Lâancien chef du gouvernement a soulignĂ© lâurgence dâune meilleure gestion du secteur pour dĂ©passer lâimpasse dans laquelle sâest engouffrĂ©e lâĂ©conomie nationale.
LâĂ©conomie algĂ©rienne est lâarchĂ©type de la malĂ©diction des ressources Ă savoir une Ă©conomie qui dispose dâun secteur de ressources naturelles (hydrocarbures) tournĂ© vers lâexportation (98% de recettes en devises en AlgĂ©rie) qui gĂ©nĂšre de substantielles recettes publiques (75% des recettes en dinars pour le budget) mais qui, paradoxalement, engendre une stagnation Ă©conomique et une instabilitĂ© politique. Câest un pays riche en ressources, mais qui sâappauvrit chaque annĂ©e malgrĂ© cette abondance. Câest ce quâa relevĂ© le Dr Ahmed Benbitour, ancien chef du gouvernement, lors dâune confĂ©rence sur le secteur des hydrocarbures organisĂ©e Ă lâinvitation de la fondation Slimane-Amirat. M. Benbitour a soulignĂ© lâurgence dâune meilleure gestion du secteur, pour dĂ©passer lâimpasse dans laquelle sâest engouffrĂ©e lâĂ©conomie nationale. TrĂšs pĂ©dagogique, lâancien chef du gouvernement a expliquĂ© les caractĂ©ristiques de lâĂ©conomie algĂ©rienne fragilisĂ©e par âla malĂ©diction des ressourcesâ. Selon lui, le chemin vers la stagnation Ă©conomique, lâinstabilitĂ© politique et lâappauvrissement se caractĂ©rise par au moins cinq Ă©lĂ©ments. M. Benbitour indique que lâabondance des ressources accroĂźt les anticipations et lâappĂ©tit des dĂ©penses. âLes autoritĂ©s lancent des projets grandioses. Rappelez-vous, nous avons commencĂ© avec un programme de relance de 7,5 milliards dollars. Tout de suite, on a dit quâil faut un autre programme de soutien de 60 milliards de dollars. DâoĂč les rĂ©actions des individus qui veulent des bĂ©nĂ©fices sans tarder.â Dans ce contexte, les attentes de la population poussent les pouvoirs publics vers des rĂ©ponses rapides. Il sâensuit âdes dĂ©cisions hĂątives, inappropriĂ©es et mal coordonnĂ©esâ. Lâaccroissement des moyens financier fait diminuer la prudence et la vigilance. Par ailleurs, la pression sur lâaugmentation Ă la fois des dĂ©penses et des transferts va augmenter les attentes des gens.
M. Benbitour explique que le dĂ©fi est de rĂ©pondre en mĂȘme temps Ă la nĂ©cessitĂ© dâinterventions publiques face aux urgences sociales pour le maintien de lâordre public et la stabilitĂ© politique, ainsi que la nĂ©cessitĂ© de construire des institutions fortes pour la pĂ©rennitĂ© de la stabilitĂ© politique. La premiĂšre nĂ©cessitĂ© fait appel au pompier, la deuxiĂšme nĂ©cessitĂ© fait appel Ă lâarchitecte. âDâoĂč lâexigence dâun autre niveau de gouvernance et les gouvernants doivent ĂȘtre Ă la fois pompiers et architectes. Câest loin dâĂȘtre le cas lorsque vous considĂ©rez le profit de nos gouvernants aujourdâhui.â Lâex-chef du gouvernement indique quâĂ la fin de la dĂ©cennie noire, la population avait besoin de deux Ă©lĂ©ments importants : une politique dâinsertion et de participation et la construction dâinstitutions fortes. âQuâest-ce qui sâest passĂ© ? Il y a eu un discours populisteâ, a-t-il affirmĂ©. âConcernant les institutions, on a fait le contraire. Le parlement, on lâa cassĂ© par les ordonnances. Le Conseil constitutionnel est devenu une institution pour justifier lâinjustifiableâ, a prĂ©cisĂ© M. Benbitour, ajoutant que la centralisation et partant de la concentration des moyens budgĂ©taires a induit âdes investissements excessifs et imprudents et donc la porte ouverte Ă la corruptionâ. Benbitour, cite le cas, du projet de transfert dâeau vers Tamanrasset, sur plus de 740 km en pente, âinimaginableâ. Câest aussi le cas de la ville de Hassi Messaoud. Et le dernier : lâorganisation du GNL 16. âOn a organisĂ© une grande rencontre au moment oĂč le produit connaĂźt de trĂšs sĂ©rieux problĂšmes de marchĂ©â, regrette-t-il.
Lâabondance de ressources encourage la concentration des pouvoirs au sommet
Lâancien chef du gouvernement indique que lâabondance de ressources encourage la concentration des pouvoirs au sommet. âLâaccĂšs au pouvoir signifie lâaccĂšs Ă la richesse et la garantie dâune richesse ultĂ©rieure. Le soutien politique se construit essentiellement sur le clientĂ©lisme autour de rĂ©seaux rĂ©gionaux ou Ă©conomiques ou dâintĂ©rĂȘts particuliersâ, a expliquĂ©
M. Benbitour. âCâest alors lâinstallation des institutions favorables aux profiteurs. DâoĂč lâexistence de conflits causĂ©s par le sentiment dâinjustice qui sâaccompagne par la violence sociale des Ă©meutiers, surtout chez les jeunes, et aussi, lâaviditĂ© que peuvent susciter les rentes massives et qui se manifeste par la violence terroriste, les rapts, les gangs et les volsâ, argumente lâancien chef du gouvernement. Par ailleurs, les recettes venant de la fiscalitĂ© sur lâexportation des ressources naturelles, vont rompre les liens importants entre les citoyens et lâĂtat, du fait de lâabsence de la fiscalitĂ© directe. âLes gens ne se sentent pas impliquĂ©s par ce que fait lâĂtat. Parce que lâĂtat nâa pas besoin dâeuxâ, estime M. Benbitour, relevant que la dimension politique de la rente se manifeste par une prĂ©disposition, pas nĂ©cessairement, Ă lâautoritarisme. âLe gouvernement utilise les revenus des hydrocarbures pour allĂ©ger les pressions sociales qui autrement mĂšneraient vers des demandes plus importantes dâimputabilitĂ©â, explique M. Benbitour. Pour autant, pour M. Benbitour âla malĂ©diction des ressourcesâ nâest pas une fatalitĂ©. âQui dit hydrocarbures, ne dit pas nĂ©cessairement malĂ©diction de ressourcesâ, a-t-il affirmĂ©, prenant lâexemple de la NorvĂšge, riche en pĂ©trole, mais qui occupe la premiĂšre place mondiale dans lâIndice de dĂ©veloppement humain (IDH). âCâest parce quâon a une mauvaise gouvernance des hydrocarbures quâon va vers la malĂ©dictionâ, souligne M. Benbitour qui indique que la fin du pĂ©trole, au rythme actuel de production, pourrait intervenir entre 2026 (pour les rĂ©serves prouvĂ©es) et 2035 pour les rĂ©serves probables. âSi on monte 2 millions de barils par jour, la fin du pĂ©trole interviendrait entre 2022 et 2027â, avertit lâancien chef du gouvernement.