En ces temps de post crise pour tout le monde, un bilan semestriel à mi-parcours est d’autant plus utile à produire qu’il correspond, depuis quelques années chez nous, à la période de publication de la loi de finances complémentaire (LFC) censée corriger la trajectoire de l’activité économique annuelle. Beaucoup d’attentes sont perceptibles chez nous et ailleurs et certains messages sont déjà distillés. Voyons quelques éléments (partiels) de bilan qui pèseront probablement sur l’architecture de la LFC 2010 mais pas seulement. à la fin du premier semestre 2010, on peut affirmer que la maîtrise des échanges extérieurs s’est consolidée en Algérie sauf sur deux aspects préoccupants et récurrents que l’on traitera plus loin.
Ainsi, la balance commerciale a enregistré, au cours de cette période, un excédent de 6,53 milliards de dollars, alors que, sur le même semestre de l’année précédente, cette dernière présentait un déficit de 1,16 milliard de dollars. La valeur des exportations algériennes s’est élevée en ce premier semestre 2010 à 26,25 milliards de dollars alors qu’elle n’était que de 19,76 milliards de dollars au cours du premier semestre 2009 soit une augmentation de près du tiers.
Pourquoi donner ces deux chiffes ? Parce que cette augmentation des recettes n’était pas évidente à réaliser. En effet, si la valeur des exportations de pétrole brut a bénéficié de la hausse des prix enregistrée entre ces deux périodes, en revanche celle du gaz naturel a diminué du fait à la fois de la baisse des prix due à la mise sur le marché du gaz non conventionnel américain et au décalage dans la mise en service de certains projets de production et de transport en Algérie.
S’agissant des importations, leur diminution de 11% sur la période considérée est intéressante à analyser, au double titre du volume et de la structure. Les postes de biens de consommation ont enregistré des baisses significatives : la plus forte a été celle des biens alimentaires (-10,8%) et la plus faible celle des biens non alimentaires (-4,4%). En revanche, l’augmentation des produits du groupe énergie, lubrifiants et produits bruts qui ont atteint près d’un milliard de dollars (970 millions $) renvoie toujours à l’inertie de notre modèle de consommation énergétique caractérisée notamment par un gaspillage résultant d’une structure de prix inappropriée. Ainsi les importations en énergie et lubrifiants ont augmenté de 40%. Cela témoigne d’une forte diésélisation du parc automobile consécutive au prix relatif dérisoire du gasoil sur le marché national. Ce qui explique aussi cette explosion de ces importations c’est le fait que les volumes de gasoil raffinés à partir du brut algérien léger ne peuvent plus couvrir les besoins exponentiels du marché. Affaire à suivre.
S’agissant d’autres éléments préoccupants récurrents on peut noter la faiblesse des exportations hors hydrocarbures qui, avec 790 millions de dollars, ne représentent que 3% de la valeur des exportations, même si celle des demi produits a doublé avec 554 millions $ et celle des produits agroalimentaires avec 109 millions $ a augmenté de près de 50%. Cette situation reflète la faiblesse structurelle de l’offre algérienne de biens et de services tous secteurs confondus. Aussi, la politique de soutien aux entreprises devra être prioritaire. La dernière préoccupation dont je voulais parler est relative à l’inflation. Lentement mais sûrement, l’inflation augmente d’un point par an, contrairement à l’optimisme affiché sur ce sujet par la loi de finances 2010. Ce n’est pas grave encore mais cela peut le devenir.
Dans ce registre du bilan, il est toujours utile de s’intéresser au regard extérieur porté sur notre pays et sur notre économie. On savait déjà qu’il était en général, pour des raisons diverses, peu favorable. Mais on vient d’apprendre autre chose : celui de ceux dont on peut considérer qu’ils ne nous sont pas hostiles peut l’être aussi. Ainsi, la “réflexion” publiée dans le supplément Le plus du numéro 2582 de l’hebdomadaire Jeune Afrique, consacré au Paradoxe algérien est particulièrement édifiante à ce sujet. J’y ai trouvé cette chronique intitulée “Pourquoi Hanoi et Kuala Lumpur ont laissé Alger à la traîne” à la fois discutable sur le fond et inappropriée dans la forme.
Discutable sur le fond, car on peut rétorquer à celui qui commence par dire que “l’économie algérienne fait du surplace” que sur la décennie plus significative d’avant la crise (1997-2006) le PIB de l’Algérie a été en moyenne de 3,9% (et non de 3%) alors que celui de la Malaisie avec 4,2% a été équivalent en moyenne au cours de la même période (et non le double). Hors hydrocarbures les scores de l’Algérie sont meilleurs. Si l’auteur en question souhaite vérifier mes données, il pourra se reporter aux travaux du Centre français d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) publiés aux éditions La Découverte sous le titre
“L’économie mondiale 2008”. Enfin, quand, parlant de l’avenir, il fait sien l’objectif de 6% pour la Malaisie sur la base d’un plan quinquennal lancé en juin 2010 tout en prévoyant un score médiocre de 3% pour l’Algérie, qui avait lancé son plan quinquennal en janvier 2010, il y a au moins sujet à débat. Car dès lors, on n’est plus dans le champ de l’analyse économique mais dans celui de l’idéologie.
Inappropriée dans la forme, parce que s’agissant d’un supplément payé (partiellement) par la publicité d’entreprises algériennes souhaitant améliorer l’image du pays pour développer leurs affaires, on ne peut concevoir d’y inclure un papier portant une analyse comparative discutable “à corruption égale dans les trois pays”. Tout cela pour aboutir au fait que l’auteur juge, libre à lui, l’ouverture de l’Algérie insuffisante. Mais, si les Algériens savent qu’ils doivent améliorer leur image à l’extérieur, ils n’iront quand même pas jusqu’à accepter, pour ce faire, de devenir masochistes.