Actualité | dimanche 8 juillet 2012
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Gilles Manceron estime que la France est gênée de reconnaître son passé
«Les politiques français doivent arrêter de se faire manœuvrer par les nostalgiques»
le 08.07.12 | 10h00
La France est quelque peu gênée de reconnaître son passé colonial.» C’est le constat que fait l’historien français et rédacteur en chef de la revue de la Ligue des droits de l’homme, Gilles Manceron.
Invité du colloque d’El Watan organisé à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance, il désigne par «la France» la société, les institutions officielles et certains membres des rouages de la société dont des partis politiques. «La société française est peu ou prou impliquée dans ce passé colonial et tous les courants politiques qui la représentent reprennent cette gêne», dit-il dans son intervention donnée vendredi dernier. Il prend l’exemple de François Mitterrand qui, au début de son mandat, en 1980, commence par offrir des faveurs à d’anciens officiers français impliqués avec l’OAS.
M. Manceron souligne qu’il est faux de croire qu’il y a des anticolonialistes plus à gauche qu’à droite et que la société française a été façonnée par cette période coloniale dont les retombées sont diversement appréciées parce que la société elle-même est diverse et diversifiée. «Il y a eu un début de remise en cause durant les années 1970, puis cela s’est arrêté il y a 20 ans, notamment avec l’installation de régimes autoritaires après la décolonisation. Il y a eu donc une longue période de silence de la part des autorités officielles et les franges des nostalgiques de ‘l’Algérie française’ ont repris de la vigueur», explique M. Manceron, en notant qu’au lendemain de l’indépendance, l’extrême droite a pu obtenir 5% des suffrages aux élections en France alors qu’aujourd’hui, elle atteint des niveaux de 19 à 20% : «La France est diverse et diversifiée, elle est travaillée par des mouvements contradictoires. Des courant réhabilitationnistes et en même temps des courants qui reprochent le passé.»
L’historien précise que ces contradictions se sont exprimées durant toute la période de colonisation, c’est-à-dire de 1830 à 1962. «De vifs débats au Parlement ou dans les universités étaient menés, notamment contre certaines méthodes employées au nom de la France. Des collégiens ont protesté contre les enfumades du Dahra. La société française était déjà divisée à l’époque entre un courant qui justifiait la colonisation, et un autre qui présentait des images positives sur Abdelkader, par exemple. Donc des débats il y en toujours eu tout au long de la colonisation, car le fait colonial remonte au XIXe siècle. L’empreinte sur la société française est donc très grande et importante», indique Gilles Manceron, en notant que la société française se doit aujourd’hui de répondre à la question : «Est-ce que le fait colonial est compatible avec l’esprit de la République ?»
L’invité d’El Watan prend l’exemple des honteuses positions de Jules Ferry en faveur du colonialisme et de la supériorité des races et considère que «si la République ne revient pas sur ces concepts-là, on risque de voir encore des épisodes comme celui de l’ex-ministre de l’Intérieur français reprenant et utilisant les mêmes positions… La société française doit revenir sur ces idées, mais que le travail de connaissance historique doit se poursuivre dans la société française sur les réalités coloniales».
Gilles Manceron fait remarquer qu’un grand travail de recherche, de retour sur cette page de l’histoire de la France a été fait à l’occasion du cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Il estime qu’en sus de ce travail, il faudrait aussi que «les hommes politiques mettent fin à leur dépendance vis-à-vis des lobbys nostalgiques de l’Algérie française. Il faut que l’ensemble des responsables politiques, à gauche comme à droite, arrêtent de se faire manœuvrer par certains groupes de nostalgiques. La réalité est que ce sont toujours ces groupes qui passent et les autres qui se couchent, soit par ignorance ou par calcul électoraliste. En dehors de De Gaulle, les lobbys colonialistes ont toujours imposé leurs idées après l’indépendance, et les politiques ne comprennent pas qu’il y a un danger de résurgence de ces faits coloniaux».
Gilles Manceron tente un parallèle entre les colonisations française et britannique. Il estime qu’à la différence de la colonisation française, la britannique est plus pragmatique. Londres, dit-il, a su, au moment où il s’est trouvé face à des pratiques barbares commises en Afrique du Sud, rompre carrément avec Pretoria, disant que cela ne pouvait pas se faire au nom de la Grande-Bretagne. «La France n’a pas su faire cette rupture avec ses institutions colonialistes», ajoute-t-il. L’historien se déclare contre la repentance mais pour la reconnaissance, qui doit être imposée. Il souhaite que le président François Hollande fasse un autre geste, en plus de l’hommage qu’il a rendu aux victimes du 17 Octobre 1961, au pont de Clichy, et sa dénonciation des propos de Jules Ferry. «Il faut s’orienter vers une reconnaissance forte et nette et dire que les exactions coloniales tournent le dos aux principes de la République», conclut-il.
Nadjia Bouaricha
Hugh Roberts décortique l'autoritarisme algérien
«Le pouvoir exécutif est le véritable lieu de représentation politique par des réseaux occultes»
le 08.07.12 | 10h00
Pouvoir maquisard, parti(s) de façade et projet d’édification d’un Etat : l’expérience algérienne».
Par cet intitulé, le politologue Hugh Roberts se propose de décortiquer la structure de l’autoritarisme algérien en remontant le fleuve de l’histoire. Professeur à la Tufts University, Hugh Roberts connaît parfaitement la sociologie politique algérienne pour avoir vécu et enseigné dans notre pays. Il a notamment étudié les formes d’organisation politique de la société kabyle traditionnelle et écrit un important ouvrage dans ce sens : Berber Governement : the kabyle polity in pre-colonial Algeria.
S’exprimant dans une déclaration liminaire sur la célébration du cinquantenaire de l’indépendance, Hugh Roberts confie (comme tous les panélistes) son bonheur d’être à Alger en ce moment précis. «A titre personnel, j’ai toujours considéré cet événement comme une très grande victoire pour le FLN et le peuple algérien en premier lieu, mais aussi comme une très grande victoire d’un principe démocratique, celui du droit à l’autodétermination, et donc une victoire historique pour une grande partie de l’humanité. Aussi déçus que l’on puisse être par certains aspects, cette expérience n’est certainement pas celle d’un échec ou d’un désenchantement. Il y a eu tout de même beaucoup de réalisations impressionnantes et beaucoup d’aspects positifs, et j’ai moi-même le souvenir très vivace de l’ambiance d’optimisme et de fierté qui régnait en Algérie quand j’y vivais dans les années 1970. (…)
Quand je songe aux pronostics les plus noirs, les plus pessimistes, quant à la survie de l’Etat algérien qui était monnaie courante au milieu des années 1990, je tiens à dire à mes amis algériens : malgré tout ce que vous avez eu à souffrir, vous avez tenu le coup, et malgré tout ce qu’on peut lui reprocher, l’Etat que le FLN historique a fondé est toujours là, et ça, c’est très important. Et j’ai envie de vous dire mabrouk ! mabrouk ! Mes félicitations !»
«Pouvoir maquisard»
Hugh Roberts sera moins tendre dans son analyse. Son exposé est une radioscopie rigoureuse du régime autoritaire algérien. Il attaque par une question paradigmatique : «Qu’est-ce qui a empêché l’Algérie indépendante de devenir une véritable République démocratique ?» Hugh Roberts estime que la réponse est à chercher dans les formes primitives de commandement qui caractérisait le Mouvement national. C’est ce qu’il appelle «le pouvoir maquisard» : « On a souvent dit que ce qui s’est passé en 1962 était une confiscation. Que derrière cette victoire du FLN, il y avait une défaite des maquis. Pour moi, ce n’est pas du tout une victoire volée. Il ne faut pas oublier la grande participation des maquisards à l’armée des frontières. Et même à l’état-major de Boumediène, on trouve des gens issus des wilayas comme le commandant Azzeddine, Kaïd Ahmed a fait le maquis dans la Wilaya V, Hachemi Hadjeres a fait le maquis dans la Wilaya II. Donc, ce n’est pas noir et blanc.»
Revisitant à grands traits l’histoire du Mouvement national, il souligne que le monopole du FLN sur la vie politique post-indépendance trouve ses origines dans le fait qu’il s’était imposé comme le seul interlocuteur de la France durant la guerre de Libération nationale. «Il détenait ainsi le monopole de représentation du peuple algérien. Il a exigé pour cela que toutes les formations politiques de l’époque, non seulement qu’elles rallient le Front mais qu’elles se fondent dans le FLN. En entamant le processus révolutionnaire, le FLN a accompli une déstructuration radicale du champ politique algérien», indique le politologue.
«On a beaucoup tendance en Algérie à mettre la responsabilité historique de ce cadre autoritaire dont tout le monde se plaint sur le compte de ‘’Si Flen’’ ou de tel ou tel groupe alors que c’est la responsabilité du FLN-ALN. Ce n’est pas un reproche que je formule. Je suis personnellement partisan du choix des hommes du 1er Novembre. C’est un choix audacieux. Mais ce choix a eu des conséquences douloureuses pour l’avenir de la société, même s’il a eu des effets positifs.» Explicitant son propos, Hugh Roberts dira : «Il s’est développé pendant la guerre de Libération un syndrome du rapport compliqué FLN/ALN-société algérienne. Ce rapport exigeait l’adhésion et l’allégeance. On ne discute pas la stratégie du FLN ni ses mots d’ordre.» Il en déduit que cette façon de faire, avec son lot d’arbitraire, si elle pouvait passer dans le contexte colonial, elle devenait fatale en temps de paix.
«Dans ce rapport FLN-ALN à la population, il n’existait pas d’institution formelle permettant de demander des comptes», poursuit le conférencier. Il convoque cette citation de Feraoun : «Les hommes du maquis savent ce qu’ils font.» Mais après 1962, «les hommes du maquis sont devenus les hommes de l’ombre. Savent-ils ce qu’ils font ?» La boutade appelle une réponse cinglante : «Pas si sûr. Pas toujours.» Ce sont les prémices du pouvoir occulte, «la partie cachée de l’iceberg», comme dit Roberts. «Les épreuves de force, les luttes d’influence, les tractations en coulisses qui précèdent toute prise de décision importante se passent loin des yeux de la population, pas dans les institutions politiques formelles mais dans l’ombre.»
«L’opposition n’existe qu’entre les clans du pouvoir»
Hugh Roberts en déduit que ce mode de fonctionnement du FLN-ALN va déteindre sur la morphologie du pouvoir après l’indépendance. «L’armée est source du pouvoir comme tout le monde le sait. Le pouvoir politique est donc un pouvoir délégué. Les politiques en tant que catégorie de personnels, ça signifie les civils. Ils passent pour des auxiliaires. Ce sont en fait des chargés de mission. Ils sont cantonnés dans des postes plutôt honorifiques. Leur mission est d’apporter la légitimité à un pouvoir qu’ils ne contrôlent pas. Ils ne font que de la figuration.»
Examinant la séquence du parti unique, il atteste que le FLN n’a jamais exercé le pouvoir. «Sous Boumediène, le FLN n’a pas de bureau politique, il n’a pas de comité central, il n’a pas tenu de congrès, il avait juste un appareil central avec quatre départements dont un département orientation et information sans que l’on sache qui orienter ou informer.» Enfonçant le clou, il renchérit : «Boumediène avait raison de le comparer à une coquille vide. Ces derniers temps, il se passe des choses au sein de ce parti mais c’est surtout des bagarres entre des cliques et des coteries, et il n’est pas du tout évident qu’il y ait des programmes politiques en jeu.»
Après 1989, Hugh Roberts diagnostique une «façade monolithique remplacée par une façade pluraliste». «Le parti FLN a créé un concurrent né avec des moustaches, le RND. On a orchestré un champ politique à partir de partis autorisés par le pouvoir.» Aucun parti d’opposition ne trouve grâce à ses yeux : «Il n’existe pas d’opposition en Algérie, sauf là où s’opposent des clans du pouvoir. (…) Le pouvoir exécutif est le véritable lieu de représentation politique par des réseaux occultes étant donné que le Parlement n’a pas de pouvoir et la société n’est pas représentée. La société se représente par l’action directe, par les émeutes», conclut-il.