CORRIGÉ de la Dictée des Amériques 2007

Texte intégral de la Dictée des Amériques 2007

Texte de Vincent Vallières

Figures imposées

En général, peu de choses me font perdre mon calme et mes moyens : un mauvais

match de mon équipe de hockey préférée, le Canadien de Montréal, des bottes

détrempées par la gadoue, une grippe virulente et, par-dessus tout, le temps des

impôts… Comble de malheur, ces vicissitudes arrivent en synchronie. Ajoutez-y le

manque de lumière qui perdure tandis qu'on grelotte, et vous avez un jeune auteur-compositeur-interprète  appréhensif, pétrifié à l’idée d’une promiscuité forcée avec le

monde des chiffres.

Évidemment, je crois en l’importance de cette pléthore de paiements auxquels nous

sommes assujettis et dont bénéficie la collectivité tout entière.

[FIN JUNIORS B]

Elle s’avère vitale pour pallier, entre autres, les manques à gagner de l’État. Cependant,

qu'y puis-je?, les termes fisc, accise et fonds fiduciaire, les plus-values et les tropperçus

exacerbent mon éternelle urticaire. [FIN JUNIORS A]

La déclaration de revenus ne m’est guère une sinécure. Chaque année, une angoisse

hiémale me transperce. L’étau se resserre en février avec l’arrivée d’une kyrielle

d’imprimés et de récépissés. En mars, la tension atteint son paroxysme : il faut

rassembler les factures amoncelées de-ci de-là. Puis, une fois le tout acheminé à

grand-peine en haut lieu vient l’expectative de notre bonne ou mauvaise fortune. La

population imposée se trouve alors scindée en deux : les remboursés et les endettés,

selon la lourdeur des quotes-parts et autres tributs annuels. [FIN SENIORS B]

Cette période anxiogène est entrecoupée de nuits d’effroi. Désarçonné par la peur

d’être pris pour un de ces grippe-sous qui se sont ri de bien-fondés sociétaux, je vois

en cauchemar le percepteur passer mon six-pièces au peigne fin. Suis-je bien audessus

de tout soupçon? Finirai-je mes jours au pénitencier sous le regard

outrecuidant du geôlier? Les bons soirs, je rêve de paradis fiscaux, d’eldorados

providentiels ou de quelque exonération perpétuelle.

Espérons que le baume melliflu du printemps mettra le holà à cette course

paperassière!

 [FIN DE LA DICTÉE]

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Texte de Vincent Vallières

Figures imposées

1

CORRIGÉ

ET

EXPLICATION DES DIFFICULTÉS

Figures

En patinage artistique, le mot figures, au pluriel, désigne une suite de pas tracés, des exercices

effectués par le patineur, soit d'après un schéma obligatoire, soit à sa fantaisie.

imposées

Les figures imposées, qui s'opposent aux figures libres, ont un caractère obligatoire. Le participe

passé imposé s'écrit sans accent circonflexe, qu'on parle de patinage ou d'impôt!

choses

Choses est ici au pluriel, car le mot a le sens de « questions » ou d'« événements ». À ne pas

confondre avec peu de chose (au singulier), expression qui signifie « une petite chose, quelque

chose de négligeable, de faible importance, de faible valeur ».

match

Match, m, a, t, c, h, est un mot anglais emprunté en français au XIXe siècle dans le domaine

sportif.

hockey

Le patinage continue! Ce nom de sport est emprunté à l'anglais, qui l'avait emprunté à l'ancien

français hocquet, qui signifiait « bâton ». Il se termine en c, k, e, y.

préférée

C'est l'équipe qui est préférée. Donc l'accord est au féminin : é, e.

détrempées

Est détrempé ce qui est très mouillé et amolli. Les bottes le sont, et détrempées s’accorde avec

elles, au féminin pluriel : é, e.

gadoue

La gadoue se définit justement comme de la terre détrempée, un mélange de terre et d’eau… ou

de neige, à la saison des impôts. Le mot s’écrit g, a, d, o, u, e.

virulente

L’adjectif virulent est de la même famille que virus. Il signifie « violent, dangereux ». Virulente

termine en e, n, t, e.

par-dessus

Un trait d’union entre ces deux éléments, et non par-dessus eux!

impôts

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Figures imposées

2

Le mot impôt prend un accent circonflexe sur le o, et donne des maux de tête à bien des

contribuables…

malheur

Dans comble de malheur, malheur est au singulier, même si c’est un comble, ce qui, à l’origine

veut dire « amoncellement ».

vicissitudes

Les vicissitudes sont, dans ce contexte, des événemets malheureux. Le mot contient deux

syllabes homophones, dont la première s’écrit c, i et la seconde s, s, i.

synchronie

La synchronie est la simultanéité d’événements, de faits. Tous ces événements fâcheux arrivent

en même temps.

lumière

Il s’agit ici de la lumière et non des lumières. Le mot est donc au singulier.

grelotte

Le verbe grelotter, qui signifie « trembler de froid », s’écrit avec deux t. Il vient de l’expression

ancienne trembler le grelot. C’est presque une onomatopée.

auteur-compositeur-interprète

Deux traits d’union dans cette appellation qualifiée à juste titre de « composée ».

appréhensif

Cet adjectif de la même famille que le nom appréhension signifie « qui appréhende, craintif ».

promiscuité

Ce nom féminin désigne la situation d’une personne soumise à des voisinages désagréables. Il

se termine en –t, é, sans e final, comme beaucoup de noms qui désignent des qualités.

pléthore

Ce mot qui vient du grec signifie « abondance, excès ». Il s’écrit avec un h après le t.

paiements

Puisqu’il y a pléthore, paiement est nécessairement au pluriel. Mais on peut écrire paiements (a,

i, e) ou payements (a, y, e).

auxquels

Ce pronom relatif a pour antécédent paiements au masculin pluriel. Donc, il est aussi au

masculin pluriel : a, u, x, q, u, e, l, s.

assujettis

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Figures imposées

3

Le verbe assujettir, où l'on retrouve le nom sujet, s'écrit avec deux s et deux t. Le participe

passé assujettis, conjugué avec être, s'accorde ici avec le sujet pluriel nous. Il prend donc un s

final.

tout entière

Le mot tout est ici adverbe. Devant un adjectif féminin qui commence par une voyelle, il reste

invariable.

pallier

Il ne faut pas confondre le verbe pallier, avec deux l, et le nom palier, avec un seul l.

entre autres

Dans cette expression, le mot choses, au pluriel, est sous-entendu. Autres prend donc aussi la

marque du pluriel et se termine par un s.

manques à gagner

Un manque à gagner est une occasion qu'on laisse échapper de faire une affaire profitable et,

par extension, la somme qu'on aurait pu gagner. Le nom manque prend la marque du pluriel. Au

pluriel, on ne fait pas la liaison entre le s de manques et le à.

qu'y

Il s'agit ici de la conjonction que élidée et suivie de l'adverbe y. Qu'y puis-je? a le sens de « que

puis-je à cela? ».

fisc

Le mot fisc désigne couramment l'ensemble des administrations chargées du recouvrement des

impôts. Il vient d'un mot latin signifiant « panier pour recevoir l'argent ».

accise

Ce mot qui vient du néerlandais désigne un impôt indirect frappant certains produits de

consommation. Il s'écrit avec deux c. Comme en Belgique ce nom n'est employé qu'au pluriel

pour désigner l'ensemble des impôts indirects sur le commerce de certaines boissons, on

accepte accises, au pluriel, dans la dictée.

fonds

Le mot masculin singulier fonds se termine par un s. Il désigne un capital dont on dispose en

vue de certaines fins. À distinguer du fond, partie la plus basse de quelque chose, qui s’écrit

sans s.

fiduciaire

L'adjectif fiduciaire, qui s'écrit de la même façon au masculin et au féminin, dérive du nom

fiducie. Le terme fonds fiduciaire désigne des biens, particulièrement de l'argent et des titres,

confiés à un tiers qui doit les administrer en conformité avec les instructions reçues.

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plus-values

Le mot composé plus-value désigne notamment un excédent de recettes par rapport aux

prévisions budgétaires. Il s'écrit avec un trait d'union et le mot value prend la marque du pluriel.

trop-perçus

Un trop-perçu est ce qui a été perçu en plus de ce qui était dû. Il s'écrit avec un trait d'union et le

mot perçu prend la marque du pluriel.

exacerbent

Exacerber, c'est rendre un mal plus aigu, le porter à son paroxysme. Il commence par e, x, a.

éternelle

Comme le nom urticaire est féminin, éternelle s'accorde au féminin et se termine en e, l, l, e.

urticaire

L'urticaire est une éruption cutanée passagère accompagnée de démangeaisons et d'une

sensation de brûlure, qui ressemble à des piqûres d'ortie. D'ailleurs, urticaire vient d'un mot latin

qui signifie ortie.

revenus

Dans l'expression déclaration de revenus, revenus est toujours au pluriel : on déclare ses

revenus.

m’est

Il s'agit du pronom personnel me élidé et du verbe être à la troisième personne du singulier. On

aurait pu dire : la déclaration de revenus est pour moi une sinécure.

sinécure

Ce mot vient du latin sine cura « sans souci, sans travail ». Quand ce n'est pas une sinécure, ce

n'est pas une mince affaire!

hiémale

L'adjectif hiémal signifie « hivernal ». Il vient du latin hiems, qui signifie « hiver ». Il commence

donc par un h.

L’étau

Évidemment, ce ne sont pas les taux d'imposition qui se resserrent, mais bien, au sens figuré du

mot étau, é, t, a, u, la situation pénible, angoissante.

kyrielle

Kyrielle vient du grec, de l'expression kyrie eleison, qui est le début d'une litanie religieuse. Le

mot commence par k, y.

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récépissés

Un récépissé est, notamment, un reçu donné pour un versement d'argent. Le mot vient d'une

expression latine qui signifie « je reconnais avoir reçu ». Il s'écrit r, é, c, é, p, i, s, s, é et prend

un s au pluriel, comme ici.

paroxysme

Ce mot qui vient du grec désigne notamment l'extrême intensité, le plus haut degré d'un

sentiment ou d'une émotion. Il s'écrit avec x et y, dans l'ordre, mais sans z!

amoncelées

Amonceler signifie « réunir en monceau, en tas », et, au figuré, réunir en grande quantité. Il n'y a

qu'un m et qu'un l dans ce verbe. Ce participe passé employé sans auxiliaire s'accorde avec

factures, au féminin pluriel, et se termine donc en é, e, s.

de-ci de-là

Cette locution adverbiale signifie « de côté et d'autre ». Il y a un trait d'union entre de et ci et

entre de et là.

à grand-peine

La locution adverbiale à grand-peine signifie « très malaisément, péniblement ». En dehors des

mots composés comme grand-mère, grand-route ou grand-voile, il existe un certain nombre

d'expressions où grand ne s'accorde pas au féminin, comme avoir grand-faim, grand-soif ou

grand-peur et à grand-peine. Il y a un trait d'union après grand.

en haut lieu

L'expression signifie « auprès des supérieurs haut placés dans une hiérarchie administrative ».

Elle s'écrit au singulier, sans trait d'union.

expectative

Une expectative est une attente fondée sur des promesses ou des probabilités. Le mot vient du

verbe latin expectare « attendre ». Il s'écrit e, x, p, e, c, t, a, t, i, v, e.

imposée

L'adjectif imposée est ici employé dans le sens de « soumise à l'impôt ». Toujours pas d'accent

circonflexe sur le o, mais un e final pour le féminin.

scindée

Le verbe scinder, qui commence par s, c, vient du latin scindere « fendre, diviser ». Il signifie

« couper, diviser », en parlant de choses abstraites ou de groupes. Il s'accorde lui aussi au

féminin avec population.

quotes-parts

Commence par q, u, (et non par c) et prend un trait d'union. La quote-part, c'est la part qui

revient à chacun dans la répartition d'une somme à recevoir ou à payer. C'est la traduction de

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l'expression latine quota pars, part qui revient à chacun. Quote, q, u, o, t, e, n'est utilisé que

dans ce nom composé. Au pluriel, chacun des éléments prend un s.

tributs

Il s'agit ici d'un mot au masculin pluriel qui désigne une contribution payée à un supérieur ou à

l'État et qui contient un t en finale, comme l’adjectif tributaire, qui en dérive. Il ne faut pas le

confondre avec le nom féminin tribu, sans t final, bien qu'il vienne du latin tributum « impôt perçu

par la tribu ».

annuels

Cet adjectif s'accorde avec tributs, masculin pluriel. Il se termine donc en e, l, s.

anxiogène

Est anxiogène ce qui suscite l'anxiété, l'angoisse. Cet adjectif s'écrit a, n, x , i, o, g, è, n, e.

entrecoupée

Le verbe entrecouper s'écrit en un mot, sans trait d'union. Ce participe passé conjugué avec être

s’accorde avec le sujet période, féminin singulier.

d’effroi

L'effroi, e, f, f, r, o, i, est une grande frayeur, souvent mêlée d'horreur, qui saisit et qui glace,

mais ce n'est pas une raison pour confondre les froids et l'effroi!

Désarçonné

Désarçonner un cavalier, le mettre hors des arçons, c'est le jeter à bas de la selle, car les

arçons forment le corps de la selle. Au figuré, être désarçonné, c'est être à bout d'arguments, ne

savoir que dire. Le participe passé désarçonné est ici au masculin singulier : il se termine en é

et prend un c cédille.

grippe-sous

Un ou une grippe-sou est une personne avare, qui économise sur tout et cherche à obtenir de

l'argent par tous les moyens. Au pluriel, on met un s à sou, mais pas à grippe, forme du verbe

ancien gripper, qui signifie « saisir ».

ri

Se rire de quelque chose, c'est avoir l'air de se moquer d'une chose dont on triomphe avec

aisance. Le participe passé de ce verbe pronominal est toujours invariable : r, i.

bien-fondés

Le bien-fondé est la conformité au droit, à la raison, au bon sens, à une autorité. Au pluriel,

l'élément fondé, qui est un participe passé, prend la marque du pluriel, mais pas l'élément bien,

qui est un adverbe.

sociétaux

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C'est le masculin pluriel de l'adjectif sociétal, qui signifie « relatif à la vie en société ». Il se

termine en a, u, x.

cauchemar

Un cauchemar est un rêve effrayant. Même si ses dérivés sont cauchemarder et

cauchemardesque, cauchemar n'a pas de d final.

six-pièces

C'est un appartement qui compte six pièces. Il y a aussi des deux-pièces, des trois-pièces, etc.,

et tous s'écrivent avec un trait d'union quand ils forment un nom.

au peigne fin

Passer quelque chose au peigne fin, c'est l'examiner minutieusement, sans en omettre une

partie, un détail. L'expression ne comporte pas de trait d'union.

au-dessus

Mais il y a un trait d'union entre au et dessus.

tout soupçon

Les expressions au-dessus de tout soupçon et à l'abri de tout soupçon sont toujours au

singulier. Il ne faut pas oublier la cédille au c!

pénitencier

Un pénitencier est un établissement de détention où se subit une peine de réclusion. Ce nom se

termine en c, i, e, r, à la différence de l'adjectif pénitentiaire, qui se termine en t, i, a, i, r, e.

outrecuidant

Quelqu'un d'outrecuidant fait preuve d'outrecuidance, c'est-à-dire de désinvolture impertinente,

ou d'arrogance envers autrui. Outrecuidant s'écrit en un mot et se termine en a, n, t.

geôlier

Un geôlier, une geôlière est la personne qui garde les prisonniers, le ou la concierge d'une

prison, d'une geôle. Ne pas oublier l'accent circonflexe sur le o.

eldorados

Eldorado est un mot d'origine espagnole qui signifie « le doré », pays de l'or. C'est d'abord un

pays imaginaire qui aurait été découvert par un lieutenant de Pizarre en Amérique du Sud et

qu'on disait abonder en or et en pierres précieuses. De façon générale, c’est un pays

merveilleux, lieu d'abondance et de délices. Au pluriel, il se termine en d, o, s.

providentiels

Est providentiel ce qui se rapporte à la providence, ce qui est un effet de la providence et qui est

heureux ou ce qui arrive opportunément, par un heureux hasard. Providence se termine en c, e,

mais providentiel se termine en t, i, e, l.

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quelque

Ici, quelque est un déterminant indéfini qui a le sens d’ « une certaine ». Il est au singulier,

comme exonération, et ne s’élide pas : q, u, e, l, q, u, e.

exonération

L’exonération est l’action d’exonérer, c’est-à-dire de décharger quelqu’un d'une obligation

financière, de quelque chose d'onéreux.

melliflu (ou melliflue)

Cet adjectif plutôt rare vient des mots latins qui signifient miel et couler. Il signifie « qui distille du

miel, qui a la suavité du miel ». Chose curieuse, il peut s'écrire de deux façons au masculin :

avec ou sans un e final.

holà

L'expression mettre le holà à quelque chose signifie « mettre fin, mettre bon ordre à quelque

chose ». Holà est une interjection qui commande l'arrêt.

paperassière

Est paperassier ce qui multiplie les formalités écrites, les paperasses, c'est-à-dire les papiers

écrits considérés comme inutiles ou encombrants.

Linguistique.
Quoi qu'on en dise, la rivale de l'anglais se porte bien.
Cette semaine, on la fête.
Le français, langue baladeuse
Par Catherine MALLAVAL
 
     
C'est la fête de notre langue. Mais non, pas de cet organe charnu, musculeux, allongé, mobile, parfois bien pendu, qui permet de s'aboucher, après avoir été dûment tourné sept fois dans la cavité buccale. C'est la fête, cette semaine, de la langue française, merveilleuse fourmilière de quelque 50 000 mots (tels que recensés par le dictionnaire de l'Académie) qui ne cesse de s'enrichir. Car oui, le français, n'en déplaise à ceux qui hurlent au franglais ­ en fustigeant ces djeunes qui croient que Le Robert, c'est le gars d'en face qui bidouille les mobs ­, se porte comme un charme. Un charme ? Ben oui, comme un arbre, qui certes perd ses branches mortes, mais aussi se ramifie et se renouvelle. On en cause meilleur...
Sur le même sujet
J'hallucine grave ! 
Insensé ce que les Français gigotent. Et c'est peu dire qu'à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France, on n'en peut mais de courir derrière cette langue baladeuse. Avec des mots qui tombent dans l'oubli comme estocader («discuter vivement»). D'autres qui s'effacent au profit des plus courants, tel complet à qui l'on préfère costume, corsage au profit de chemisier, soulier délaissé pour chaussure. Mais il y a aussi des ressuscités. Parmi eux : maille («petite monnaie de cuivre qui valait la moitié d'un denier»). Certes, on en use encore dans l'expression avoir maille à partir avec («avoir un différend», comme si on avait une maille à partager). Mais voilà surtout ce mot miraculeusement réapparu, et réinvesti dans son sens premier, en banlieue ou chez les branchés, qui n'hésitent plus à demander : «T'as pas de la maille ?» En clair : «Raboule la thune !» Tout ça, c'est bien sûr sans compter avec ce que les érudits appellent les mutations grammaticales qui vous mettent aussi une bonne dose de bazar, lorsque notre langue on ausculte. Et voilà, l'adverbe qui devient adjectif : «Il est trop !» Et réciproquement : «J'hallucine grave !» A noter aussi que les verbes peuvent se transformer en nom : la glisse, la gagne... Et réciproquement : «ça m'esclave sévère !», «Je crise complètement !». Et y a de quoi ! Cerise sur le dico : les mots qui changent de sens. Genre la zone (devenue banlieue misérable), ou «j'ai rien capté»... 
Encore des mots... 
Bref, faut suivre. D'autant qu'en sus de tous ces petits arrangements entre mots, en voici qui chaque année font leur entrée dans le dico. Eh oui ! Il a bien fallu se résoudre à donner des définitions à ces mots désormais très usités que sont covoiturage, bioterroriste, professeure, sans oublier double-cliquer... A noter, qu'une foultitude de termes nouveaux s'autorisent en plus à vivre leur vie loin du dico, tel «à l'insu de mon plein gré». Sérieusement, pendant que les gens du dictionnaire s'évertuent à conserver et observer notre langue, ça mouline également très dur du côté des commissions de terminologie (dix-huit en tout, des transports à l'audiovisuel en passant par l'électronique). Mission : proposer tous les mois, voire tous les quinze jours, des mots dont l'usage doit s'imposer aux agents de l'Etat (après publication au Journal officiel, JO ). Objectif : «Faire du français une langue performante apte à exprimer la modernité.» Un sacré boulot, puisque 850 mots nouveaux ont été publiés au JO depuis 2004. Et 298 sur la seule année 2006. Avec plus ou moins de succès... Flops retentissants : «sac gonflable» pour airbag, Â«papillon» pour post-it ou encore «bouteur» pour bulldozer . «Des fois, ça ne prend pas et on ne sait pas pourquoi», admet Xavier North, délégué général à la langue française. Mais tous les efforts ne sont pas vains. Témoins : lave-vaisselle, navigateur, logiciel... Petits derniers tout frais : «opérateur de marché» (pour trader ), «messagerie instantanée vocale» (pour push to talk ) et «poste à poste» (pour peer to peer ).
Perfides Anglais 
A croire qu'on passe notre temps à repousser des invasions de mots anglais ? «Nous n'avons jamais cessé d'emprunter, de façon massive, à l'anglais depuis ces dix dernières années. Plus que lors du siècle écoulé. Le français emprunte plus à l'anglais, plus qu'à n'importe langue. Et parfois même en conservant la prononciation, comme standing ovation », résume Xavier North. Mais pas de conclusions hâtives pour autant. D'abord, notre langue digère ce qui lui est utile et recrache le reste. Ainsi, là où nous disions doping il y a dix ans, nous disons désormais dopage. Deuxième point : une langue s'enrichit toujours d'emprunts. Et si c'est maintenant au contact de l'anglais que notre vocabulaire évolue, au XVIe siècle, c'est à l'italien que nous avons massivement piqué des mots. «D'ailleurs les intellectuels de l'époque s'en inquiétaient», affirme Xavier North. Pourtant, esquisse, caresse, caleçon, s'amouracher, bagatelle, favori sont aujourd'hui si bien adaptés, qu'on ne décèle même plus l'origine.
Enfin, haussons-nous un peu du col. Selon le diplomate, essayiste et historien brésilien Sergio Correa da Costa (1), disparu en 2005, les deux langues qui fournissent le plus de mots sans frontières sont le français et l'anglais, avec une légère avance pour... le français. «Les mots français qui circulent si librement au-dessus des barrières linguistiques et culturelles expriment le plus souvent un état d'âme, une inclination, une critique, un agacement, une ironie, donc des abstractions», Ã©crit da Costa. Exemples : à contrecoeur, arrière-pensée, bête noire, grâce, bon vivant, habitué, enfant gâté, fait accompli, nonchalance, parvenu, ménage à trois, femme fatale... Ce n'est pas l'écrivain Franck Resplandy qui dira le contraire. Dans son livre My rendez-vous with a femme fatale (2), il s'est plu à lister quelques-uns de nos mots baladeurs. Selon lui, en gros un tiers des mots anglais serait d'origine française.
C'est bien beau tout ça. Mais malgré tous nos efforts, nous n'avons pu élucider un des grands mystères de notre langue. A savoir l'expression : parler français comme une vache espagnole. Comme le dit le site de la Délégation à la langue française : «Cette expression n'a littéralement aucun sens, sauf si l'on suppose qu'elle vient de "parler français comme un Basque l'espagnol".» 
Devoir manuscrit

Mission pour l'administration : rédiger un compte-rendu.
Ébahi, découvrir que faute de version informatique, il me faudrait le rédiger « Ã  la main Â». Il y avait si longtemps que cela ne m'était arrivé...
Le bel exploit en vérité ! Car si je tiens quelques carnets manuscrits, je leur réserve une écriture qui occupera des générations de Champollion.
Chaque jour j'écris sans compter... mais le clavier et le tapuscrit devenus alliés fidèles, m'autorisent essais, reprises, « copiers et collers Â», bricolages sans vergogne...
Alignements, paragraphes ajustés, vous ne dissimulez pas toujours l'horrible et honteuse faute que le correcteur automatique farceur et pervers, laisse volontiers, se jouant de ma vigilance pressurée de petites et grandes urgences.
Mais là ! contrainte d'un document qui ne souffrirait pas d'être illisible, exercice obligé de concision, de précision...
Ma main, ma pauvre main soudain convoquée, soudain agrippée à ce mauvais stylo, bille chercheuse d'équilibre...
Me voici remonté après des années de rouille , sur mon vieux vélo vermoulu, grinçant, cherchant ma route, donnant du guidon sans souplesse, freinant à brûle - pourpoint sans justesse.
Ecrire droit sa pensée à la main ! Le bel exercice ! Désuet ?
Toutes les lettres amicales, les lettres amoureuses, se réservent beau papier, belle plume, encre choisie... mais j'y pousse toujours un peu le trait et le délié, la circonvolution ou l'effet, histoire d'envoyer un complice clin d'oeil.
Mais écrire sérieusement à la main...
J'étais élève et la tache d'encre violette au majeur droit me disait la main droite.
Écrire à la main les jours d' épreuves d' examens et de concours, écrire à la main les modèles sur les cahiers des élèves...
Luxe des retrouvailles. La tête légèrement penchée, la langue crispée sur les dents, écrire. Ne pas être troublé. Ne me dérangez pas !
Regards féminins, elles n'ont pas manqué de s'étonner, « tu écris à la main ? Â» On reconnait l'instituteur à son écriture un rien figée, montante, acérée, incisive et ferme, mais juste, régulière, fidèle aux interlignes.
Oui, mais ici, la courbe est imparfaite... Ailleurs, j'ai raccroché un i piteux, signe instable, insane, baveux... La seule solution serait de tout reprendre.
Écrire ! Écrire à la main, à l'ancienne, à la patience. Écrire pour réfléchir. Écrire et recopier. Pour ne pas oublier les cahiers et les lignes.
Écrire, pour retrouver une sensation de la pensée calme et résolue. Un souvenir de sillon tracé droit dans la terre meuble...
Bonheur solitaire ? N'avez-vous jamais goûté cette joie d'écrire en silence dans une salle de classe, entouré d'enfants écrivants ? Essayez, osez et découvrez dans le regard admiratif de vos élèves goûtant l'exercice, la véritable reconnaissance de celui qui avance...
Sapience et Sapidité


Le point de vue du maître, le point de vue des parents, le point de vue de l'inspecteur, le point de vue du directeur, le point de vue du ministre, le point de vue du syndicat et celui du conseiller pédagogique et celui du sociologue, celui de « Sauver les lettres Â» et des mouvements de jeunesse, le point de vue des "constructivistes" et celui des "cognitivistes", celui des neurosciences et de l'inspection générale, des associations et de la municipalité ...
Opinions émises sur autant de canaux parallèles où les pensées se croisent rarement . La télévision ensuite achève son brouillage de son potage réducteur.
Etiquetages, chiffres énoncés sans le contexte, indicateurs construits sur des critères disparates, jetés à la pâture médiatique ... Os à ronger pour qui ?
La complexité. La vérité pour les uns, à ce point devenue relative que nous pourrions laisser croire la compétition irréversible, plus que jamais l'adaptation systématique et obligée de l'école à l'économie. Réalité de la crise ...
L'école, service public et institution organique de l'État est fragilisée du dehors et du dedans. Sa pérennité n'est pas gagnée. Sa sauvegarde ne viendra pas « malgré elle Â», de la Société, ni de sages en comité, ni de prédicateurs, ni d'imprécateurs ... mais probablement, s'il reste un espoir, des acteurs qui la font. Ethique, professionnalité, humanisme devraient être les fondements qui aideraient à négocier un nouveau consensus.
De l'éthique parce que l'équité suppose une exigeante vigilance, la neutralité engagée du fonctionnaire de service public.
Du professionnalisme, car on ne peut travailler seul aujourd'hui, exerçant « son art Â» selon « sa seule sensibilité personnelle Â» mais bien selon ce que les élèves apprennent.
Humanisme, car il s'agit d'aider chacun à choisir librement son destin, empathie de l'enseignant, juste distance du maître. Le système accueillant la différence et répondant aux besoins.

Dans une esthétique pensée et cohérente, valorisant son travail comme celui de l'élève, créant contre les urgences de la Société – les vraies et les fausses- un espace préservé pour le libre bonheur d'apprendre; pour chaque élève, pour chaque classe, mais pas porte fermée, un bon maître nanti de sapience et de patience osant donner de la sapidité au savoir, ce savoureux savoir que se donnent les hommes pour avoir moins peur de l'incertitude. Une école gratuite et bienveillante, courageuse et généreuse, pragmatique mais idéaliste, inlassable militante des valeurs.



12/06/2006
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