Il raconte dans le détail comment Hassan II «faisait miroiter, au président Bendjedid, la solution politique alors qu’il avait d’autres arrière-pensées, lui qui a la connaissance parfaite du dossier, la psychologie des hommes, la capacité de feindre et le manque de scrupules qui facilite les volte-face».
Il évoque aussi cette paix que Boumediène voulait faire avec le Maroc, «à l’ombre de la baïonnette», mais aussi, ce plan d’Alger qui devait empêcher le Maroc de construire ses fortifications et l’obliger à dévoiler son jeu, mais qui n’a pas reçu l’ordre d’application de Bendjedid. Ce qui a poussé le général à se poser de nombreuses questions sur la cohérence et la finalité de la politique sahraouie. Le livre ouvre le débat sur cette question en s’interrogeant s’il faut la laisser aux générations futures…
Certains vont dire que le livre est une compilation, d’autres vont l’utiliser pour se lancer dans des polémiques sans fin. La vérité est qu’à travers mon vécu en tant que chef militaire durant des périodes cruciales qu’a traversées mon pays, je m’interroge sur cette politique de la chaise vide adoptée par nos dirigeants en ce qui concerne la question du Sahara occidental et des relations avec le Maroc. N’est-il pas temps d’ouvrir le débat sur ce dossier qui pèse depuis plusieurs décennies et d’éviter de le laisser comme héritage aux générations futures ?» a explique l’ancien ministre de la Défense, le général à la retraite Khaled Nezzar, en évoquant la sortie prochaine du premier tome de son livre Recueil des mémoires du général Khaled Nezzar, chez Chihab Edition.
Un témoignage de première main, qui éclaire le lecteur sur l’agression du Maroc contre l’Algérie une année à peine après une indépendance chèrement arrachée, et «résume des situations complexes, comme les événements de Kabylie, les visions différentes qui ont amené les colonels Chaabani et Zbiri à tenter d’inverser le cours des choses par la sédition militaire, l’intermède Ben Bella, Boumediène et ses priorités, Bendjedid et ses responsabilités, mais aussi ses mérites». Les quelques extraits du chapitre consacré au dossier du Sahara occidental sont palpitants et riches en révélations. L’auteur remonte le temps, à l’époque où Chadli Bendjedid, alors fraîchement placé à la tête de l’Etat, lui confie la 3e Région militaire, en remplacement de Selim Saadi, qui venait de rejoindre le gouvernement. Il plante le décor en présentant cette région.
En plus du secteur sud de Tindouf, Khaled Nezzar est responsable des secteurs de Bordj Lotfi, au centre, et de Béchar, au nord, qui, précise-t-il, fait face aux forces vives marocaines basées au Ksar Essouk. Les trois secteurs comptent des brigades de combat, des unités autonomes, des bases aériennes dont une d’hélicoptères, ainsi que des plateformes pour la logistique, des dizaines de milliers d’hommes qui évoluent sur un terrain qui s’étire sur 1300 kilomètres que manage le lieutenant-colonel Mohamed Touati, nouveau chef d’état-major de la région, présenté par l’auteur comme le «militaire par excellence». Nezzar entre dans le vif du sujet : «Mes rencontres avec les responsables du Polisario sont rares.
Nous recevons de temps à autre des ordres d’attribution de munitions que nous prélevons sur nos dotations. Habituellement, les moyens du Polisario sont assurés par l’échelon central. Nous suivons attentivement ses actions et évaluons leurs répercussions possibles sur notre territoire. Les Mauritaniens, affaiblis par des attaques successives, baissent les bras. Les Marocains, face à la morbidité et à l’audace des Sahraouis, conseillés par les Français, spécialistes en matière de lignes fortifiées (Vauban, Maginot, Morice, Challe ou encore les cols des Alpes et des Pyrénées), imaginent comme parade aux incursions du Polisario la construction de murs. A cette époque, la situation des FAR (les forces armées du royaume, ndlr), est difficile.
Les DIR (Détachement d’intervention rapide), équipés de moyens légers et rapides, sont à bout de souffle. Les prisonniers marocains se comptent par milliers. Un bon nombre d’entre eux sont cantonnés en Algérie, avec l’accord des autorités marocaines. Le roi ne veut pas négocier leur libération avec le Polisario afin de ne pas reconnaître indirectement son existence (ce n’est que dix ans après que ces malheureux, au nombre de plus de 5000, retrouveront leurs familles. L’opération sera conclue discrètement entre les deux chefs d’Etat). Prudent, il ne veut prendre aucun risque. Son aviation a ordre de ne jamais violer notre espace aérien. Pour gagner du temps, afin de construire ses fortifications en paix, Hassan II feint un rapprochement avec l’Algérie. Ce rapprochement est illustré par la rencontre des deux chefs d’Etat grâce aux bons offices du roi d’Arabie Saoudite, sollicité sans doute par le monarque marocain…»
«Six mois avant, nous savions tous que le Maroc ne pouvait construire ses murs»
A la 3e Région militaire, écrit le général à la retraite, tout le monde savait, six mois à l’avance, que le Maroc ne pouvait pas construire les murs au moyen de ses seules forces présentes au Sahara occidental. «Il lui faut nécessairement déplacer ses forces vives blindées et mécanisées qui font face à l’Algérie à Ksar Essouk. Hassan II fait miroiter à Chadli une solution politique. Chadli est sincèrement preneur. Mais Hassan II a des arrière-pensées. Le roi a tout ce qui manque à Chadli : la connaissance parfaite du dossier, la psychologie des hommes, la capacité de feindre et le manque de scrupules qui facilite les volte-face. Chadli n’a pas mesuré, à son juste prix, ce que coûterait à Hassan II, sur le plan intérieur, un abandon de sa politique agressive au Sahara. Tout à son numéro de charme, le roi ne tarit pas d’éloges sur son vis-à-vis.
‘‘Chadli aime les Marocains’’, dit-il. Il a la partie belle avec le militaire mal équarri politiquement qui lui fait face. Redoutable tacticien, il veut convaincre que tout ce qui est arrivé n’est qu’un malentendu. Il rejette la responsabilité sur les Mauritaniens. Les réalités sont souvent plus exigeantes que les ambitions ou les antagonismes entre les personnes. Le fils de Mohammed V veut donner l’impression d’avoir compris ses erreurs et médité leurs conséquences. Dans un mémoire au Président, Mohamed Touati et moi-même attirions l’attention du chef de l’Etat sur les raisons de ce brusque accès d’amitié envers l’Algérie qui a saisi le monarque marocain.
Nous proposons des mesures concrètes à même d’empêcher le Maroc de construire ses fortifications, ainsi il sera contraint de dévoiler son jeu. Nous suggérons d’ouvrir un champ d’action aux Sahraouis, à partir du secteur centre, à travers M’hamid El Ghozlane. Les Sahraouis auront de ce fait des objectifs situés à l’intérieur même du Maroc. Nous prenons toutes les dispositions pour parer à toute éventualité.
Nous proposons de renforcer le secteur centre par des forces motorisées déjà rodées et parfaitement opérationnelles. Des hélicoptères de combat et des MIG23 protégeront notre ciel. Le Président tient une réunion au poste de commandement de Béchar, il approuve le plan. Les renforcements demandés sont accordés et mis en place.
C’est ce plan que les Sahraouis dénomment le ‘‘Plan d’Alger’’ et dont ils ne cesseront de réclamer l’application. Mais l’ordre de déclenchement ne vient pas. Il se trouve auprès du Président des avis opposés, au motif que ce plan pourrait conduire à une guerre généralisée et que le contexte international n’est pas favorable. L’occasion d’interdire aux FAR de construire leurs fortifications est définitivement manquée. C’est à ce moment que je commence à me poser des questions sur la cohérence et la finalité de notre politique sahraouie», écrit l’auteur avec une simplicité qui entraîne le lecteur jusqu’à la fin du récit.
Les peuples victimes de la folie des grandeurs du roi Hassan II
L’auteur révèle qu’on lui a toujours reproché d’enfreindre l’obligation de réserve lorsqu’il évoque le conflit du Sahara occidental et se pose plusieurs questions. «Appréhendant peut-être mieux que les politiques les conséquences de l’enlisement de cette question, je veux savoir quelle est réellement notre politique dans cette affaire. Pourquoi ne pas saisir l’opportunité historique de ce moment où le Maroc se trouve face aux conséquences de son aventurisme et où il est puissamment demandeur, pour le convaincre de mettre fin à sa politique expansionniste et l’amener à conclure un accord avantageux pour les trois pays et les trois peuples de la région ?» Des questions suscitées par certaines réactions des dirigeants de l’époque qu’il détaille aux lecteurs. «Ma rencontre avec Ahmed Taleb, ministre des Affaires étrangères, tourne court.
Je suis étonné de l’entendre dire : ‘‘Nous avons rallié plus de 60 pays à la cause sahraouie. Il vous incombe à vous, militaires, de soutenir nos amis sahraouis en armes, équipements et munitions.’’ Soixante pays ? Combien en restera-t-il une fois que les grandes puissances commenceront à se mêler sérieusement de nos affaires ? La volatilité des voix des pays ‘‘amis’’, Taleb Ibrahimi en tient-il compte ? Des motions et des votes non contraignants, le Maroc n’en a que faire ! Loin de moi l’idée de discréditer l’intelligence de nos diplomates. Ils ont fait un extraordinaire travail d’explication et de persuasion qui a convaincu de nombreux pays de refuser de s’aligner sur les thèses marocaines. ‘‘La guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens’’, a dit quelqu’un.
Quelle est notre politique à long terme dans cette affaire ? J’espérais entendre notre ministre me l’expliquer, afin que j’agisse en conséquence. J’en serai pour mes frais. Une idée s’impose à moi, et ne me quittera plus. Puisque nous disons et répétons que jamais nous n’ouvrirons les hostilités les premiers et que dans le même temps ‘‘nous coupons les ailes’’ aux Sahraouis, qu’est-ce qui empêche donc le Maroc de conforter sa mainmise sur les territoires qu’il a envahis, de piller leurs richesses, de corrompre certains chefs traditionnels locaux et de mettre tout le monde devant le fait accompli ?»
Boumediène : «nous ferons la paix avec le Maroc à l’ombre de la baïonnette…»
Nezzar tente d’expliquer aux lecteurs ses questionnements en écrivant : «Le lecteur pourrait s’étonner de voir un militaire chercher à savoir le but exact poursuivi par le pouvoir politique. C’est qu’il y a tant de choses à prévoir et à faire sur le plan militaire, selon ce que nous vivons en définitive. La stratégie de dissuasion statique a été mise en œuvre par Houari Boumediène. Il l’a résumée par une phrase prononcée juste avant mon affectation au SOST. Il était resté un moment pensif, puis tapotant sur la table avec un stylo, il avait dit : ‘‘De toute manière, nous ferons la paix à l’ombre des baïonnettes.’’ L’ombre ! Qu’est-ce que l’ombre en termes militaires? Une menace latente, diffuse, éloignée, une chose en apparence virtuelle mais en fait concrète et brutale se tenant à l’arrière- plan, et qui peut venir, à tout moment, dissiper par le feu son ombre projetée.
Quels sont les facteurs objectifs qui feront qu’elle cessera d’être virtuelle ? Personne, parmi les décideurs politiques, ne peut ou ne veut répondre à la question. La non-mise en application du plan d’Alger illustre parfaitement cette indécision. Je serai tellement harcelé par les responsables du Polisario à ce sujet que je serai contraint de les éconduire d’une façon très peu diplomatique.
A un Finlandais à qui on demandait comment faites-vous pour cohabiter avec un voisin aussi puissant que l’URSS, il répond : ‘Nous avons un bon ministre des Affaires étrangères’ ! Malgré ce «bottage» en touche, je ne désespère pas. Je décide de rencontrer Mohamed Cherif Messadia, secrétaire général du FLN, et accessoirement idéologue en chef du régime. Il me reçoit avec beaucoup d’amabilité. ‘Laisse donc les choses aller à leurs cours, cette crise du Sahara va nous permettre de construire le Maghreb arabe’ ! me dit-il.
Comme langue de bois, on ne fait pas mieux. Le Maghreb Arabe est le miroir aux alouettes, l’auberge espagnole où chacun apporte sa soupe. Je pensais qu’après les quatre ou cinq projets qui ont échoué depuis l’invasion française, et dont chaque fois se sont servis, pour nous enfoncer la tête sous l’eau, les responsables politiques algériens en étaient revenus de ces projections utopiques. Cette affaire est celle des occasions perdues. L’équation est maintenant complexe. Ses termes sont les mêmes pour les deux pays : les défis économiques et sociaux, les ruptures stratégiques au Moyen-Orient, l’effondrement de la Libye et les menaces terroristes à nos frontières…».
«Hassan II mime Netanyahou. Il parle de paix et poursuit l’intégration des territoires occupés»
La réalité d’aujourd’hui, note l’auteur de ce recueil est que «bientôt nous nous apercevrons que, dans cette question du Sahara occidental, nos deux pays ont été victimes des phobies, des rancœurs, de l’incompétence et du manque de vision stratégique à long terme des dirigeants des deux pays. Ils ont été surtout victimes de la folie des grandeurs du roi du Maroc. Hassan II, après avoir consolidé sa présence au Sahara occidental et opéré des transferts de population pour fausser les résultats d’un éventuel référendum, mime Netanyahou.
Il parle de processus de paix et en même temps poursuit concrètement l’intégration des territoires occupés». L’ancien ministre de la Défense revient sur le comportement du Maroc à l’égard de l’Algérie, notamment durant les années 90, l’Armée menait la bataille contre les groupes terroristes. «Au cours de la décennie 90, quand l’ANP était sur tous les fronts pour résister au déferlement terroriste, il (le Maroc) a développé en direction de l’Algérie une offensive de délitement de l’intérieur par le déversement, grâce aux réseaux de la contrebande, de quantités colossales de drogue pour ravager notre jeunesse.
Il a mené d’une façon déterminée, cohérente et réfléchie, une désinformation faisant passer nos forces armées pour un ramassis de tortionnaires et de tueurs de villageois. Soudoyant des journalistes, s’assurant l’appui d’opposants algériens, y compris de grands noms du mouvement national, payant des avocats européens très médiatisés, les Services marocains sont derrière les actions anti-algériennes des ONG, de Trial à Human Right Watch, en passant par toutes les associations droit-de-l’hommiste assidument offensives pour obtenir les condamnations des grands responsables militaires algériens à la retraite ou encore en activité…», note l’auteur, avant d’enchaîner : «Le roi, quand les intégristes du FIS étaient au zénith de leur puissance, n’a pas attaqué l’Algérie par solidarité ou par ‘compassion’ mais par crainte de voir le mouvement intégriste, vainqueur, déborder chez lui. Le mimétisme islamiste aurait accouché de mille prophétaillons locaux qui auraient balayé les illusions du ‘commandeur des croyants’ quant au confinement de l’islamisme à l’intérieur de ‘la cuve algérienne’ décrite par lui comme un ‘laboratoire’. Et de promettre «plus de détails» sur cet épisode dans le tome II de son livre, qui paraîtra dans quelques mois.
«Comment me montrer aux côtés du roi dans une de nos bases militaires ?»
L’auteur aborde sa rencontre, à deux reprises, avec le roi Hassan II. La première fois à Oran lorsqu’il a été invité par le président Chadli. «Au cours du dîner donné en son honneur, la conversation que j’ai avec lui tourne autour de la construction du Maghreb arabe. Le point de vue de l’armée algérienne est simple à énoncer: ‘Nous, militaires, ne souhaitons qu’une chose: que les problèmes qui existent soient résolus - et résolus d’une façon pacifique. Ensuite nous aimerions nous engager avec l’armée marocaine dans une coopération pour créer les conditions d’une défense commune. L’Union du Maghreb sera acquise dès lors que les économies et les forces armées des deux pays en seront les piliers et le moteur’. Il me répond : ‘Si c’est comme ça que vous voyez le Maghreb, envoyez, dès demain, une brigade s’installer à Rabat!» Une brigade ? Tiens… Hassan II ne dit ni division, ni bataillon mais brigade. La façon dont est articulée l’ANP n’a pas de secret pour lui.
A la fin du repas, le président Bendjedid me demande d’accompagner son hôte à Mers El-Kebir, et de lui faire visiter nos installations. J’ai dit le point de vue de l’armée à Hassan II, mais je ne veux pas aller plus loin pour ne pas me substituer à l’autorité politique. Et puis, comment me montrer aux côtés du roi dans une de nos bases militaires alors que mes chars sont sur le pied de guerre et que mes unités sont sous pression ? Le risque de démobilisation psychologique des hommes que je commande est présent dans mon esprit. Il y avait quelque chose de tout à fait incongru dans cette initiative de Bendjedid. Je ne m’imagine pas dévoiler aux militaires qui accompagnent le roi les détails de notre principale installation navale. Je plante tout le monde là, et je reprends l’avion pour Alger. Le lendemain, une délégation marocaine me rend visite. Elle est composée du secrétaire général du ministère de la Défense, du commandant de la gendarmerie royale et du directeur des services de sécurité. Le roi m’invite à lui rendre visite à Rabat. Je ne donnerai aucune suite à cette invitation».
Le général cubain…
Le général Nezzar rappelle comment le roi Hassan II, une fois son armée sortie de sa mauvaise passe, se remet à bomber le torse, à travers son interview du 8 novembre 1989, accordée à Jeune Afrique. «Tindouf faisait partie du Royaume…». «Le Maroc, de tout temps, n’a jamais réclamé que ce qui lui appartient. Ainsi, Tindouf faisait partie intégrante du territoire marocain jusqu’au début des cinquante puisque lors des cérémonies de l’Aid El Kebir et de l’Air Eseghir, le pacha de cette ville - je l’ai vu de mes propres yeux - venait faire allégeance à mon père».
Plus loin et à une question posée par le journaliste : «Majesté, puisque c’est l’intrusion de l’Algérie qui est à l’origine de la complication de l’affaire du Sahara, pourquoi le Maroc n’a-t-il pas saisi l’occasion de l’accord frontalier de 1972 pour lier la question des frontières à l’affaire du Sahara, de manière à amener le voisin à tenir ses engagements ? Et lors de la guerre des sables en 1963, l’armée marocaine se trouvait à Tindouf, pourquoi avez-vous ordonné au général Driss Ben Omar de battre en retraite ?». La réponse a été : «Je commencerai par la deuxième question. J’estimais qu’il ne fallait pas créer entre les deux pays un point de fixation morbide. En second lieu, Tindouf en elle-même ne m’intéresse pas.
Elle est intéressante sentimentalement, mais elle ne constitue ni un nœud de voies stratégiques ni un lieu de passage obligé. Vous me direz qu’elle contient du fer et c’est vrai. Mais ce fer est piégé: s’il ne passe pas par le Maroc, il ne peut passer nulle part. Enfin, aucune ville marocaine ou algérienne ne mérite une guerre. Je vous dirais plus, et qui est totalement inédit: je n’ai pas arrêté le seul général Driss, mais également le général Kettani. Il m’a dit : si Votre Majesté veut faire la prière à Oran, vendredi prochain, nous y serons…».
A une autre question: «Cette guerre n’est-elle pas une bénédiction dans la mesure où le Maroc, doté d’une armée désormais puissante, pourrait peser sur la région? Le roi Hassan II a déclaré : «Je peux dire sans forfanterie que, sur le plan de la guerre du désert, (je ne parle pas de la guerre dans les Ardennes ou les plaines européennes), l’armée marocaine est, sinon la meilleure, du moins la seule au monde opérationnelle». Même si on la comparaît à l’armée israélienne ? «Sans lui enlever ses mérites militaires, elle n’a jamais eu à conquérir, occuper et sécuriser l’étendue et la nature des territoires que nous sécurisons. La comparaison n’est pas fondée». Voilà donc ce que pensait Hassan II et ce que pense toujours son successeur. Le désir d’hégémonie et de puissance hante leurs rêves. Il feint d’oublier que, s’il a donné l’ordre à ses généraux de ne pas s’engager plus avant, c’est qu’il s’avait que l’Algérie avait rassemblé à ses frontières des forces bien plus importantes en volume et en nature que les siennes».
Pour l’auteur, l’agression inqualifiable de 1963 à Hassi Beida et Tindjoub avait suscité chez des pays amis un élan de solidarité avec l’Algérie. «Deux forts groupement blindés et mécanisés ont été acheminés vers l’Algérie, l’un par l’Egypte et l’autre par Cuba. Ils se trouvaient en zone d’attente près de la frontière marocaine, prêts à intervenir. Le général cubain, qui commandait les forces, vient d’écrire ses mémoires : ‘Les tanks arrivèrent à Oran en 12 jours, le 22 octobre, le second bateau, le 29 du même mois…l’objectif stratégique visait le centre du Maroc…’. Après une réunion à Béchar entre les directions militaires algériennes et cubaines, le plan de Boumediene fut retenu : «Nous occuperons des territoires frontaliers marocains. En cas de négociations, l’Algérie se trouvera dans de meilleures positions».
Le général Ameijeiras voulait, lui, continuer jusqu’à Casablanca. L’opération fut planifiée pour une attaque simultanée sur trois axes : Laaricha-Bergent, Tlemcen-Oujda, et à partir du sud. Castro disait : «Nous donnerons toute l’aide dont l’Algérie aura besoin». Ce chapitre est aussi palpitant que celui consacré au témoignage qui mènera le lecteur jusqu’en Egypte, pour raconter l’histoire de ces militaires algériens qui ont pris part aux combats contre l’armée israélienne, en attendant l’autre volume, consacré quant à lui «à la période cruciale où l’armée, contrainte et forcée par la faillite des gouvernants et les émeutes nihilistes, est sortie de son rôle traditionnel pour sauver le pays…», explique le général Nezzar. Un livre témoignage à lire absolument….
Recueil des mémoires du général Nezzar :
Ma carrière militaire
Edition Chihab, 450 pages, prix : 1500 DA