CENTRE PĂDAGOGIQUE DE ROUĂBA
Lâautonomie du trisomique, une prĂ©occupation majeure
LâintĂ©gration sociale et lâaide Ă lâautonomie de lâenfant trisomique, telles sont les missions principales du centre pĂ©dagogique de RouĂŻba. LâĂ©ducation scolaire est considĂ©rĂ©e comme secondaire car rares sont les enfants qui ont les capacitĂ©s intellectuelles et mentales pour apprendre Ă lire et Ă Ă©crire. Dâailleurs, ce nâest quâĂ partir de cette annĂ©e quâune classe prĂ© scolaire a Ă©tĂ© ouverte au niveau du centre. Huit Ă©lĂšves seulement sont inscrits dans cette classe sur les 130 enfants quâaccueille cet Ă©tablissement spĂ©cialisĂ©.
Tout le monde sâaccorde Ă dire quâune prise en charge prĂ©coce et structurĂ©e amĂ©liore les acquisitions des trisomiques et contribue Ă leur autonomie. Cependant, le trĂšs large spectre des troubles des enfants atteints par la maladie ne permet pas dâĂ©tablir une seule rĂšgle Ă©ducative pour tous. Certains ont un bon niveau de dĂ©veloppement mental et intellectuel, dâautres restent dans lâĂ©vitement, sans pouvoir communiquer avec souvent des troubles du comportement, dâoĂč la difficultĂ© de scolariser ces enfants sans un encadrement adaptĂ©.
SURCHARGE DES CLASSES ET UNE LONGUE LISTE DâATTENTE La capacitĂ© dâaccueil du centre est de 120 enfants alors que 130 le frĂ©quentent actuellement. En revanche, une longue liste est en attente. Câest que cet unique Ă©tablissement implantĂ© dans lâest algĂ©rois nâarrive pas Ă rĂ©pondre Ă toutes les demandes. Beaucoup de parents ont Ă©mis le vĆu dâinscrire leurs enfants malades mais nâarrivent pas Ă les placer en raison du dĂ©ficit en places pĂ©dagogiques. Ces demandes sont issues de nombreuses communes limitrophes et mĂȘme de Boumerdes sachant quâil nây a pas de centre spĂ©cialisĂ© dans cette wilaya. Un seul a ouvert cette annĂ©e Ă Corso mais eu Ă©gard au nombre de postulants, la carence est toujours enregistrĂ©e. Une Ă©quipe pluridisciplinaire veille Ă la prise en charge Ă©ducative de ces enfants. «On leur apprend Ă ĂȘtre autonome. Le premier travail est Ă faire avec les parents, beaucoup dâentre-eux nâont pas encore fait le deuil de leurs enfants handicapĂ©s et ne savent pas comment les prendre en charge. On les aide donc Ă accepter lâenfant, câest un grand travail de collaboration», explique Farida Belkacem, directrice de lâĂ©tablissement. « Les enfants trisomiques ne se ressemblent pas, chaque enfant a ses propres capacitĂ©s. ConnaĂźtre sa place dans sa famille est trĂšs important », ajoute-t-elle. Au centre, tout le monde est unanime Ă dire que la participation des parents est indispensable. Dâailleurs, lâadmission au centre dâun enfant est assujettie Ă un bilan psychologique rĂ©alisĂ© avec les parents par la psychologue clinicienne. «Des entretiens approfondis sont effectuĂ©s avec eux pour percevoir les capacitĂ©s de lâenfant. Il yâa des parents qui rejettent ou qui nâacceptent pas lâenfant trisomique mĂȘme sâil est Ă©veillĂ©. Par consĂ©quent, nous faisons lâaccompagnement avec eux», explique Ghania Hamidi, psychologue clinicienne. «Un suivi individuel ou dans le groupe avec des guidances parentales est aussi capital pour aider lâenfant Ă sâintĂ©grer et surtout Ă ĂȘtre autonome dans ses attitudes les plus Ă©lĂ©mentaires», prĂ©cise Samira Bouani psychologue pĂ©dagogue. TRISOMIQUES LOURDS ET LĂGERS : UNE PRISE EN CHARGE ADAPTĂE
Les enfants nâont pas tous les mĂȘmes problĂšmes, il yâa les cas lourds qui ne parlent pas et quâil faut initier au langage. Dâailleurs, la plupart dâentre-eux ont un problĂšme de langage. Cependant, celui-ci est diffĂ©rent dâun cas Ă un autre. Il yâa le trouble du langage, ou le retard de la parole, associĂ© au retard mental. « La thĂ©rapie consiste en la rééducation du langage individuel et du groupe outre lâenrichissement du vocabulaire ; On leur apprend Ă travers les images, le langage libre que leur prodigue lâĂ©ducateur et quâils nâarrivent pas Ă percevoir sans ces images. Ce sont des techniques pour la comprĂ©hension», indique Djamila Cherikh psychologue orthophoniste. Selon elle, le concours des parents est dĂ©terminant dans la rĂ©ussite, tout en prenant en compte Ă©videmment le degrĂ© de lâhandicap de lâenfant et son quotient intellectuel. Certains enfants ont une dĂ©bilitĂ© lĂ©gĂšre et dâautres ont une dĂ©bilitĂ© profonde, et câest ce qui fait la diffĂ©rence. « Des enfants peuvent assimiler beaucoup de choses et on a de bons rĂ©sultats quand les parents sâassocient Ă cette mission. Dans le cas contraire, les enfants stagnent ou rĂ©gressent carrĂ©ment. Câest selon. En fonction du degrĂ© de lâhandicap, on essaie dâĂ©tablir un programme adĂ©quat en rapport avec les capacitĂ©s mentales et intellectuelles de lâenfant », observe la psychologue pĂ©dagogue. Le premier niveau dâinstruction ou ce quâon appelle lâĂ©veil 1 est destinĂ© aux enfants qui ont besoin dâapprendre Ă ĂȘtre autonomes, notamment la propretĂ© dite sphinctĂ©rienne. LâĂ©veil 2 sâadresse Ă ces mĂȘmes enfants pour leur inculquer dâautres activitĂ©s relatives Ă©galement Ă leur indĂ©pendance. Alors que les enfants qui ont un bon niveau de dĂ©veloppement mental peuvent sâinscrire dans la classe para scolaire et peuvent sâinitier Ă des petits travaux manuels, Ă leur demande ou sur orientation du personnel dâencadrement qui constate lâintĂ©rĂȘt de lâenfant. Ainsi, il existe des ateliers de jardinage, tissage, musique, initiation Ă la menuiserie. Les enfants sont Ă©galement pris en charge sur le plan de la motricitĂ©. « LâĂ©ducation psychomotricienne est une spĂ©cialitĂ© qui utilise le corps pour atteindre les fonctions mentales et intellectuelles perturbĂ©es. Ce sont des troubles instrumentaux », prĂ©cise Hayet Besseri, psychologue psychomotricienne. La prise en charge peut ĂȘtre individuelle ou en groupe, selon le cas. Et comme les trisomiques restent des enfants malades nĂ©cessitant une prise en charge continue, un suivi psychopĂ©dagogique est assurĂ© toute lâannĂ©e par des psychiatres dĂ©tachĂ©s de la polyclinique attenante au centre. « Ces mĂ©decins procĂšdent Ă des consultations systĂ©matiques et quand ça nĂ©cessite une prise en charge relevant dâautres spĂ©cialitĂ©s, les parents sont orientĂ©s », observe Ghania Hamidi. LâĂDUCATION SPORTIVE ET PHYSIQUE : UNE VĂRITABLE THĂRAPIE Pour Boualem Maayouf, Ă©ducateur spĂ©cialisĂ©, lâactivitĂ© physique est trĂšs importante. Le ballon est lâoutil numĂ©ro un dans la thĂ©rapie. « Il yâa des enfants inhibĂ©s, angoissĂ©s et le sport les aide Ă©normĂ©ment Ă sortir de leur coquille. LâhydrothĂ©rapie est un autre moyen non moins important. Nous avons deux crĂ©neaux par semaine, on les emmĂšne dans des piscines pour pratiquer de la natation», indique-t-il. «LâhydrothĂ©rapie aide mĂȘme sur le plan langage. Le bĂ©gaiement peut ĂȘtre vaincu », prĂ©cise de son cotĂ© lâorthophoniste. Des enfants ont rĂ©alisĂ© des exploits dans le domaine du sport et ont Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©s en se rendant Ă DubaĂŻ en 2006 et en Chine en 2007 dans le cadre des jeux olympiques pour handicapĂ©s «et sont revenus avec des mĂ©dailles» aime Ă rĂ©pĂ©ter lâĂ©ducateur spĂ©cialisĂ©. «Le sport est un moyen dâintĂ©gration sociale trĂšs appropriĂ© et aide beaucoup sur le plan du comportement. Le mois dernier, ils sont partis Ă Biskra et ne voulaient pas revenir, tellement ça leur a plu», soutient B Maayouf.
POUR UNE PRISE EN CHARGE PRĂCOCE
Pour ĂȘtre Ă jour, des cycles de perfectionnement pour le personnel dâencadrement sont organisĂ©s sous la banniĂšre du ministĂšre de la SolidaritĂ© nationale. Plusieurs projets concernant la prise en charge prĂ©coce, lâinfirmitĂ© motrice dâorigine cĂ©rĂ©brale (IMC), lâautisme et la psycho trauma sont programmĂ©s par la tutelle. «Ce sont des projets auxquels nous avons participĂ© », indique la psychologue clinicienne. Pour ce qui est de la prise en charge prĂ©coce, une classe prĂ©-scolaire a Ă©tĂ© ouverte au niveau du centre, cette annĂ©e, et compte 10 enfants encadrĂ©s par des Ă©ducateurs spĂ©cialisĂ©s. Une possibilitĂ© dâintĂ©gration scolaire est prĂ©vue pour les enfants possĂ©dant des facultĂ©s mentales. « Un seul enfant parmi les garçons a Ă©tĂ© intĂ©grĂ© dans une Ă©cole ordinaire, cette annĂ©e ». LâintĂ©gration de la formation professionnelle est Ă©galement possible pour les sans niveau. Huit adolescents ont ainsi pu bĂ©nĂ©ficier dâune formation en horticulture au sein du CFPA de RouĂŻba mais aucun dâentre-eux nâa pu trouver un travail. Le seul qui a pu sâintĂ©grer dans le marchĂ© de lâemploi est un jeune issu du centre. Il a 29 ans. Il est mariĂ© et a deux enfants. Il est employĂ© comme ouvrier professionnel dans le centre qui lâa accueilli pendant des annĂ©es. «Il est trĂšs sĂ©rieux, sinon le plus sĂ©rieux dans le centre», atteste lâĂ©ducateur spĂ©cialisĂ©. Deux filles ont Ă©galement pu suivre une formation Ă la maison de jeunes dans le domaine de la fetla et du medjboud.
LA BOULANGERIE INDUSTRIELLE, UN PROJET TANT ATTENDU Tous les enfants trisomiques mĂȘme sâils sont Ă©veillĂ©s nâont pas accĂšs au marchĂ© de lâemploi. Le ministre de la SolidaritĂ© avait pourtant promis lâouverture dâune boulangerie industrielle pour eux sachant que les trisomiques, sont le parent pauvre de la politique dâaide aux personnes qui ont des besoins spĂ©cifiques. Beaucoup de parents ont fait part de leur inquiĂ©tude quant Ă lâavenir de leur progĂ©niture. Le personnel dâencadrement tient lui aussi Ă ce projet : « on garde toujours lâespoir de le voir se concrĂ©tiser » dit-on.
LE TRANSPORT, UN GRAND PROBLĂME De par leur handicap, ces enfants ont besoin dâĂȘtre transportĂ©s. Un bus a Ă©tĂ© mis Ă la disposition de certains enfants notamment ceux rĂ©sidant dans les communes de Ain Taya, Bordj El-Bahri, Dergana, Tamentfoust, Alger-Plage, Hamiz, Dar El Beida et Bordj El Kiffan mais le ramassage scolaire nâa pas trop durĂ©. Le bus est tombĂ© en panne depuis un mois, selon les parents. Assurer le transport est une prĂ©occupation majeure pour tous les parents non vĂ©hiculĂ©s qui lancent, dâailleurs, un appel au ministre de la SolidaritĂ© nationale. Câest le parcours du combattant pour les parents qui accompagnent leurs enfants jusquâau centre le matin Ă partir de 7h 30 et les rĂ©cupĂšrent lâaprĂšs midi Ă 15h 30 comme cette maman courage qui vient de Dar El Beida, cela fait huit ans. «Je viens par train et Ă 7h 30 je suis au centre parce que je dois rejoindre mon travail Ă la douane Ă Dar El Beida. Son pĂšre est malade, câest moi qui le prend en charge», dit-elle. Apparemment, cette maman ne sâest pas lassĂ©e et elle remercie Allah le tout puissant : «mon fils a, maintenant, 13 ans. Il a appris Ă parler, Ă se changer seul. Il sâest amĂ©liorĂ©, et est devenu plus propre. Le seul problĂšme câest le transport». Djamila Chaouch.
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Hamdi Mohammed Seddik, prĂ©sident de lâassociation des parents dâĂ©lĂšves
Quand a Ă©tĂ© créée votre association ? Elle a Ă©tĂ© créée depuis trois mois, mais nous nâavons pas encore eu lâagrĂ©ment. On nâa pas encore de siĂšge. La directrice nous a autorisĂ© Ă nous rĂ©unir au sein du centre. Elle sâest engagĂ©e Ă©galement Ă nous aider avec un microordinateur et un bureau pour nous rĂ©unir mais pas pour un siĂšge pour lâassociation. Il yâa 26 membres adhĂ©rents Ă lâassociation et 8 membres constituant le bureau. Avant, il yâavait une association mais elle a Ă©tĂ© dissoute.
Quels sont les objectifs de lâassociation ? Câest de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts de nos enfants. Parmi nos prĂ©occupations, il yâa le problĂšme de transport. Beaucoup de parents ont des difficultĂ©s Ă©normes pour accompagner leurs enfants au centre. Il faut au moins deux bus pour ramasser les enfants. On sâinquiĂšte surtout pour leur avenir. AprĂšs 17 ans, ils nâont pas oĂč aller, et Ă ce titre, on sollicite le ministre de la SolidaritĂ© pour fournir des locaux commerciaux aux jeunes qui sont sans emploi. On veut leur assurer leur avenir et ils ont besoin dâaide. D. C. |