Arctic Sea
AFFAIRE DU CARGO RUSSE
Que transportait lâArctic Sea?
19 Août 2009 - Page : 7
Lu 833 fois
Huit pirates ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s hier, selon le ministre russe de la DĂ©fense.
Alors quâon le croyait rĂ©solu, le mystĂšre du navire russe, Artic Sea, ne fait que commencer. Cette histoire suscite les interrogations des observateurs qui restent intriguĂ©s au vu du bruit quâa provoquĂ© un «simple» navire transportant une cargaison de bois estimĂ©e Ă environ 1 million dâeuros. AprĂšs avoir retrouvĂ© lâArtic Sea et ses 15 membres dâĂ©quipage au large des cĂŽtes du Cap-Vert dans lâAtlantique, la Russie a annoncĂ© avoir arrĂȘtĂ© huit pirates qui Ă©taient Ă lâorigine de la disparition de ce cargo, sans donner plus de dĂ©tails. «Le 24 juillet Ă 23h00 (19h00 GMT), dans les eaux territoriales suĂ©doises, un hors-bord sâest approchĂ© de lâArctic Sea, dans lequel se trouvaient quatre citoyens estoniens, deux Lettons et deux Russes», a dĂ©clarĂ© hier le ministre russe de la DĂ©fense, Anatoli Serdioukov, dont les propos ont Ă©tĂ© rapportĂ©s par lâAFP. Selon la mĂȘme source, les pirates «sont montĂ©s Ă bord, et sous la menace dâarmes, ont exigĂ© de lâĂ©quipage de se conformer sans condition Ă tous leurs ordres». La Lettonie et lâEstonie ont demandĂ© Ă Moscou des prĂ©cisions sur leurs ressortissants. Les membres de lâĂ©quipage sont actuellement interrogĂ©s sur lâescorteur russe Ladny. Depuis, les interrogations se sont multipliĂ©es. Que transportait rĂ©ellement le vraquier russe? Une cargaison de bois estimĂ©e Ă 1 million dâeuros nĂ©cessitait-elle rĂ©ellement une telle mobilisation internationale? Environ 20 pays ont participĂ© aux recherches depuis lâannonce de la disparition du navire. La Russie a mobilisĂ© des sous-marins nuclĂ©aires et des bĂątiments militaires.
Les forces de lâOtan se sont impliquĂ©es dans cette mystĂ©rieuse affaire. Pourquoi une telle mobilisation internationale pour une simple charge de bois? Un dĂ©ploiement, ajoutent-ils, des forces les plus puissantes ne peut que relancer la question sur la nature exacte de la marchandise.
En Russie, lâaffaire est suivie de prĂšs par le prĂ©sident Dmitri Medvedev. Lâimplication du prĂ©sident russe ne fait que renforcer le doute quant Ă la nature rĂ©elle de la marchandise. Lâordre de recherche a Ă©tĂ© donnĂ© au ministĂšre russe de la DĂ©fense par le prĂ©sident Medvedev lui-mĂȘme. Comment un prĂ©sident dâune puissance telle que la Russie peut-il sâimpliquer dans une histoire de bois? sâinterrogent encore les mĂȘmes observateurs. LâĂ©tat de santĂ© des membres de lâĂ©quipage intrigue davantage. La marine russe annonce que les membres ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s «sains et saufs». Or, la police suĂ©doise a affirmĂ©, de son cĂŽtĂ©, quâelle possĂšde des photos qui montrent les membres de lâĂ©quipage blessĂ©s. «Nous avons appris par lâĂ©quipage de lâArctic Sea quâune dizaine dâhommes masquĂ©s Ă©tait montĂ©e Ă bord. Ils ont frappĂ© les membres de lâĂ©quipage, ont fouillĂ© tout le bateau. Ils sont repartis aprĂšs une douzaine dâheures Ă bord de leur embarcation. Les membres dâĂ©quipage ont pris en photo leurs blessures et ont envoyĂ© par courrier les photos Ă leur armateur qui nous les a fait suivre. Nous ne savons pas dâoĂč les pirates viennent», explique Mme Widmark, porte-parole de la police suĂ©doise, Ă©galement prĂ©sident de lâenquĂȘte dĂ©clenchĂ©e sur cette affaire. Et dâajouter: dâautres observateurs analysent lâexistence dâun conflit commercial mafieux qui a conduit les pirates Ă demander une rançon de 1,5 milliard de dollars.
Dans tous les cas, le ministre russe de la DĂ©fense promet dâapporter toutes les rĂ©ponses aux questions posĂ©es dans le proche avenir.
Tahar FATTANI
«Arctic Sea» : la version officielle ne convainc pas
18/08/2009 |
Mikhaïl Voïtenko, le rédacteur en chef du bulletin maritime russe Sovfracht, s'est étonné, mardi dernier à Moscou, qu'aucun appel de détresse n'ait été lancé par l'équipage du cargo. Crédits photo : AP
La thÚse d'un acte de piraterie ordinaire est contredite par certains épisodes de l'odyssée du cargo restés inexpliqués.
AprÚs avoir soigneusement ménagé le suspense, le ministre de la Défense russe a commencé mardi à bùtir la version officielle de l'étrange odyssée de l'Arctic Sea, ce vraquier finlandais sous pavillon maltais qui a mobilisé une vingtaine de pays à sa recherche pendant trois semaines.
Anatoli Serdioukov est catégorique : «C'est un acte de piraterie.»«Le 24 juillet, à 23 heures, dans les eaux territoriales suédoises, un hors-bord dans lequel se trouvaient quatre citoyens estoniens, deux lettons et deux russes s'est approché de l'Arctic Sea, explique-t-il. Ces gens, qui disaient avoir des problÚmes de moteur, sont montés à bord et, sous la menace d'armes à feu, ont exigé que l'équipage se conforme sans condition à tous leurs ordres», à savoir désactiver le systÚme de traçage du cargo et faire route vers l'Afrique.
Les pirates présumés étaient toujours interrogés mardi soir, à bord de la frégate anti-sous-marine Ladnyi, tandis que les quinze Russes de l'équipage, «sains et saufs», faisaient route vers la Russie.
Mais, le voile Ă peine levĂ©, de nouvelles questions surgissent. Si tel est bien le scĂ©nario, que faire de la version suĂ©doise de cette attaque signalĂ©e le 24 juillet au large de l'Ăźle suĂ©doise d'Oland ? Ce jour-lĂ , l'armateur de l'Arctic Sea, la discrĂšte compagnie Solchart, crĂ©Ă©e par trois Russes et enregistrĂ©e en Finlande au mois de juin, transmet Ă la police des photos de marins blessĂ©s, qu'elle affirme avoir reçues par courrier Ă©lectronique. Les enquĂȘteurs suĂ©dois prennent alors contact avec l'Ă©quipage, qui raconte que des hommes masquĂ©s, habillĂ©s comme des policiers et prĂ©tendument Ă la recherche de drogue, les ont frappĂ©s et ont fouillĂ© le bateau douze heures durant jusqu'Ă fond de cale, avant de quitter le bord.
Complicités à bord ?
Si l'Ă©quipage Ă©tait sous surveillance, et les communications coupĂ©es, comment des photos ont-elles pu ĂȘtre envoyĂ©es par courriel ? «Si les pirates Ă©taient maĂźtres du bateau, il est difficile d'imaginer un tel scĂ©nario. S'ils sont descendus puis remontĂ©s, comme le suggĂšre la Commission europĂ©enne en Ă©voquant une attaque au large du Portugal le 2 aoĂ»t, cela pose une autre question : quelle organisation est capable d'attaquer en Baltique le 24 juillet puis au large du Portugal le 2 aoĂ»t ? Ce n'est pas le pirate moyen !», observe Patrick Rondeau, responsable sĂ©curitĂ© chez Armateurs de France.
Il rappelle que chaque bateau est muni du systÚme ISPS d'alerte de sécurité par satellite, que le commandant est tenu d'actionner en cas d'attaque : «Si vous voyez des gens sur un Zodiac en Baltique, vous pensez à des plaisanciers en détresse, pas à des pirates. Une fois les assaillants maßtres du bord, il est trÚs difficile d'actionner le systÚme. Ou alors le capitaine est complice.»
En Russie, Mikhaïl Voïtenko, le rédacteur en chef du bulletin maritime Sovfracht, continue d'alimenter la polémique. La semaine derniÚre, il évoquait l'arrivée d'un cargo ressemblant à l'Arctic Sea dans le port espagnol de Saint-Sébastien, information démentie par les autorités espagnoles. Il affirmait aussi qu'une frégate russe avait localisé le vraquier : la marine russe avait démenti, mais on sait aujourd'hui que c'était pour mieux protéger sa filature.
Comme d'autres, il s'Ă©tonne qu'aucun appel de dĂ©tresse n'ait Ă©tĂ© lancĂ© par le cargo : «Il y avait quinze tĂ©lĂ©phones portables Ă bord, ils Ă©taient dans la zone de couverture. Comment a-t-on rĂ©ussi Ă dĂ©brancher tout ça en une seconde ?» InterrogĂ© sur d'Ă©ventuelles complicitĂ©s au sein de l'Ă©quipage, le ministre russe de la DĂ©fense a rĂ©pondu, mardi, qu'une enquĂȘte Ă©tait en cours. La police finlandaise, qui assure la coordination de l'enquĂȘte, attend toujours des informations de Moscou. MikhaĂŻl VoĂŻtenko en est sĂ»r : «Nous ne saurons jamais ce qui s'est rĂ©ellement passĂ©.»