BAC : un bac au rabais pour le sud
BAC : un bac au rabais pour le sud
le 31.05.13 | 10h00
Enseignants en grève, cours perturbés et établissements fermés. Les terminales du Sud ont eu une scolarité instable depuis février. Dimanche, ils seront face à leurs sujets d’examen au même titre que leurs camarades du Nord. Aucune mesure exceptionnelle n’est annoncée en leur faveur.
A partir de dimanche, quelque 500 000 candidats sur tout le territoire national passeront leur examen du bac. Mais tous les élèves ne le passeront pas dans les mêmes conditions : en particulier ceux d’une dizaine de wilayas des Hauts-Plateaux, du Sud et des Aurès dont les cours ont été perturbés par des grèves répétitives depuis le mois de... février ! En pratique, ces élèves n’ont suivi que 5 mois de cours ! Actuellement, le ministère considère qu’il ne faut pas s’inquiéter dans la mesure où «seulement 2% des établissements ont été perturbés».
Les syndicats, à savoir l’Unpef (tous corps confondus) et le Snapest (enseignement secondaire) avancent un taux de 85% de suivi. Selon eux, le retard dans l’achèvement des programmes atteint les sept semaines, ce que le ministre dément. Comme depuis cinq ans, un seuil a été fixé pour les candidats et affiché dans l’ensemble des établissements scolaires avant l’arrêt des cours, soit début mai. Une démarche qui permettra aux candidats à l’échelle nationale d’être fixés sur les cours à réviser. Abdelatif Baba Ahmed, le ministre de l’Education nationale, se veut rassurant. «Les questions du bac porteront uniquement sur les leçons dispensées en classe et partout dans le pays», a-t-il affirmé il y a quelques jours.
Même assurance de la part de Méziane Mériane du Snapest, l’un des initiateurs de la grève. A la veille de cet examen décisif, le ministère préfère garder le silence et ne pas commenter cette grève. Les syndicats, eux, ne s’impliquent pas pour réclamer des mesures spéciales pour les régions lésées. Les candidats, pour leur part, affichent leur inquiétude (voir ci-contre). Les parents quant à eux se demandent pourquoi rien n’a été décidé en faveur de leurs enfants. «Si la grève n’est pas suivie comme prétend le ministère, comment expliquer les mesures prises pour les compositions dans les autres classes du secondaire ?», se demandent certains parents.
Selon les lycées, les chefs d’établissement ont le choix entre ne pas introduire les cours du troisième trimestre dans les sujets en se limitant à calculer la moyenne générale de l’année sur la base des deux premiers trimestres. Ou élaborer les sujets en fonction des cours dispensés de septembre à février. En attendant de savoir ce qui va réellement se passer pour le bac, un scénario se profile.
Colère
«Le ministère verrait délibérément à la hausse les résultats du bac dans le Sud. Autrement dit, les wilayas touchées par la grève, du moins pour certaines, ne seraient pas classées dans le bas du tableau, affirme un inspecteur de l’éducation. Une démarche du ministère qui absorberait la colère de ces régions et surtout qui permettrait de remplir les nouvelles universités ouvertes à partir de la prochaine rentrée. On encouragera même les lauréats du Nord à aller dans le Sud pour alléger la pression.»
Un scénario écarté par Abdelatif Baba Ahmed qui a affirmé hier : «Les résultats du bac ne seront pas politiques.» Yahia Chouihat de l’Unpef du Sud évoque la possibilité de la révision du barème : «Je pense qu’au ministère, on révisera le barème de sorte à mieux noter les questions relevant des trimestres étudiés sans perturbation.» C’est la raison pour laquelle, dit-il, son syndicat veut encore garder le silence. Chouihat se veut, par contre, confiant. Il dit «ne pas vouloir agir avant la tenue de l’examen».
A El Oued, par exemple, les syndicats ont eu les assurances de l’Office du bac que des mesures spéciales seront prises pour le BEM et l’examen de fin du cycle primaire ! Cette situation est considérée comme inédite. La dernière fois que les candidats au bac ont exigé une prise en charge particulière en raison des retards pris dans le programme remonte à 2008. Depuis cette date, les candidats ont le choix entre deux sujets avec 30 minutes supplémentaires. «A l’époque, il s’agissait d’une grève nationale ! Il faut dire les choses comme elles sont : aujourd’hui, le Nord n’est pas touché alors on se moque pas mal des régions du Sud !», dénonce une enseignante.
Même en 2010, lorsque M’sila a été secouée par un tremblement de terre, peu de temps avant le bac, aucune session spéciale n’avait été décidée. Seule mesure : les élèves recalés au bac ont pu refaire leur terminale même s’ils avaient dépassé l’âge limite.
Ahmed Khaled. Président de la Fédération nationale des associations des parents d’élèves : Nous exigeons un rachat à 9/20
Nous recevons chaque jour des parents qui se plaignent de cette situation et qui sont inquiets pour leurs enfants. Nous avons remis hier un rapport au ministre de l’Education nationale en expliquant dans le détail comment ces candidats du Sud doivent être pris en charge et, pourquoi pas, privilégiés. Premièrement, nous avons demandé d’appliquer un système de rachat à 9 ou à 8,50/20, accompagné d’une fiche de synthèse qui dévoile tout le cursus secondaire du candidat. Le rachat sera donc déterminé en fonction de la moyenne obtenue au bac et du parcours de l’élève. Si par exemple cet élève est brillant ou montre des résultats satisfaisants durant toute l’année scolaire, le rachat est indiscutable. De plus, dans le rapport nous avons demandé à ce que le barème de correction soit assoupli de manière à permettre à ces candidats de gagner des points. Il faut instaurer un barème pour le Nord et un autre pour le Sud.
Mourad Chouguiat. Inspecteur et pédagogue : les répercussions psychologiques sont inévitables
Il est anti-pédagogique d’adopter deux barèmes ou carrément de l’assouplir. Il faut mettre les élèves sur un pied d’égalité. Des propositions sur la révision de la réforme, en discussion en juillet prochain, concernent d’ailleurs le barème du bac. L’attitude des candidats a changé depuis cinq ans, depuis l’intensification des grèves en fin d’année : ils se débrouillent tous seuls, ou en groupe, pour se préparer au bac. Une méthode qui a donné des résultats mais qui ne doit pas devenir une habitude, car le candidat doit suivre les conseils pédagogiques et des orientations de la part de professeurs et corriger ses lacunes avant le jour J. Personnellement, je ne sais pas si le retard est réellement de sept semaines, soit un trimestre complet ou peut-être plus. Le troisième trimestre compte au total 5 semaines. Je suis persuadé qu’il s’agit d’un retard moins important, mais les répercussions psychologiques sont inévitables.
Messaoud Amraoui. Responsable de la communication de l’Unpef : la révision du barème est anti-pédagogique
Le syndicat qui mène une grève depuis février n’a pris aucune décision. Le ministère devait revoir le seuil des cours à réviser avant le bac (c’est-à-dire la limite du programme pour que les sujets correspondent au programme que tous les candidats ont suivi). Si jamais ceux-ci se trouvent face à un sujet qui ne fait pas référence au programme enseigné, le ministère sera responsable.
L’Unpef prendra une décision lorsque les résultats seront affichés. Nous sommes aussi catégoriquement opposés à la révision du barème. C’est anti-pédagogique, au même titre que le seuil maintenu depuis des années. L’étude que notre syndicat a effectuée cette année relève que les étudiants en première année à l’université rencontrent des difficultés du fait qu’en terminale, le programme n’est jamais terminé. Avec ce système de seuil, maintenu depuis cinq ans, l’élève sait qu’il n’est pas obligé de tout réviser. Il serait plus pédagogique de réfléchir à réduire le volume et la charge des programmes, de sorte à les achever avant la fin de l’année.
Aissa Merazi. Secrétaire général de l’Office national des examens et concours (ONEC) : un seul sujet pour tout le pays
Il n’y aura pas de mesures exceptionnelles pour le Sud. Un seul programme est étudié durant l’année et donc un seul sujet d’examen sera décidé pour tous les candidats. Il s’agit d’un examen national. Pas de panique, il n’y aura pas de sujet en dehors des cours dispensés en classe. Nous avons rigoureusement respecté le seuil des cours fixé par la commission nationale chargée du suivi des programmes dans toutes les wilayas. Les différentes directions de l’éducation n’ont signalé aucun retard dans les régions du Sud. L’ONEC a déjà mené une campagne de sensibilisation sur le déroulement de cet examen pour les candidats du Sud. Dans le détail, nous avons expliqué le cheminement des copies à partir du centre d’examen jusqu’à l’annonce des résultats en passant par les centres d’anonymat et de correction avec le dispositif sécuritaire qui entoure toute cette opération. Nous avons senti que les candidats étaient rassurés.