Le juge dâinstruction, chargĂ© du dossier de lâaffaire de lâassassinat de Ali Tounsi, avait rejetĂ© la demande de la dĂ©fense de la partie civile concernant lâaudition de lâex-ministre de lâIntĂ©rieur, Noureddine Yazid Zerhouni.
Le magistrat avait justifiĂ© cette dĂ©cision par le fait que âZerhouni nâa aucun lien avec lâaffaireâ. Câest ce quâa rĂ©vĂ©lĂ© hier Me Bourayou Khaled, lâavocat de la partie civile (la famille Tounsi), lors dâune confĂ©rence de presse Ă Alger. Et dâajouter : âZerhouni se serait prĂ©sentĂ© sâil avait Ă©tĂ© convoquĂ©â.
âJâen suis persuadĂ©â, dira lâavocat, arguant du fait que lâex-ministre de lâIntĂ©rieur avait dĂ©clarĂ© officiellement âquâil Ă©tait disponible pour tĂ©moignerâ.
âMais on est devant une justice de puissants et il y a une volontĂ© de fermer le dossier sans que toute la vĂ©ritĂ© ne soit dĂ©voilĂ©eâ, a regrettĂ© Me Bourayou. Le rĂŽle du ministĂšre de la Justice a Ă©tĂ© Ă©cartĂ©, selon lui. âNous regrettons que la justice soit restĂ©e muette, il y a une volontĂ© de rĂ©duire lâaffaire Ă deux personnes, il y aura toujours des zones dâombre et cela nâhonore pas la justice qui a ratĂ© sa sortie dans les grands procĂšsâ. Me Bourayou a Ă©galement prĂ©cisĂ© que le juge dâinstruction a aussi rejetĂ© la demande de la partie civile concernant la convocation de plusieurs cadres de la DGSN en lâoccurrence le directeur de la Police judiciaire qui assure actuellement lâintĂ©rim du DGSN, le directeur des renseignements gĂ©nĂ©raux, et aussi le secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du ministĂšre de lâIntĂ©rieur. âCes demandes ont Ă©tĂ© rejetĂ©es pour des causes qui nâĂ©taient pas convaincantesâ, affirmera le confĂ©rencier.
La justice veut Ă©touffer lâaffaire
Lâavocat est longuement revenu sur lâaffaire Tounsi assassinĂ© dans son bureau le 25 fĂ©vrier dernier en affirmant quâil sâagit dâabord de chercher la vĂ©ritĂ© et le mobile de lâassassinat. Mais force est de constater que cet objectif que doit sâassigner la justice est loin dâĂȘtre atteint. Bien plus encore, dira Me Bourayou, âil y a une volontĂ© de fermer ce dossier sensibleâ. Et Ă la question : câest par qui ? Lâavocat rĂ©plique : âJe nâaccuse personne, mais on veut limiter le crime Ă deux parties, lâassassin et la victime. Le colonel Oultache est bien lâassassin mais il nâa pas dit toute la vĂ©ritĂ©â.
Me Fatma ChnaĂŻf, membre aussi de la dĂ©fense de la partie civile, a relevĂ© de son cĂŽtĂ© les contradictions dans les dĂ©clarations de Oultache qui avait affirmĂ© dans un premier temps quâil a tirĂ© 2 balles sur le dĂ©funt Tounsi et que ce dernier nâĂ©tait pas âarmĂ©â dâun coupe-papier avant quâil se rĂ©tracte et avoue avoir tirĂ© 4 balles sur le DGSN.
Selon des dĂ©clarations rapportĂ©es par la presse, Oultache aurait prĂ©tendu avoir entendu une voix dire : âAchevez les tous les deuxâ, mais les avocats de la dĂ©fense affirment que cela ne correspond pas aux Ă©lĂ©ments contenus dans le dossier.
Me Bourayou revient aussi sur les faits le jour de lâassassinat tout en commentant le communiquĂ© officiel du ministĂšre de lâIntĂ©rieur publiĂ© 4 heures aprĂšs le crime. âLe communiquĂ© a portĂ© un jugement sur lâĂ©tat mental du prĂ©sumĂ© assassin alors quâil nây avait ni rapport psychiatrique ni aucune preuve sur sa dĂ©menceâ, a encore ajoutĂ© Bourayou.
De mĂȘme quâil a contestĂ© la dĂ©claration de Zerhouni qui a parlĂ© dâun conflit personnel, âalors que lâaffaire Ă©tait en instructionâ. Me Bourayou est revenu Ă la charge en abordant le rejet par la justice de lâaudition de lâex-ministre de lâIntĂ©rieur. âJe remarque quâĂ chaque fois quâon demande lâaudition dâun ministre, la justice refuse. On ne comprend pas ce zĂšle de la justice. Je le dis et je le redis, on veut limiter lâaffaire Ă deux personnes alors que câest un crime dâĂ©tat, ce nâest pas un crime banalâ, soulignera avec force lâavocat.
Pour lui, lâaudition de quelques ministres dans lâaffaire Khalifa servait Ă crĂ©dibiliser les hautes autoritĂ©s.
On ne connaĂźt toujours pas le mobile de lâassassinat de Tounsi
InterrogĂ© sur le mobile du crime, lâavocat a indiquĂ© quââon ne tire pas sur un homme Ă cause du report dâune rĂ©unionâ. Oultache aurait dĂ©clarĂ© que le refus du dĂ©funt DGSN de reporter la rĂ©union lâa mis dans un Ă©tat de colĂšre, ce qui lâa poussĂ© Ă sortir son arme et tirer sur son chef ! Le juge dâinstruction devait travailler sur les circonstances de lâassassinat commis dans un contexte sensible, explique Me Bourayou dâautant que lâĂ©tĂ© 2009 a Ă©tĂ© marquĂ© par un malentendu entre le dĂ©funt DGSN et le ministre de lâIntĂ©rieur. âOn ne croit pas Ă la thĂšse du complot et le communiquĂ© du 25 fĂ©vrier du ministĂšre de lâIntĂ©rieur sâinscrit dans le souci dâĂ©carter cette thĂšseâ, dira Me Bourayou. Pour ce dernier, le magistrat devait Ă©largir lâenquĂȘte sur la transaction qui peut ĂȘtre une des causes du crime. âMais Ă ce jour, on ne connaĂźt pas la vĂ©ritĂ© et lâenquĂȘte ne lâa pas cherchĂ©eâ, dĂ©clare-t-il.
La reconstitution des faits a Ă©tĂ© marquĂ©e par des insuffisances dâautant quâOultache a Ă©tĂ© auditionnĂ© sur la procĂ©dure et pas sur le fond. âSes dĂ©clarations nâont pas Ă©tĂ© mentionnĂ©es sur le PV sur-le-champ alors que le greffier Ă©tait prĂ©sentâ, fera remarquer de son cĂŽtĂ© me ChnaĂŻf.
âIl y a quelque chose derriĂšre cet assassinatâ, dira-t-elle, avant dâajouter que lâinstruction nâa pas Ă©tĂ© complĂšte. âOn nâa pas mentionnĂ© le timingâ, on ignore quand Oultache est sorti du bureau du dĂ©funt, ni combien de temps il est restĂ© avec lui. âLe timing est important dâautant que Oultache serait restĂ© dans le bureau aprĂšs lâassassinat. Le timing peut ĂȘtre dâune grande signification dans le pourquoi de lâacteâ, affirmera-t-elle.
Tounsi assis et désarmé a été assassiné par deux balles
Le dĂ©funt Tounsi a Ă©tĂ© assassinĂ© par 2 balles, confirme Me ChnaĂŻf selon le rapport de lâautopsie et lâexpertise de la chemise du dĂ©funt. Il a Ă©tĂ© touchĂ© Ă la joue par une balle qui a glissĂ© jusquâau thorax et une autre sur le visage. Il Ă©tait assis au moment du crime et ne sâattendait pas au geste de lâaccusĂ© qui est âson homme de confianceâ. Oultache a dĂ©clarĂ© 3 fois dans un PV signĂ© le 11 mars dernier quâil a tirĂ© 2 balles et quâil Ă©tait conscient avant quâil ne revienne sur ses premiĂšres dĂ©clarations le 26 mai en dĂ©clarant Ă nouveau avoir tirĂ© 4 balles, alors que tous les rapports confirment que le dĂ©funt a Ă©tĂ© atteint par 2 balles.
Les dĂ©clarations dâOultache ont Ă©tĂ© contestĂ©es par sa femme et son entourage qui ont affirmĂ© quââil ne portait jamais dâarmeâ. Ce qui prouve la thĂšse de prĂ©mĂ©ditation de son acte.
Le pistolet a Ă©tĂ© bloquĂ© aprĂšs les 2 balles tirĂ©es, selon le rapport de lâexpertise balistique, qui a confirmĂ© que 4 balles restantes ont Ă©tĂ© bloquĂ©es dans lâarme. Oultache avait dĂ©clarĂ© quâil nâa pas utilisĂ© cette arme depuis lâannĂ©e 2004.
Les enquĂȘteurs ont saisi le coupe-papier qui Ă©tait tordu âce qui est sĂ»r, câest quâil nâa pas Ă©tĂ© tordu par le dĂ©funtâ, affirme notre interlocuteur, avant de sâinterroger : âEst-ce-que Oultache Ă©tait au courant des articles de presse qui ont rapportĂ© que le dĂ©funt aurait provoquĂ© lâassassin en lâagressant par ce moyen ?â Le rapport de lâenquĂȘte judiciaire a affirmĂ© que la justice a utilisĂ© tous les moyens. Ce qui a suscitĂ© lâire des avocats de la dĂ©fense qui sâinterrogent sur âces moyensâ devant tant dâinsuffisances. âOn ne cherche pas la justice qui prĂ©serve lâordre mais celle qui cherche la vĂ©ritĂ© !â, ont-ils conclu.