgré leurs efforts pour venir à bout des groupes terroristes, la violence islamiste ne désarme par. Elle semble même séduire certains jeunes déshérités.

Une année sanglante

L'Algérie est confrontée à une recrudescence des violences à partir du ralliement, en septembre 2006, du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) à Al-Qaeda.

10 décembre 2006
Attentat à Bouchaoui (ouest d'Alger) contre un bus transportant des employés d'une société américaine. 1 mort.

13 février 2007
Sept attentats quasi simultanés à la bombe et à la voiture piégée en Kabylie. 6 morts.

11 avril
30 morts et plus de 200 blessés dans deux attentats quasi simultanés à Alger.

11 juillet
Attaque suicide perpétrée contre une caserne à Lakhdaria (100 kilomètres au sud-est d'Alger). 10 militaires tués.

4 septembre
Explosion d'une bombe artisanale à l'entrée d'une résidence de policiers à Zemmouri (à l'est d'Alger). 3 morts.

6 septembre
Attentat suicide contre le cortège du président Abdelaziz Bouteflika à Batna (est). 22 morts.

8 septembre
Attentat suicide à la voiture piégée contre une caserne à Dellys (port de Kabylie). 30 morts et 40 blessés.

21 septembre 2
Français, 1 Italien et 6 Algériens sont blessés dans un attentat près de Lakhdaria.

11 décembre
72 morts lors d'un double attentat à Alger.

 

oilà quelques jours, les autorités algériennes se réjouissaient, un peu trop vite, d'une décrue spectaculaire de la violence islamiste: seules quatre personnes avaient été tuées en novembre. Jamais, depuis le début des violences, en 1992, le bilan mensuel n'avait été si bas. Le répit aura été de courte durée. Plus d'une soixantaine de personnes ont trouvé la mort, le 11 décembre, lors de deux attentats.

La première explosion, dans le quartier de Ben Aknoun, devant la Cour suprême, la plus haute juridiction d'Algérie, a été provoquée par une voiture piégée lancée de plein fouet contre un autobus plein d'étudiants qui se dirigeait vers la faculté de droit. Le second attentat, perpétré par un kamikaze à bord d'un véhicule piégé, a été commis aux abords du siège du Haut-Commisariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), dans le quartier voisin de Hydra, une zone très sécurisée où sont implantés immeubles cossus, ambassades et plusieurs ministères, dont ceux de l'Energie et des Finances. De nombreux étrangers et des hauts dignitaires de l'Etat y ont élu domicile.

En attendant une revendication officielle, le mode opératoire rappelle celui de la Branche d'Al-Qaeda au Maghreb islamique (Baqmi), l'ex-Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), rallié depuis septembre 2006 à l'organisation d'Oussama ben Laden. Déjà, le 11 avril 2007, deux voitures piégées avaient explosé dans la capitale algérienne, l'une visant le Palais du gouvernement, dans le centre-ville, l'autre contre un commissariat de la banlieue est. Revendiquées par la Baqmi, les deux opérations avaient entraîné la mort d'au moins 30 personnes. Le 6 septembre, aussi, un attentat suicide commis contre le cortège du président Abdelaziz Bouteflika, à Batna (est), avait fait 22 morts (voir encadré).

Ces derniers mois, pourtant, les autorités algériennes semblaient avoir marqué des points. En septembre, le premier ministre jugeait le terrorisme islamiste «en déclin». Le mois suivant, le chef d'état-major de l'armée, le général Ahmed Salah Gaïd, avait appelé à «plus de fermeté contre les groupes terroristes», et à «combattre ce phénomène nouveau des kamikazes». La police algérienne a déployé plus de forces et de barrages dans les grandes villes. Des informateurs ont été implantés dans les quartiers sensibles, afin de repérer les candidats kamikazes. Surtout, la Baqmi a perdu depuis deux mois plusieurs de ses stratèges. Au début octobre, le n° 2 de l'organisation et principal architecte des récents attentats suicides, selon des experts algériens du terrorisme, Zobeïr Harik (alias Sofiane Fassila), a été tué dans une embuscade de l'armée en Kabylie. Dans la nuit du 14 au 15 novembre, le trésorier de l'organisation, Abdelhamid Sadaoui, était tué. Quelques jours plus tard, l'un des principaux chefs de la région d'Alger, Fateh Bouderbala, était arrêté. Ex-n° 3 de la Direction de la surveillance du territoire en France, Louis Caprioli avait alors estimé, dans un entretien au quotidien El Khabar, que l'armée algérienne était «sur le chemin de la victoire».

C'était aller un peu vite en besogne. Certes, le temps n'est plus aux quelque 20 000 morts de la «sale guerre», l'offensive sanglante déclenchée au lendemain de l'annulation du second tour des législatives, en 1992, contre les islamistes, qui semblaient sur le point d'emporter le scrutin. Mais il resterait toujours, à travers le pays, environ un millier d'irréductibles armés. Outre deux groupuscules autour de Médéa et dans le centre-ouest, la plupart appartiendraient à la Baqmi.

Les étrangers visés

En menant un attentat contre les locaux du Haut-Commissariat pour les réfugiés, les islamistes visaient, de toute évidence, à tuer des ressortissants étrangers. Dans l'espoir, sans doute, de semer le trouble parmi les nombreux investisseurs présents dans le pays.

Quelque 32 000 étrangersreprésentant 105 nationalités travaillent actuellement en Algérie, selon les chiffres officiels. Les Chinois constitueraient, de loin, la communauté la plus importante (45% des expatriés). Viennent ensuite les Egyptiens (11%), les Italiens (3,5%), les Philippins, les Américains, les Français et les Canadiens (environ 3% chacun). Le secteur du bâtiment et des travaux publics emploie le plus grand nombre d'étrangers (51%), suivi des secteurs industriels. Ex-puissance coloniale, la France demeure le premier investisseur européen, hors hydrocarbures, avec 295 millions de dollars en 2006. 580 entreprises françaises sont présentes.

En septembre dernier,un groupuscule islamiste avait planifié l'enlèvement de deux ressortissants français travaillant à Alger pour Aéroports de Paris. Alerté, le contre-espionnage français a précipitamment rapatrié les deux hommes.

Des jeunes paumés, endoctrinés par des sites Internet extrémistes

L'émir actuel du groupe, Abdelmalek Droukdal, alias Abou Moussaab Abdel Ouadoud, un ancien électronicien, s'est rapproché d'Al-Qaeda, offrant à la centrale terroriste un ticket d'entrée au Maghreb en échange d'une franchise prestigieuse et, sans doute, d'une assistance logistique. L'affiliation a été confirmée dès septembre 2006 par Ayman al-Zawahiri, l'un des principaux lieutenants d'Oussama ben Laden. Les attentats qui ont fait une trentaine de morts, le 11 avril dernier, à Alger, étaient les premiers, dans l'histoire du pays, à être perpétrés par des kamikazes.

L'organisation inquiète, car elle semble séduire une nouvelle génération d'islamistes: de jeunes garçons paumés, sans emploi, issus des bidonvilles ou des cités de la banlieue d'Alger, abreuvés par les images de guerre de la chaîne Al-Jazira et endoctrinés par les sites Internet les plus extrémistes.

Nul doute que la résurgence du mouvement va semer le doute sur la crédibilité d'un régime dont le président, Abdelaziz Bouteflika, âgé de 70 ans, apparaît à nouveau «affaibli». Le camouflet est d'autant plus cuisant qu'Alger se targue de «surveiller» le flanc sud de l'Europe. Et de protéger l'accès à ses ressources énergétiques, qui drainent des milliards de dollars d'investissements étrangers.



01/04/2008
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