En référence aux "stress tests" auxquelles ont été soumises quatre vingt et onze banques européennes pour mesurer leur résistance aux tensions des marchés financiers, les marchés algériens de biens alimentaires sont soumis annuellement, pendant le mois de Ramadan, à des chocs de même intensité dont il faudra bien, un jour, en tirer des leçons. Pour d'autres raisons (sécheresse et canicule exceptionnelle), la Russie devra faire face, elle aussi, mais pour septembre 2010, à des envolées des prix des biens alimentaires qui aggraveront une inflation déjà forte. A cet effet, ce pays a mis au point un mécanisme de régulation du marché qui peut être intéressant pour nous en termes d'expérience. Ce mécanisme prévoit le plafonnement des prix d'une liste de vingt quatre produits (farine, viande, lait, poulet, œufs, sucre etc.), dès lors que le prix de détail augmenterait de 30% en un mois. Il convient de préciser que ce plafonnement se met en place pour le trimestre suivant le mois considéré. En contre partie, pour conserver une image libérale opposable au reste du monde (surtout occidental), la Russie a décidé de vendre pour 29 milliards de dollars d'actifs. Cela lui servira au passage à financer la réduction de son déficit budgétaire à 4% en 2011, 3% en 2012 et 2% en 2013. Mais il ne s'agit, en vérité, que d'une ouverture limitée du capital de groupes publics pétroliers et bancaires notamment sur la base de deux scénarii : l'un à hauteur de 49% (ministère des finances) et l'autre à hauteur de 25%(ministère du développement économique). A titre comparatif, rappelons que certains milieux, concernant l'Algérie, avaient considéré que, même à 49%, le niveau d'ouverture du capital des entreprises publiques restait insuffisant. Libre à eux. Mais pour d'autres cela n'a pas constitué une contrainte. La comparaison avec la Russie s'arrêtera là, car cette dernière produit, avec 61 millions de tonnes, dix fois plus de céréales que l'Algérie. Il n'empêche que l'Algérie qui a pour le moment des difficultés à aligner deux victoires consécutives en football, n'importera pas de céréales pour la deuxième année consécutive en raison d'une production nationale exceptionnelle de 6,1 millions de tonnes, selon le directeur général de l'OAIC, Noureddine Kahal. Ceci expliquant cela, une taxe sera mise en place dans la loi des finances complémentaire 2010 (LFC 2010) pour décourager les importations de céréales. Pour rester dans le registre de l'organisation des marchés pendant le mois de Ramadan, on a fini, à la longue, par s'apercevoir que les tensions ne duraient que la première semaine et portaient sur un nombre réduit de produits identifiés. Cela explique, entre autres, pourquoi, malgré la baisse sensible de 27,47 % des importations de viandes durant le premier semestre 2010 (66,97 millions $ contre 91, 32 millions $ le premier semestre 2009), neuf "dérogations sanitaires" ont été données pour importer, début août pour le Ramadan, de la viande bovine indienne désossée et congelée. Si la "sensibilisation" des acteurs du marché avait été "un moyen extrêmement efficace", pour reprendre les termes du ministre du commerce, cette dernière aurait suffit pour réguler les marchés. En vérité c'est de la capacité de l'Etat à faire appliquer les deux récentes lois sur les pratiques commerciales et la concurrence dont il est en question, sachant par exemple l'inaction qui avait caractérisé l'ancien Conseil national de la concurrence, crée aussi par la loi. De toute manière l'année 2014 va vite arriver; on verra si, d'ici là, les sept mille agents de contrôle des pratiques commerciales seront bien sélectionnés, bien formés et opérationnels pour les faire appliquer. En attendant les résultats d'un deuxième test décisif seront connus plus tôt : la fin du premier semestre 2011. Ils porteront directement sur un objectif intermédiaire stratégique des pouvoirs publics dans leur politique de réduction des marchés informels et des pratiques commerciales illicites. Il s'agit de l'obligation de payer par chèque ou carte de crédit toute transaction commerciale supérieure à cinq cent mille dinars. Il faut rappeler dans ce cadre l'abandon dans un passé récent de l'obligation faite de payer par chèque toute transaction commerciale supérieure à cinquante mille dinars. C'est une affaire à suivre au moins sur trois points qui me viennent à l'esprit. D'abord le positionnement formel et opérationnel des organisations patronales qui ont toujours considéré l'extension de la sphère informelle comme contrainte majeure à l'émergence d'un secteur privé puissant et conquérant. Ensuite les conditions du suivi de l'application de la mesure sur le terrain par exemple dans des segments de marché faiblement formalisés: marché de gros des fruits et légumes, marché des cheptels ovin et bovin, marché de voitures d'occasion. Enfin la réaction des consommateurs concernés par l'exigence de l'affichage et le recours au chèque comme seul moyen de règlement de leur transaction quand elle dépasse cinq cent mille dinars. Sur ce terrain de l'assainissement et de l'organisation des marchés s'engage une bataille majeure: celle de la capacité de l'Etat à maintenir un cap de modernité et de transparence en matière de réformes économiques en dépit du poids des différents lobbies internes et des tropismes sociaux. Pour une fois le reste du monde ne sera pour rien dans notre réussite ou dans notre échec. En attendant bonnes vacances et bon ramadan pour tous.
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