Ce soir, ça commence à Strasbourg, avec Benjamin, 16 ans, un petit garçonnet rouquin plutôt timide qui ne paye pas du tout de mine mais me bluffe d'entrée de jeu par 1) le choix de son morceau, qui aura fait plaisir à Manœuvre et Marco Prince : Whole Lotta Love de Led Zeppelin ; et 2) son sens du rythme — pardon, Marco : du groove — et son jeu de percussions ventrales assez maîtrisé. À part ça, il massacre le morceau, mais c'est dans l'air du temps : techniquement, rien à redire, c'est juste que c'est très laid, cette façon de sur-chanter du R&B (ou de la nu soul, si vous préférez). Trop de trémolo tue le trémolo !
Mais Manoukian, même s'il commence par une pique (« petit Garfunkel à l'aspartame »), aime bien ; Marco dit oui ; Lio également ; Manœuvre, quant à lui, apprécie le traitement de Led Zep à la sauce Michael Jackson : « La Nouvelle Star, c'est un travail de nouveau regard frais sur des vieilles chansons ». Même si c'est moyennement français, c'est un oui. Quatre fois oui pour le mignonnet mollasson.
On nous propose ensuite sans plus attendre de nous moquer de quelques tocards. Rien à signaler, sauf cette remarque de Phil M. après le massacre d'un morceau de Nirvana : « Kurt Cobain est mort une seconde fois ce matin ! » Manouk n'est pas en reste, avec son style inimitable : « Vous chantez comme un ténor italien, mais plutôt pizzaiolo. »
Le candidat suivant s'appelle Sofiane, un Messin de 18 ans, qui adore sa mère, le basket et la tautologie : « Ma mère, c'est la plus belle chose sur cette terre, et tant qu'elle sera sur terre, elle sera là ». Sur ce, il place un panier pendant l'entraînement des minimes du coin, puis se dirige vers le bar karaoké le plus proche, où il met le feu, ou déchire tout, je ne sais pas quoi choisir. Retour dans les coulisses de l'audition : avant le choc, Sofiane est remonté comme un boxeur : « J'vais les manger, pas leur laisser le choix » ; mais un boxeur, comment dire, un brin niaiseux : « J'pense juste au sourire de ma maman. » Arrivé devant les quatre muppets du jury, il déclame Superstition de Stevie Wonder, un morceau qu'on ne déclame pas impunément. C'est extrêmement démonstratif, mais sans doute efficace. Mais démonstratif, vraiment ! Marco et Lio votent cependant oui. Manoukian demande à Manœuvre, et la pub coupe à ce moment-là . Das Suspense ist insoutenable !
(Le jeu-concours qui précède le tunnel de réclame est aussi subtil que ceux de TF1 pendant les matchs de foot, misant clairement sur la mémoire de poisson rouge du téléspectateur : « Quel candidat vient de chanter Superstition de Stevie Wonder ? Sofiane ou Benjamin ? »)
Après la pub, Manœuvre dit oui. Manoukian lance la phrase pseudo-culte : « Vous m'avez mis les poils. » Lio se pâme : « T'es beau gosse à mort ! » Allez hop, à Paname !
Adrien, 19 ans, jeune asperge à lunettes, cite Nietzsche, chante Göttingen de Barbara et enchaîne avec Hello, Dolly! (bout de comédie musicale de Broadway). Il met enfin un peu d'originalité dans tout ça. Je m'ennuyais ferme et il vient de me réveiller. Son côté Woody Allen marche très bien, même si Manoukian trouve que sa version de la chanson de Barbara était trop joyeuse, comme s'il fallait à tout prix chialer pour chanter du Barbara... Même Manœuvre dit oui ! Bref, Adrien ira à Paris.
Phil M., justement, était en dédicace la veille à la Fédération nationale d'achat des cadres de Strasbourg, où une jeune Marine, 17 ans, en profite pour lui demander s'il n'y aurait pas encore une possibilité pour participer au casting du lendemain (si vous avez un problème de concordance des temps, ne réglez pas votre écran : c'est bien moi qui ai buggé). « Y aura une possibilité STRONG », répond l'ineffable rédac-chef de Rock & Folk.
On retrouve donc Marine à l'audition. Elle vend la mèche et Manœuvre est faussement gêné, les autres hilares (moi aussi), bref le spectacle est bien rôdé. Marine propose de chanter Mademoiselle chante le blues « et une chanson moderne », elle est drôle, et selon moi qui n'ai pas la science du grand Manouk, elle sait chanter. M'enfin, Lio, elle, a la science du grand Manouk, et elle assassine en douceur la petite : « On sent une immense envie de chanter, mais t'as pas de technique du tout. » Elle est dure, Lio. Philippe met son « petit oui d'encouragement », Marco reconnaît le joli timbre mais considère que l'audition était brouillonne, pas incarnée. Bref, Marine nous a fait rire, un peu touchés aussi, mais elle est recalée. Ils sont sévères, les muppets.
Lilia, 23 ans, de Dijon où elle nettoie des trains, est une rockeuse inscrite par son oncle et qui, une fois n'est pas coutume avec ce ramassis de cancres arrivistes (excusez-moi, il est tard), parle correctement la langue de Molière, Didier Barbelivien et Garou : « C'est mon oncle qui m'a inscriteuh. » Superbe. Ajoutez à ça son T-shirt « Ramones » et il y a de quoi être conquis. Elle chante agréablement sa version de Fell in Love With a Boy de Joss Stone. Manoukian la trouve élégante, moi de même. Lio explique alors en substance que l'audition était parfaite mais qu'elle vote non quand même, parce qu'elle n'a pas été emballée. Il faudra qu'elle m'explique, un de ces quatre matins, la logique de ce non-choix. Manœuvre, qui n'a pas encore envoyé de vacherie ce soir, vote ainsi : « Oui, parce que je craindrais de vous en entendre chanter une autre ! » Bref, Lilia partira à Paris, malgré les sarcasmes de rigueur.
On quitte ensuite Strasbourg pour Lyon, où Lio, qui a dû en fumer un ou deux de trop, déclare sans rire que « tout a une fin, sauf le saucisson qui en a deux ». Il faudra lui expliquer que Benjamin Castaldi sort couramment ce genre de blagues sur le plateau de La Ferme (mais en version « banane »), ça la calmera, Wanda.
Ambre, 23 ans, de Paris, chante du... Cœur de Pirate, que je persiste à ne pas vouloir connaître plus que ça. La chanson n'a pas l'air plus niaise que la moyenne du genre (ceci n'est pas un compliment, au cas où vous douteriez). Lio vote oui, mais précise : « Tu l'as ratée, ton audition, je te le dis ! » Marco est étonnamment sévère avec Ambre, ou plutôt pointilleux. Il faut dire que la guitare de la jeune femme est désaccordée et que sa version du Rocky Racoon des Beatles commençait en effet plutôt mal. Mais ça se finit en beauté. Direction Pantruche !
Alima, 20 ans, aveugle, chante du Madonna (Like a Prayer), et à part Lio, qui trouve ça « honnête » mais vote non, les trois mâles sont conquis par cette « formidable envouteuse ». Le superlatif est de sortie, ce soir !
On a droit ensuite à un enchaînement rapide de candidates ayant passé le test avec succès, dont surnage une formidable Iris, chantant House of the Rising Sun comme si sa vie en dépendait ! Pas de sujet sur elle ce soir, mais je suis prêt à parier qu'on va en reparler très vite. Largement au-dessus des autres, pour ce que j'en comprends. Je n'ai pas la science d'un Marco Prince, c'est entendu.
Cela dit, et surtout depuis l'épisode Jessica, 20 ans, Colomiers (pardon au passage pour mon erreur toponymique de la semaine dernière), je commence à sentir quand une candidate va servir de victime expiatoire. Cette Laura, 18 ans, « trop petite au niveau de [sa] taille » et donc recalée par les pompiers qu'elle admire tant, exerce le métier utile de coiffeuse (rappel : Jessica était esthéticienne). On ne nous mentionne pas ses goûts musicaux, c'est bizarre. En fait, le sujet qui lui est consacré ne parle pas un instant de musique, mais seulement de son désir de réussite. Ça sent donc plutôt mauvais. Confirmation dans les larmes après sa version niveau karaoké de Sensualité d'Axelle Red. Phil Manœuvre, avec l'air de ne pas y toucher : « Vous n'avez pas chanté. » La petite Laura s'effondre instantanément car elle sent que son second rêve se brise, et c'est trop pour elle. Beaucoup trop. Le moment est à la fois triste et puant, je suppose qu'il en faut un par semaine, que le cahier des charges de cette émission l'impose. Bref, moi, j'en profite pour aller aux toilettes.
Quand je reviens, Marco pose la question qui fâche : « Ils sont où les bonhommes, à Lyon ? » C'est vrai qu'il n'y a que des filles qui cartonnent. Et les « bonhommes » sont seulement prétexte à grosse rigolade. Tous nuls, et donc parfois très drôles. Et puis entendre Manœuvre déclarer calmement : « Moi, j'vais t'arrêter d'une balle dans la tête », ça vaut le coup. Quant à la version de We Are the World par un jeune ours à peine pubère, elle restera dans mes annales.
On finit avec deux arnaques ordinaires : Mélodie, 22 ans, fille de thanatopracteurs, dont le père biologique a avec une élégance rare quitté femme et enfants « pour la musique ». Il a au moins eu le temps d'appeler sa fille Mélodie avant de se tailler... Mélodie qui prie Michael Jackson, rien que ça. Elle chante The Way You Make Me Feel de son Jacko chéri, et récolte trois oui. Ensuite, elle annonce ça à sa mère et pleure au téléphone. Que de violons, cette semaine ! Je déteste les mélos, moi !
Seconde et dernière arnaque : Lussi, 26 ans, « sosie » de la chanteuse de Superbus. Elle maîtrise moins bien les accords grammaticaux que Lilia : « Je me suis inscrit la veille. » OK, Patrick. « Je fais tout en one shot. » En quoi ? Ma grand-mère n'a pas compris, Lussi. Peux-tu parler la langue de Frédéric François avec un peu plus de respect, please ?
Bref. Elle chante American Boy, le tube de Estelle. C'est bourré de tics rock FM affreux, entre Avril Lavigne, Alanis Morissette et toutes leurs ignobles imitatrices. Je me souviens alors qu'à une époque le rock était une musique rebelle et que ça fait bien trente ans que c'est fini. Ça me fait toujours un peu mal. Le rock est mort et c'est pour ça que Lussi chante du rock à la Nouvelle Star, avec des poses de « vieille péripat' », pour parler comme ce bon Manouk quand il est inspiré.
La semaine prochaine, on nous promet du clash, à Bruxelles et Paris. À la bonne heure !
Nouvelle Star : Sarah en douceur, Leïla en force !
mer mars 03 01:45 Par Aldo Mourousi
Je n'avais jamais encore regardé une émission de la Nouvelle Star. Cette année, mon patron a décidé de m'y affecter en remerciement de mon dévouement sans bornes depuis le début de ce naufrage philosophico-zoologique qu'est La Ferme. Alors, de la télé réalité, oui, mais enfin, un peu de musique, avec les auditions de la Nouvelle Star à Marseille et Toulouse.
Le programme commence avec un enchaînement sans faille de tous les clichés majeurs associés à Marseille. On est « au cœur de la cité phocéenne », « la ville de tous les extrêmes » (Manoukian), avec « des stocks de bouillabaisse »... C'est plutôt écoeurant. Philippe Manœuvre fait semblant de manoeuvrer le TGV pour les caméras. C'est bon enfant.
On entre cependant très vite dans le vif du sujet : la musique. Ça commence avec Luce, 19 ans, de Montpellier, sorte de chatte rousse à moustaches supposément musicales : ce grimage lui procurerait rien moins que « dix-huit octaves », soit la tessiture du croisement entre Mylène Farmer et Barry White, le tout au cube. Avec grande délicatesse, la gamine commence son audition par : « J'ai les mêmes en bas... » On se demande quoi. Elle chante Andy, le premier titre des Rita Mitsouko de la soirée ; il y en aura deux. Luce, c'est « une Beth Ditto à la française » selon le nouveau juré, Marco Prince, ex-chanteur de FFF, qui semble bien gentillet. Beth Ditto, la chanteuse obèse de The Gossip, bien sûr. Si vous êtes un peu grosse et que vous passez les auditions de la Nouvelle Star, nul doute que quelqu'un, à court d'imagination, vous comparera à un moment donné à Beth Ditto. Bref, pour Luce, c'est gagné : elle ira à Paris. Son « Vive les frites ! », en partant, se voulait certainement absurde : elle a l'excuse de son jeune âge.
Suit un premier montage d'humiliations diverses, prétexte à foule de bons mots du jury, forcément. Entendre Manœuvre dire de son air blasé « A cappella, sans guitare, c'est presque une torture » est toujours sympathique.
Arrive alors un certain Nicolas, l'alibi marseillais avec accent intégré (on aura le même, en féminin, à Toulouseuh, et ce sera un grand moment de dégueulasserie sadique). Outre que l'animal chante une chanson détestable (du non moins détestable James Blunt !), il la baragouine dans une langue inconnue, sans la moindre esquisse de mélodie, ce qui fait dire à juste titre à un Phil Manœuvre des grands soirs que « chanteur, y a des notes aussi, faut pas avoir peur d'envoyer les notes ». Lio achève le malheureux wannabe d'un subtil « Allez jouer aux boules, ça vous mettra moins les boules » et le concours de calembours est donc suivi d'une partie de pétanque en mort subite entre Nicolas, loser déclaré, et... Virginie Guillaume, qui, on me l'annonce, serait l'animatrice de cette émission. Une animatrice dont le rôle est pour l'instant bien obscur tant ses interventions sont absolument inutiles. Il n'empêche : elle bat le loser sans problème d'un pointage finaud à moins de deux mètres du cochonnet. De la belle ouvrage.
Mais ça fait déjà vingt-six minutes que je regarde, et le moins qu'on puisse dire c'est que l'émission passe au moins cinq fois plus vite que l'insipide Ferme Célébrités ! Merci patron ! Allez, première coupure pub.
Après la pub, donc, on nous présente un beau gosse, un vrai, pas un Mickaël Vendetta : Zyed, 17 ans, d'Aix-en-Provence. Ça chante pas trop faux, pas trop passionnant non plus, et sa caricature de Zoolander m'agace à fond. Verdict : Manœuvre n'a « pas entendu une voix », n'en déplaise à Marco, qui en perd son latin : « S'il a un truc que je trouve qu'il a, c'est une voix ». Mettez-vous d'accord, les amis. Manoukian aime bien, Lio modère. 2-2, Zyed en rappel. Il fait un peu mieux à la chanson suivante, sauf selon Manœuvre qui pense même qu'il a « reculé ». Mais Lio repêche Zyed, qui montera à Paris avec son « brushing impeccable ». Toujours utile pour chanter, le brushing.
Sarah, jolie brune de 19 ans, a complètement perdu confiance en elle depuis qu'elle s'est séparée de son ex pour des questions musicales ! Dans le couloir menant à l'abattoir, le nouveau petit copain, lui, assure, et d'un baiser chaste propulse sa promise vers ce qu'on suppose être le succès. Car en effet, Sarah chante bien, un peu faux dans les graves peut-être, un peu précipitée et en avance sur le tempo, mais c'est sans doute le trac. Elle a choisi un morceau très difficile, Master Blaster de Stevie Wonder, et elle l'a réussi. Et le jury pinaille. On croit rêver ! Manoukian hésite entre non et oui (ce sera oui), Lio dit non, Marco dit oui, Manœuvre, comme d'habitude quand il n'a pas Joey Ramone en face de lui, dit non. Sarah est donc elle aussi en rappel, et elle choisit du Ella Fitzgerald ! La petite a vraiment du courage. Elle emporte l'adhésion de Lio avec son chant jazz à la Björk (époque It's Oh So Quiet), et avec un meilleur accent anglais que Björk. Manoukian a le mot de la fin : « Très jolie, hein ? » J'en fais ma favorite.
Pour l'instant, tout va bien, et puis c'est le premier drame. Oh, léger, mais quand même... Hadjira, 25 ans, originaire de Mandelieu-la-Napoule (de Cannes, quoi). C'est la banlieusarde qui a « galéré » (elle a été jusqu'à faire d'un arrêt de bus son bureau...), sans père, tout ça. Quand elle dit : « J'veux faire partager mon son », j'ai envie d'aller me chercher une bière, mais je reste devant mon poste, par pur professionnalisme. Je ne la sens pas, cette Hadjira. En plus, elle choisit d'interpréter le premier tube de Patricia Kaas, Mademoiselle chante le blues, pas exactement la chanson du siècle... Elle le chante faux, détruit toute idée de rythmique (un comble, pour une chanteuse hip-hop) et... est prise sans aucun problème par le jury, momentanément sourd sans doute. À part Marco Prince, peut-être gentillet mais doté d'une oreille musicale assez fiable : « Il faut une voix, il faut faire attention à la voix, très vite ! » On ne saurait mieux dire, Marco...
(Ici, on remarque que même plutôt satisfait, Manœuvre a voté non, et Marco, déçu, a quand même voté oui. Un résumé de leurs deux personnalités : le pessimiste et l'optimiste. Notons également que Manoukian a vu en Hadjira « le chaînon manquant » — entre rap et chant, s'entend — et s'est même permis une folie : « Vous déconstruisez et vous reconstruisez, un vrai travail de philosophe ! » Jacques Derrida s'en est retourné dans sa tombe.)
Le candidat suivant est pénible avant même de commencer. Un banquier de 26 ans, surfeur-chanteur le week-end. Oh mon dieu ! Je crois que je préférerais encore un imitateur moyen de Vincent Delerm. Tout sauf ça ! Jérôme, donc, écume les bars de Juan-les-Pins le week-end avec son groupe, pour le plus grand malheur des fêtards. Pour son audition, il choisit le tube immonde de Maroon Five dont je ne veux même pas connaître le titre. Manoukian a le mot juste : « On dirait une vieille péripat', super pro et sans aucun plaisir... » Gentil, non ? On le saura après la deuxième coupure pub. Ça ne chôme pas, ce soir !
La « vieille péripat' » aura quand même son « oui », du bout des lèvres, du gourou Manouk. Pour Lio, « il sait faire ». Seul Manœuvre, comme souvent avec ce genre de tête à claques, a le mot juste, plein d'une salutaire ironie : « Jérôme nous pose le problème des chanteurs à casquette. » Bon. En rappel, le Jérôme. Et là , même moi, j'ai été bluffé. Sa reprise à la guitare sèche du Hey Ya de Outkast, d'ailleurs diffusée en teaser toute la semaine sur le site web de M6, emporte l'adhésion du jury. C'est du bon. Il ira à Paris. Manoukian le met quand même en garde : « Il ne faut pas la jouer trop détaché. » Arrêter un peu le surf, quoi...
On enchaîne toujours au pas de charge avec Audrey, 16 ans, de Saint-Raphaël. C'est son anniversaire aujourd'hui (enfin, le jour de l'audition...). Elle a droit à un gâteau et à une version pas trop ravagée de... Joyeux Anniversaire, par le jury (sans Manœuvre, exempté). La jeune Audrey déclare avoir « une âme de rockeuse » mais ça doit être le rock tout propre version Inrockuptibles, car elle choisit de chanter Ta douleur de Camille. Un calque en moins bien (forcément) de l'original. En rappel, elle chante avec une voix bien plus convaincante le I Want You Back des Jackson Five, et scotche Manœuvre. Il fallait le faire. Verdict sans appel : 4 oui. Cri suraigu en sortant : « Purée c'est trop bien ! » Un vent de fraîcheur, hein ?
Oui, mais maintenant c'est Toulouse, avec des clichés sur les grosses saucisses, bien sûr. Et surtout un quart d'heure de défoulement vicieux, le premier.
Anna, 30 ans, se présente avec Le Chanteur de Balavoine et se ramasse : faux, trop lent, nul, tout simplement. Il en faut du courage ou de l'inconscience pour oser se lancer comme ça... Lio : « Plus faux que ça, j'ai jamais entendu » (ah bon ?) ; Marco : « Anna rien compris du tout ; chanter dans sa salle de bains ça doit faire plaisir mais pour être chanteur il faut trois choses : justesse, rythmique, présence, et ces trois choses-là , vous les avez pas. » Boum. Explosion. Tristesse. Retour maison.
Gaël, 20 ans, livreur-chanteur à Limoges. Fils de pasteur, footballeur à ses heures - vu sa technique, on pourrait peut-être donner son numéro à Domenech -, le garçon choisit une chanson de... cœur de pirate, un groupe inconnu de mes services. Le rythme est bon, la voix ressemble à celle de Gérard de Palmas : c'est dire si ça me fascine. À juste titre, mais trop méchamment peut-être, ça casse. Lio est la pire : « T'es mignon, mais t'es arrivé trop tard, les boys band c'est passé. » Manœuvre traite le gamin de « branleur moderne », Manoukian le trouve « un peu fade, un peu tiède ». Je suis entièrement d'accord, mais pas Marco Prince, qui au prix d'un lobbying forcené va faire rechercher Gaël à la sortie. L'ex-chanteur de FFF est « convaincu du talent du jeune homme », nous explique la voix off. Il finira quand même par lui mettre un bon petit coup de pression avant de le laisser repartir : « J'espère qu'il y a quelqu'un dedans ! » Sous-entendu : « Mon garçon, ne me déçois pas, j'ai misé toute ma réputation de professionnel sur toi... » Oui, et c'est risqué, Marco, tant Gaël a livré une prestation ennuyeuse... Je l'aurais bien renvoyé sans ménagement dans sa chorale limougeaude, pour ma part.
Manon, 19 ans, exécute une chanson de Joss Stone, Dirty Men. C'est démonstratif, grossier, gueulard, bref, tout à fait dans les clous du genre soul sister. 4 oui : et le pire, c'est qu'elle ira sans doute loin.
Petit aparté comique, aux dépens d'un dénommé Yoan, qui non seulement chante.... Nuit magique, de Catherine Lara, mais excessivement mal. La variété française a toujours fait des ravages dans les foyers, mais là , on touche le fond. Enfin... On croit qu'on touche le fond. Mais on enchaîne en beauté avec... Jessica, 20 ans, esthéticienne à Coulommiers. Et avé l'accent. Et avé le sujet larmoyant, la grand-mère (ou l'arrière-grand-mère, je ne suis pas sûr d'avoir bien compris) qui soutient la petite, qui est fan de Frédéric François et Lara Fabian (aïe, aïe, aïe, le désastre est annoncé). Et avé la photo du père (ou du grand-père, je ne suis toujours pas sûr d'avoir bien compris) qui est mort avant que sa fille (ou sa petite-fille) ait connu le succès... Et avé le chien qui s'appelle Snoopy... Bref, n'en jetez plus. Ça respire la tristesse et les espoirs ravagés. Elle se prend pour une « diva », aime les « divas ». Traduisez : les hurleuses. Les chanteuses « à voix ». Tout ce qu'on aime, quoi. Pas vous ? Non, moi non plus. Et ça ne me fait même plus rire.
Je ne rigole plus, parce que la petite, avec sa voix puissante, se fait descendre en règle par tout le jury, Manoukian la coupant même au bout de deux secondes de l'insupportable (il faut quand même bien l'admettre...) Je t'aime de Lara Fabian. Le système est vicieux, aucun doute. Une audition normale aurait sans doute humilié « ordinairement » Jessica ; ici, ça se passe devant des millions de téléspectateurs et je me sens quand même sacrément voyeur, dans le mauvais sens du terme (oui, oui, il y en a un bon, je vous expliquerai). À la fin de ce naufrage musical prévisible, Manœuvre en rajoute une couche : « T'aurais voulu qu'on se prive de ça ? » Lio sort son couplet féministe : « Tellement tout le contraire de ce que j'aime que les jeunes femmes disent, pensent, incarnent ! » Bon, même si Manœuvre reconnaît quand même à l'infortunée Jessica « beaucoup de bravoure », il l'éjecte. Manoukian l'assassine en comparant son choix de chanson à Bécassine. Il lui conseille même, en bon commissaire politique, d'« écouter autre chose ». Fermez le ban. Jessica, sur le forum du site M6, a déjà des partisans, pour sa « voix ». Eh oui... C'est tout le problème. Les gens qui n'y connaissent rien pensent qu'une voix, ça suffit à faire de la musique. Ça suffit en tout cas depuis des éternités à faire prendre des vessies pour des lanternes, et à faire vendre des disques à la sœur de Claudette Dion.
Leïla, 28 ans, de Pau, avec son look bricolé improbable, nous finit l'émission en beauté ! Elle assassine avec sourire, conviction et grande théâtralité un morceau pas si facile que ça des Rita : Les Histoires d'A. C'est du grand n'importe quoi, consternant au début, puis tout simplement irrésistible car très drôle, très spectaculaire, et la scène, c'est du spectacle, bon sang ! Encore une fois, parce qu'elle est grosse et excentrique, on la compare à Beth Ditto (y aurait-il un axe Rita Mitsouko-The Gossip ?).
Moi qui n'avais jamais vu que la ringardissime Star Academy, avec ses featuring de Serge Lama, je dois dire que j'ai été assez soufflé par cette première émission. C'est passé très vite, je me suis amusé, et j'ai même hâte d'être à mardi prochain pour assister aux auditions strasbourgeoises et lyonnaises. Encore des villes à saucisses et à saucissons. On va bien rire, je vous le dis !