George W. Bush veut attendre le « jugement de l’Histoire »

05/01/2009 20:00

George W. Bush veut attendre le « jugement de l’Histoire »



Dans deux semaines,le président Bush quittera la Maison-Blanche après un second mandat difficile.Alors que les Américains évaluent sévèrement son bilan, ses partisans estiment que l’Histoire le jugera mieux que ses contemporains


George W. Bush adresse un salut aux journalistes, à la Maison-Blanche, le 1er janvier dernier (photo Ceneta/AP).  

Il y a quatre ans, George W. Bush savourait son succès. Il avait réussi là où son père avait échoué et s’apprêtait à commencer son second mandat à la Maison-Blanche. Sa réélection en novembre avait été nette – 3,5 millions de voix d’avance sur le démocrate John Kerry – pour un triomphe couronné par une majorité républicaine encore accrue au Congrès.

« J’ai gagné un capital politique et j’ai bien l’intention de le dépenser », lançait-il peu après sa victoire, annonçant de profondes réformes (immigration, privatisation partielle de la retraite publique, etc). Un agenda ambitieux qui ne verra pourtant jamais le jour : le bourbier irakien et la gestion catastrophique de l’ouragan Katrina, à l’été 2005, ont eu raison de ce capital, dilapidé.

Des Américains en colère

La victoire aura été sans lendemain et ce second mandat, qui s’achève sur l’effondrement de Wall Street et sur l’embrasement à Gaza, laisse un goût très amer.

Aujourd’hui, alors que les Bush s’apprêtent à quitter la Maison-Blanche le 20 janvier prochain, le regard des Américains sur le président sortant est particulièrement sévère : ils ne sont qu’à peine 25 % à juger son action positive, un des plus mauvais scores pour un chef d’État américain sur le point de quitter le bureau ovale. À titre de comparaison, 66 % de la population approuvait l’action de Bill Clinton fin 2000.

Certaines images sont toujours très présentes dans l’opinion publique. « Ah, ça, pour débarquer sur un porte-avions et clamer la victoire en Irak, comme dans un mauvais remake de Top Gun, il était fort ! lâche Marie, chef de projet dans une PME de traduction en Californie. Mais venir au secours des sinistrés de La Nouvelle-Orléans, c’était moins paillettes. »

Même colère chez Kevin, étudiant de 23 ans en sciences de la nature à Humble, dans le nord de la Californie, qui retient surtout les dérives de la lutte contre le terrorisme : « J’ai voté la première fois en 2004… mais pas pour Bush, explique-t-il.

Les attentats du 11-Septembre m’avaient ouvert les yeux. Je me souviens de sa première réaction, hagarde et pétrifiée. Mais, d’une certaine façon, grâce à lui, je me suis plus intéressé à la politique lorsqu’il a touché aux droits des personnes avec le Patriot Act. J’ai compris que vivre dans la peur empêche de réfléchir. »

Quelques fidèles

Le président garde malgré tout des fidèles, comme Jaye, infirmière originaire du Minnesota, « un État conservateur, où l’on connaît la valeur du travail ».

Elle a voté pour lui aussi bien en 2000 qu’en 2004, et s’en félicite toujours, car « il a tenu ses promesses, à commencer par tailler dans les programmes sociaux qui ne sont que des encouragements à ne pas travailler. Je regrette aussi qu’il n’ait pas pu réaliser plus de choses. Le Congrès démocrate a empêché qu’il aille au bout de ses bonnes idées. »

Jaye évoque les attentats du 11-Septembre : « Ses intentions étaient honorables. Conseiller aux gens de continuer à faire du shopping, c’était une façon de dire : “La vie continue, prenons soin de nous.” » La guerre en Irak ? « On ne pouvait quand même pas rester sans rien faire ! La liberté n’est pas gratuite, et en plus, on a aidé les Irakiens. »

Des républicains déçus

Mais même des républicains de longue date ont fini par lâcher George Bush. À l’image de Maggie, 62 ans, suffisamment déçue pour avoir franchi le pas le 4 novembre dernier en votant démocrate. De passage en Californie, cette Texane, veuve depuis deux ans, ne pardonne ni « le grossier mensonge des armes de destruction massive avancé pour attaquer l’Irak », ni surtout la crise économique qui lui a fait perdre près de 40 % de ses économies…

La crise du subprime, l’effondrement de Wall Street et la menace d’une nouvelle « Grande Dépression », comme en 1929, ont porté le coup de grâce à la popularité de l’ancien gouverneur du Texas.

Selon un sondage CNN publié fin décembre, 28 % des Américains estiment même qu’il serait le pire président de l’histoire des États-Unis. Dans cette enquête, tous les chiffres sont accablants : le président Bush « n’est pas honnête » (62 % des personnes interrogées), « ne se soucie pas des Américains » (62 %) et « n’inspire pas confiance » (80 %). Il recueille son meilleur score – un timide 49 % – à la question : « Était-il assez dur pour cette fonction ? »

Le camp Bush défend le bilan de cette présidence

Confronté à ces sondages sans équivoque, le camp Bush monte au créneau depuis plusieurs semaines pour défendre le bilan du président. Pour son épouse Laura comme pour sa secrétaire d’État Condoleezza Rice, George W. Bush a su prendre des décisions difficiles, parfois impopulaires, et il est bien trop tôt pour en mesurer toutes les conséquences.

À leurs yeux, l’Histoire le jugera avec bien plus de bienveillance que ses contemporains. « Les prochaines générations vont commencer à remercier ce président pour ce qu’il a fait, a assuré la chef de la diplomatie américaine, fin décembre.

Quand vous regardez ce que ce président a fait en termes d’aide à la lutte contre le Sida ou, généralement, d’assistance aux pays étrangers, quand vous regardez le nombre de pays et de gens qu’il a en fait libérés… Vous savez, cette administration sera jugée bonne et je vais attendre le jugement de l’Histoire, pas celui des titres de la presse. »

D'autres exemples dans le passé

Pour appuyer son plaidoyer, l’entourage du président appelle à la rescousse un président démocrate : Harry Truman, successeur de Franklin Delano Roosevelt, avait en effet quitté la Maison-Blanche en 1953 avec un taux d’impopularité voisin de celui de George W. Bush, avant de retrouver un second souffle par la suite.

Il figure désormais en bonne position dans le classement des présidents américains aussi bien que dans les travaux des historiens, qui saluent son attitude de fermeté au début de la guerre froide et l’importance du plan Marshall pour la reconstruction de l’Europe dévastée par la guerre.

C’est à ce destin qu’aspire l’administration Bush, mettant en avant la détermination manifestée dans la lutte contre le terrorisme et l’islamisme radical et pour la promotion de la démocratie. «L’Afghanistan et l’Irak ont l’occasion de construire de réelles démocraties où les droits des personnes seront respectés, a déclaré après Noël Laura Bush. S’ils ont cette possibilité, ces deux pays le doivent avant tout aux États-Unis, et à leurs efforts pour libérer l’Afghanistan des talibans et l’Irak de la tyrannie de Saddam Hussein. »

En attendant le recul de l’Histoire, le président le plus mal élu lors de son premier mandat – il avait reçu moins de votes qu’Al Gore – quittera la Maison-Blanche en étant le plus mal noté par ces compatriotes.



Gilles BIASSETTE avec FLORE GEFFROY à San Diego

http://www.la-croix.com/article/index.jsp?docId=2361406&rubId=1094



06/01/2009
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