Pour les habitants, comme pour les manifestants, cette explosion de violence est le fruit du profond malaise social qui touche la population.
Y aurait-il un effet “boule de neige” suite aux émeutes qui se sont produites ce mardi à Tipasa et Alger, provoquées par des jeunes qui, dans la rue, ont ainsi exprimé le malaise social des Algériens ?
Tout porte à le croire car, hier après-midi, des protestations identiques ont également éclaté dans maints quartiers d’Oran, avant de s’étendre par la suite au centre-ville. Il était un peu plus de 14h au quartier populaire dit Petit-lac, lorsque des groupes de jeunes adolescents, dont certains, nous dit-on, étaient venus du quartier limitrophe d’El-Hamri, ont bloqué la principale avenue menant au complexe du manège municipal. Rapidement, la chaussée sera recouverte de pneus qui seront incendiés, de blocs de pierre et autres objets hétéroclites empêchant tous les véhicules de passer. À coups de pierres, les jeunes manifestants s’en prirent à certains automobilistes et au mobilier urbain.
Des fenêtres des immeubles de la cité “les retraités”, les habitants du quartier suivaient la scène alors que d’autres sortaient de chez eux. Très rapidement, les forces de police sont arrivées sur les lieux et, avec les brigades anti-émeutes, ont tôt fait de disperser les manifestants qui se réfugiaient dans le dédale des rues de Petit-lac.
Pour les habitants, tout comme ces manifestants dont l’âge de nombre d’entre eux ne dépasse pas les 20 ans, cette explosion de violence est le fruit du profond malaise social qui touche la population oranaise.
Les dernières augmentations des prix des produits de large consommation, l’annonce d’autres augmentations à venir, le chômage, la hogra, le logement… tout cela a provoqué aujourd’hui un ras-le-bol. “Trop, c’est trop ! tout est encore plus cher, on n’a pas de travail, ont vit à 15 dans des taudis délabrés et, à côté, vous avez une minorité qui jongle avec des milliards”, lâche un jeune. “Que dire du père de famille qui n’a qu’un salaire de misère ? Ou de la veuve d’un moudjahid qui vit dans un haouch qui tombe en ruines, et qui est infesté par les rats ?”, s’interroge Mohamed. Alors que les choses semblaient se calmer dans ce quartier, des informations faisaient état de manifestations identiques touchant plusieurs autres quartiers comme St-Pierre, le Plateau où des slogans hostiles sont lancés aux gouvernants.
En milieu d’après-midi, c’est le centre-ville d’Oran qui, à son tour, est touché par des manifestations provoquant un mouvement de panique chez les passants et les commerçants. Ces derniers se pressent et baissent leur rideau. En un laps de temps, les gens se mettent à courir de partout pour se mettre à l’abri ou rentrer chez eux. Les rues Larbi-Ben-M’hidi et Khemisti sont barricadées de pneus et de pierres.
Les véhicules, pris pour cibles, font demi-tour quand ils le peuvent. Par groupes de 10 ou 20, des jeunes vont ainsi s’emparer des rues et du centre-ville, certains vont se rendre au front-de-Mer et caillasser le siège de la daïra au moment même où le chef de daïra d’Oran se trouvait au quartier Petit-lac en compagnie du P/APC. En ville, des renforts de police importants sont mobilisés pour dévier la circulation, dans un premier temps, avant de faire face aux manifestants et aux barricades. À la rue Larbi-Ben-M’hidi, des bandes de contestataires se sont armés de barres de fer, de couteaux et de sabres et les agitent en direction des policiers. Discrètement, les emplacements stratégiques de la ville sont placés sous la protection renforcée des forces de l’ordre.
À l’heure où nous mettons sous presse, la sûreté de wilaya se refusait à nous donner le moindre bilan des arrestations et des blessés qui, nous dit-on de façon informelle, sont à dénombrer des deux côtés. En ville, le face-à-face entre des jeunes et les brigades anti-émeutes s’est poursuivi jusqu’à une heure tardive de la journée. Telle une traînée de poudre, l’annonce de ces manifestations aux quatre coins d’Oran a fait naître une tension extrême et provoquer même des mouvements de panique. Des parents affolés voulant récupérer leurs enfants de l’école quittaient leur lieu de travail précipitamment. Cela faisait plusieurs semaines qu’un climat tendu était perceptible dans les quartiers d’Oran, un climat qui touche, du reste, toute la société.