Rabbi yestar !

Il semble bien qu’Alger va demander des explications à l’Italie après la reconduction de deux Algériens vers leur pays, en avion, dans des conditions indignes, du sparadrap sur la bouche et les mains attachées dans le dos. C’est bien ! C’est même très bien. Mais, Alger va-t-elle demander des explications à Alger après les arrestations de jeunes manifestants algériens par des policiers algériens sur une place publique algérienne, sous le soleil d’Algérie, et l’incarcération d’un des leaders de cette contestation juvénile algérienne dans une prison algérienne ? Bien sûr qu’il ne faut pas s’amuser à des parallèles légers. Bien sûr ! Mais pourquoi devrais-je m’offusquer outre mesure du fait que des Italiens ne prennent pas de gants avec nos ressortissants lorsque les miens tombent à bras raccourcis sur le moindre babillage qui ne soit pas conforme au discours officiel et à sa pendante propagande ? Parce qu’il est plus facile, plus commode de dénoncer les «méchants ritals» que de dire leur fait aux «gentils dirigeants dialna» ? Pourtant, dans les faits, il n’y a pas plus hideux qu’un Algérien, haggar, qui enferme un autre Algérien parce que ce dernier ne réfléchit pas comme lui et propose des trucs différents, pas formatés de la même manière. Ce régime de bananes mal congelées embastille des enfants ! Des adolescents. Des jeunes. Il leur confisque tout bonnement leur droit à marcher librement et à ouvrir leur bouche pour crier autre chose que «Tahya Bouteflika !». Pourquoi, diantre, quand j’ai ça chez moi, quand je dois vivre tous les jours avec cette dictature de la hogra, vais-je alors faire semblant de jeter toutes mes forces dans un combat contre l’Italie et ses reconduites inhumaines ? Du sparadrap italien sur des bouches algériennes, c’est une fois toutes les Saint-Glinglin. Des matraques algériennes sur des têtes d’Algériennes et d’Algériens, c’est tous les jours. Oui ! Tous les jours ! Sans même un petit bout de sparadrap pour arrêter le sang ! Avec cette réalité qu’il faut marteler sans cesse : dans ton pays, malgré les promesses de réformes balbutiées par un châtelain épuisé à la télé, tu ne peux pas sortir dire ton avis, prononcer d’autres mots que ceux autorisés par la fabrique officielle des mots. En clair, cela veut dire que tu es déjà étranger sur ton propre sol. Chez toi ! Pourquoi alors en rajouter dans l’offuscation sous prétexte que des étrangers, des Italiens te virent brutalement de chez eux ? N’y a-t-il pas plus urgent au fond que de reconquérir le droit humain de parler, juste parler librement dans son propre pays, sans se voir aussitôt emprisonné ? Le déni de ce droit-là, voilà ce qui m’ulcère au plus haut point aujourd’hui. Ensuite, ensuite seulement, je pourrais m’occuper de l’élasticité du sparadrap italien ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
H. L.

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