Cap sur la fermeture et l’arabisation de l’audiovisuel
Le gouvernement islamiste marocain provoque un séisme
Cap sur la fermeture et l’arabisation de l’audiovisuel
Par : Hamid Saïdani
Le séisme a été tel que même au sein du gouvernement des voix se sont élevées pour dénoncer ce nouvel ordre médiatique que veulent instaurer les islamistes marocains.
“C'est un coup d'état” dans le secteur de l'audiovisuel, “l'arabisation en marche”… Ces titres de la presse marocaine traduisent encore l’état de stupéfaction généralisée provoqué par les mesures prises le premier gouvernement islamiste du Maroc et qui devraient entre en vigueur le 1er mai prochain. Les qualificatifs ne manquaient pas en effet pour désigner ce qui représente un bouleversement qui met en danger tous les progrès conquis par le Maroc, notamment dans le domaine de l’audiovisuel.
Le séisme a été tel que même au sein du gouvernement des voix se sont élevées pour dénoncer ce nouvel ordre médiatique que veulent instaurer les islamistes marocains, au pouvoir depuis seulement janvier dernier. C’est dire que la mouvance islamiste marocaine n’a pas trop attendu pour mettre en application ses projets obscurs dans un Maroc qui promettait pourtant et dont les progrès sur le plan du développement du secteur audiovisuel sont reconnus de tous et pouvaient même constituer un exemple à suivre pour les pays fermés de la région.
Les mesures annoncées concernent l’interdiction de la publicité pour les jeux de hasard, l'obligation de diffuser les cinq appels à la prière et une plus grande arabisation des programmes sur les chaînes publiques. Ainsi, désormais 80% des émissions de la 1re chaîne publique (Al-Oula) seront en langue arabe et seulement entre 20% et 25% des programmes de la 2e chaîne (2M) seront en langue étrangère, a tenu à préciser le ministre de la Communication marocain Mustapha El-Khalfi. Les cahiers des charges des deux chaînes (Al-Oula et 2M) les obligent également à diffuser l'appel aux cinq prières quotidiennes et fixent des programmes religieux hebdomadaires.
Les nouvelles mesures, adoptées par la Haute Autorité de la communication et de l'audiovisuel (Haca), et qui doivent entrer en vigueur à partir du 1er mai, suscitent de vives réactions, y compris au sein du gouvernement de l'islamiste Abdelilah Benkirane qui dirige une coalition de partis.
à propos de l’interdiction des jeux de hasard, M. El-Khalfi s’est défendu en affirmant que la mesure a déjà été adoptée par le CSA en France en mai 2010 et la BBC en mai 2013.
Ces nouvelles mesures, adoptées par la Haca, et qui doivent entrer en vigueur à partir du 1er mai, ont suscité de vives réactions, y compris donc au sein du gouvernement de Abdelilah Benkirane qui dirige une coalition de partis. Le ministre des Sports — qui est en même temps le président du conseil d'administration de la Marocaine des jeux et des sports (MDJS) — Mohamed Ouzzine a ainsi critiqué “l'approche” de M. El-Khalfi, “qui est un ministre de la Communication et non un mufti ou un fqih (théologien) qui interdit et autorise”. “Ce n'est pas un problème de halal (autorisé par la religion) ou de haram (interdit). Le vrai haram est qu'un grand nombre de jeunes sont au chômage et que des jeunes ne trouvent pas de terrains pour pratiquer leurs sports favoris”, a déclaré il y a quelques jours M. Ouzzine au quotidien Al-Massae. “Cette année, la MDJS a accordé 130 millions de dirhams (11,6 M d'euros) au Fonds pour la promotion du sport”, selon M. Ouzzine qui appartient à une autre formation que le Parti Justice et Développement (PJD) de M. Benkirane.
La presse marocaine, notamment francophone, n’est pas restée insensible à cette évolution de la gouvernance dans un pays reconnu pour son ouverture dans les domaines de l’éducation et de l’audiovisuel. “Un ministre halal”, ironise l'éditorialiste de l'hebdomadaire francophone TelQuel. “Dire non à El-Khalfi revient à dire oui au haram. Et ça, même la monarchie n'osera pas le faire”, écrit-il tout en estimant que “la cause” du ministre est “gagnante” puisqu'il fait “plaisir à son parti et à son ‘peuple’ ”.
Dans les milieux francophones, très influents au Maroc, cette décision est considérée comme une victoire des défenseurs de l'arabisation. “C'est un coup d'état” dans le secteur de l'audiovisuel, “l'arabisation en marche”, écrit en une le quotidien francophone Le Soir-échos au lendemain de l'adoption des deux cahiers des charges.