BERRI nous a quittes
IMAGES: Claude Berri
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VIDEOS: Claude Berri
http://www.lexpress.fr/informations/claude-berri-en-videos_731210.html
Merci, Claude Berri
La mort du réalisateur-producteur, ce lundi 12 janvier à l'âge de 74 ans, laisse un grand vide dans le cinéma français. Eric Libiot, rédacteur en chef du service Arts et spectacles de l'Express, lui tire son chapeau.
Tout le monde lui a dit merci un jour ou l'autre. A l'image d'Alain Chabat qui, recevant le César de la meilleure première oeuvre, en 1997, pour Didier, rendit un hommage appuyé à son producteur car « il faut toujours remercier Claude Berri. » Réalisateur, scénariste, acteur, producteur, collectionneur et galeriste, Claude Berri est mort lundi 12 janvier à la suite d'un accident vasculaire cérébral survenu dans la soirée de samedi. Il avait 74 ans.
Pour se rendre compte de la place qu'occupait Claude Berri dans le cinéma français, il suffit de pointer, au hasard dans sa carrière, une période de deux ou trois ans d'affilée. Année 1983, par exemple : il produit L'Africain, de Philippe de Broca, L'Homme blessé, de Patrice Chéreau, La Femme de mon pote, de Bertrand Blier, Garçon, de Claude Sautet, Banzaï, de Claude Zidi et met en scène Tchao Pantin avec Coluche. Plus différents, on ne fait pas. Du cinéma d'auteur et du populaire à grosses entrées. Période 1993-1995 ?: il produit Une journée chez ma mère, La Reine Margot, Gazon maudit, Les trois frères et réalise Germinal. Soit Patrice Chéreau, Josiane Balasko et Les Inconnus sur la même carte de visite. Qui dit mieux ? Qui dit plus ? Personne. Jusque ces deux dernières années tellement symboliques de sa carrière : il met en scène Ensemble, c'est tout, d'après le roman d'Anna Gavalda, produit La Graine et le mulet, d'Abdelatif Kechiche - succès critique et public récompensé aux Césars - avant de financer Bienvenue chez les Ch'tis dont il est inutile de rappeler ce qu'il en advint.
"Je ne me considère pas comme impudique"
Qu'on l'admire ou qu'on le dénigre, qu'on loue son instinct ou qu'on lui reproche ses coups de gueules, qu'on s'incline devant sa capacité à travailler avec Pialat autant qu'avec Coluche ou qu'on s'énerve à ses bougonneries d'interviewé revêche, Claude Berri fut la pièce maîtresse du 7e art français pendant 30 ans. C'est un fait qui ne se discute pas. Point. « Je ne saurai jamais filmer comme Scorsese, mais les acteurs n'ont pas à se plaindre de mon cinéma, le public non plus », déclarait-il au magazine Première, en 1997. On peut y entendre une lucidité certaine sur ses capacités artistiques et un contentement évident à s'en foutre royalement du moment qu'il y a du plaisir ailleurs.
Prod DB
L'affiche de La Débandade, en 1999. Claude Berri a très souvent mis en scène sa vie. Avec ses hauts et ses bas.
« Je ne me considère pas comme impudique, disait-il à L'Express, en 2005. Je n'ai pas de problème pour raconter des choses personnelles. Voilà tout. » De tous les producteurs et réalisateurs que compte la planète cinéma, Claude Berri a été celui qui, le plus souvent, a mis en scène sa vie. De son enfance où il fut recueillit par un vieil antisémite pendant l'occupation dans Le vieil homme et l'enfant, son premier film, en 1966, au portrait de son père dans Le Cinéma de papa, en 1970, à ses problèmes d'érection d'homme malade dans La Débandade, en 1999, et à l'évocation, en 2005, de l'accident de son fils devenu tétraplégique, dans L'un reste l'autre part. Son fils, Julien, qui se laissera mourir, en 2002. Il a deux autres enfants, Thomas Langmann le producteur de Mesrine, et Darius.
Claude Berri a trouvé dans sa vie le ressort de ses histoires, lui qui n'a jamais imaginé devenir réalisateur ou producteur. D'ailleurs, ce fils de fourreur, né Claude Langmann, le 1er juillet 1934, à Paris, ne voulait qu'une chose : ne pas faire le même métier que son père. Il a opté pour la comédie. Versant acteur. Au théâtre, surtout. Dans Tchin-Tchin, par exemple. Mais le manque de rôles, malgré quelques apparitions sur grand écran, ne nourrit pas son homme. Voilà Claude Berri, un stylo à la main, occupé à écrire des histoires. Des gens du métier l'encouragent : Maurice Pialat, qui deviendra son beau-frère et racontera la vie des Langmann dans A nos amours ou Alain Cavalier. Il écrit, réalise et produit son premier court-métrage, Le Poulet. Résultat : un Oscar. Un vrai.
Premier long-métrage, premier succès : Le Vieil homme et l'enfant avec un Michel Simon génial. L'année suivante, en 1968, il produit L'Enfance nue, de Maurice Pialat. Un auteur. Un vrai. Une grande gueule, aussi. Il aime ça, les types qui ont du caractère. Chéreau, Polanski, Montand, Coluche, Gainsbourg, Sautet, Kechiche. Claude Berri devient le dernier Nabab du cinéma français. « C'est vous qui le dites, répond-il à L'Express, en 2005. Je l'ai été dans les années 1980 et 1990, parce que j'ai eu pas mal de succès. » Coquetterie, sans doute, pour un homme dont toute la profession s'accorde à dire que oui, s'il n'a pas été Nabab, au sens « après moi le déluge », au moins a-t-il été au centre de tout.
Comme si cette vie ne lui suffisait plus, Claude Berri fonda, en 1987, l'ARP, la plus importante organisation professionnelle du métier, fut président de la Cinémathèque française, de 2003 à 2007, chevalier de la Légion d'honneur, Grand Prix national du cinéma, en 1986 et joua à l'acteur ici ou là . Surtout cet autodidacte transformé en passionné d'art contemporain ouvrit une première galerie en 1990, Renn Espace. Qu'il remplace, en 2008 par l'Espace Claude Berri. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple.
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Sur le tournage de Stant The Flasher (1990), de Serge Gainsbourg, avec Richard Bohringer.
Interviewer Claude Berri n'était pas chose facile. L'homme mâchait souvent ses mots dans sa barbe et ne souriait absolument jamais. Le passage obligé de l'entretien ne lui était pas agréable. Mais il l'acceptait pourtant facilement dès lors qu'il avait un film à défendre, conscient qu'il fallait participer au grand jeu de la promotion. On avait alors l'impression de vivre une situation totalement schizophrène face à un homme qui rechignait à y mettre de la bonne humeur tout en répondant absolument à tout. Il excellait dans l'art de plomber immédiatement l'ambiance en jouant les ours ayant beaucoup mieux à faire que de parler de soi, des uns ou des autres, mais prenait l'interview avec suffisamment d'importance pour ne jamais écarter une question d'un revers de main dédaigneux sous prétexte qu'il était Le Claude Berri face à un petit journaliste d'un magazine qui n'avait pas aimé le film dont il était question.
En gros, la première réponse tenait en un mot marmonné la clope au bec, à la seconde il mettait un verbe dans sa phrase puis se risquait à l'adjectif avant de se laisser aller dans une proposition relative pour finir, au bout d'une heure, avec un avis circonstancié, complet, pertinent et sans langue de bois. Enfin, il quittait soulagé cette séance qu'on imaginait de torture, repartant vers d'autres affaires plus importantes. L'au revoir était poli, pas chaleureux, pas désagréable non plus. Malgré tout, la majuscule de Monsieur allait de soi. Le journaliste rentrait à son bureau rassuré et certain de l'intérêt de ce qui fut dit. Le cinéma français retrouvait un homme qui fit beaucoup pour lui. Et qui, aujourd'hui, lui manquera. L'un et l'autre, le journaliste et le cinéma, reprendront à leur compte cette belle phrase des Contrebandiers de Moonfleet, de Fritz Lang lorsque, à la fin du film, le jeune John Mohune relate ses aventures à Jeremy Fox en ces termes : « L'exercice fut profitable, Monsieur. »
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