SEDDIK CHIHAB ET LA REPENTANCE DE L’ANCIENNE PUISSANCE COLONIALE
«Nous n’avons pas besoin des excuses de la France»
Brahim TAKHEROUBT  - Dimanche 17 Octobre 2010 - Page : 3

Seddik Chihab, membre du bureau national du RND
K.DJAOUI

Le RND veut dĂ©foncer la camisole dans laquelle sont enfermĂ©es les relations algĂ©ro-françaises. Seddik Chihab, l’un des membres les plus influents du bureau national du parti de Ahmed Ouyahia, a donnĂ© un avant-goĂ»t de ce que sera dĂ©sormais le dĂ©bat sur la question de la mĂ©moire. «Nous avons chassĂ© la puissance coloniale d’AlgĂ©rie, nous sommes les vainqueurs et de ce fait, on n’a besoin ni du pardon de la France ni de sa repentance. Ce dont nous avons besoin, c’est de regarder vers l’avenir», a dĂ©clarĂ© hier, M.Chihab sur les onde de la Radio nationale ChaĂźne III.
«La France nous demandera pardon et aprĂšs...?», s’est interrogĂ© Seddik Chihab qui est Ă©galement vice-prĂ©sident de l’APN. Il explique que mĂȘme les moudjahidine qui avaient pris les armes, eux-mĂȘmes n’ont pas besoin d’exiger le pardon de la France. «Laissons cette question du pardon Ă  la conscience de la sociĂ©tĂ© française qui la mĂ»rira et la prendra parfaitement en charge», a ajoutĂ© ce responsable qui a suggĂ©rĂ© une vision plus pragmatique basĂ©e sur l’intĂ©rĂȘt et le partenariat «au lieu de palabrer et faire de cette question un fonds de commerce». Des dĂ©clarations qui font table rase avec la langue de bois sur une question qui allait devenir un tabou au sein de la classe politique nationale. Les propos de Seddik Chihab, qui sont ni plus ni moins, la position officielle du RND, annoncent-ils alors une dĂ©cantation politique qui s’étendra Ă  d’autres questions encore? L’intrusion du RND dans ce dĂ©bat en question risque de mettre mal Ă  l’aise le FLN qui a toujours fait de la question de la «mĂ©moire» son cheval de bataille. En tout cas, il est maintenant clair que le traitement rĂ©servĂ© au dossier des relations algĂ©ro-françaises ne fait pas consensus, du moins au niveau de l’Alliance prĂ©sidentielle. A chaque occasion, le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du FLN, Abdelaziz Belkhadem, ne manque pas de rĂ©itĂ©rer le principe de son parti d’exiger de la France «des excuses officielles» pour ses crimes commis durant l’occupation coloniale depuis 1830. Il l’a toujours brandi comme «prĂ©alable» Ă  toute normalisation des relations entre les deux pays. En plus du FLN, de nombreuses personnalitĂ©s politiques algĂ©riennes estiment que l’obstacle majeur qui empĂȘche un fonctionnement normal des relations algĂ©ro-françaises est directement liĂ© Ă  la question de la «mĂ©moire» et le refus de la France officielle de reconnaĂźtre les crimes commis en AlgĂ©rie. Ce n’est pas la vision du RND et M.Ouyahia l’a fait savoir soulignant que «l’AlgĂ©rie a des intĂ©rĂȘts avec la France et nous devons bĂątir une plate-forme basĂ©e sur le respect mutuel si nous voulons aboutir Ă  des relations d’exception», marquant ainsi sa diffĂ©rence d’approche avec M.Belkhadem sur cette question. Mais il aurait, selon certaines indiscrĂ©tions, longuement abordĂ© le sujet, lors de la rĂ©ception qu’il a accordĂ©e, en juin dernier, au secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ElysĂ©e, Claude GuĂ©ant, et au conseiller diplomate du prĂ©sident Sarkozy, Jean-David Levitte.
Par la dĂ©claration de Seddik Chihab, le RND propose de regarder vers l’avenir car les dĂ©gĂąts sont dĂ©jĂ  Ă©normes. Il y a comme une dĂ©ception entre les deux rives qui n’ont pas su reconstruire le paradis de l’aprĂšs-guerre entre les deux pays. Pourtant, ce ne sont pas les exemples qui manquent. La France de De Gaulle a su faire la paix avec l’Allemagne 13 ans aprĂšs la fin de la Seconde Guerre mondiale et le Vietnam est devenu le premier partenaire des Etats-Unis malgrĂ© les stigmates, d’une guerre rĂ©cente. Entre le cĂŽtĂ© passionnel et la rĂ©alitĂ© du terrain, il existe tant de choses qui rythment Alger et Paris. Il n’y a jamais eu autant de mariages entre AlgĂ©riens et Français depuis ces dix derniĂšres annĂ©es, jamais eu autant d’échanges commerciaux, de rapports Ă©conomiques et de circulation de personnes. En d’autres termes, jamais le couple AlgĂ©rie-France n’a fonctionnĂ© aussi bien. Mais les hommes politiques semblent incapables de saisir et de comprendre les sensibilitĂ©s du moment. On n’a pas suffisamment de recul pour regarder ces Ă©vĂ©nements de maniĂšre calme et tranquille pour respecter les avis des uns et des autres. Quand des groupuscules d’ultras menacent d’empĂȘcher la projection dans des salles de cinĂ©mas français d’une oeuvre artistique par le simple fait que cette oeuvre porte un regard diffĂ©rent sur l’Histoire (Hors-la-loi, Ndlr), il n’y a pas de doute, cela s’appelle du fanatisme. En dĂ©finitive, la question a fini par glisser vers un dĂ©bat d’intolĂ©rance.

 L'Expression