Actualités : INSTITUTION DU WEEK-END SEMI-UNIVERSEL La prime à l’économie
Le Conseil des ministres, réuni le mardi 21 juillet, a institué un réaménagement des jours de repos hebdomadaire. A compter du 14 août prochain, les fins de semaine (week-end) seront vendredi et samedi au lieu des jeudi et vendredi. La décision, qui ne peut qu’être profitable à l’économie nationale, débarrassera-t-elle, à la longue, le vécu politique de la sédimentation sclérosant l’émancipation démocratique et favorisant la germination de l’intégrisme ?
Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Incontestablement, la raison économique a motivé le réaménagement ainsi décidé du week-end. L’Algérie, qui institua à partir de 1976 les jeudi et vendredi comme jours de repos hebdomadaire, a eu plus à perdre qu’à gagner d’avoir décalé son week-end par rapport au week-end universel. Ceci même si à la fin des années 1970, en pleine effervescence populiste, les gouvernants et les organisations de masse, toutes satellites du pouvoir en place, étaient peu soucieux d’évaluer les pertes. Mais avec les évolutions des contextes économiques et l’accroissement du volume des échanges avec les partenaires étrangers, notamment occidentaux, il devenait difficile de ne pas prendre la mesure du manque à gagner. La Société financière internationale (SFI), filiale de la Banque mondiale, a noté que le maintien du week-end pour les jeudi et vendredi coûtait à l’Algérie entre 500 et 700 millions de dollars par an. Une réalité que le gouvernement algérien n’ignorait pas. Mais pour réagir, il lui fallait d’abord vaincre sa frilosité politique. Ce qui n’est pas chose aisée pour un gouvernement et un pouvoir politique qui vivent de la concession toujours renouvelée à l’islamisme. Que d’experts nationaux et de partis politiques ont eu à suggérer, voire revendiquer, un retour au week-en duniversel. En vain. En dépit des exposés des motifs tout ce qu’il y a de plus valables et des arguments imparables qu’ils ont eu à présenter, le pouvoir a continué à faire la sourde oreille. Quitte à cumuler au fil des années des manques à gagner se chiffrant en milliards de dollars, l’Algérie a maintenu à se singulariser avec la Libye et l’Arabie saoudite par son week-end les jeudi et vendredi. Le pouvoir, qui file le parfait amour avec les islamistes, n’aurait peut-être pas réaménagé les jours du repos hebdomadaire comme dans une accession à une doléance politique dument formulée par un parti. Justement parce que l’abandon en 1976 du week-end universel au profit du week-end, disons, «islamique», a procédé d’une motivation politique : marquer la dissemblance avec l’ancien colonisateur et, partant, l’Occident auquel il appartient, mais aussi caresser dans le sens du poil de la barbe l’islamisme à l’époque rampant. Aussi il aura fallu que la nécessité économique émerge puissamment pour que le week-end semiuniversel advienne. En effet, des multinationales établies en Algérie avaient pris sur elles d’aménager à convenance — rentabilité exige — les jours de repos hebdomadaire. En la matière, ArcelorMittal fait figure de pionner, puisque dès 2007, le métallurgiste indien opta pour le week-end semi-universel. Des entreprises comme les Nouvelles conserveries algériennes, Siemens Algérie et Peugeot Algérie lui emboîtèrent le pas. C’est cette démarcation attendue plus large du monde économique du week-end officiel qui aurait dicté au pouvoir d’instituer le week-end semi-universel. Autrement dit, de s’aligner sur les initiatives déjà prises par ArcellorMettal et autres. Tant mieux que cela soit advenu. Avec un retour au week-end universel, la Banque mondiale prédit une croissance de 1,2% du PIB. Et le profit politique ? Si la décision d’instituer le week-end semi-universel réparera sans nul doute les préjudices économiques générés par un week-end jeudi et vendredi, il conviendrait, cependant, d’observer les éventuels profits collatéraux qu’elle induirait. Il est fort à parier que les islamistes, gravitant dans le giron du pouvoir ou prêchant dans les steppes de l’opposition, apprécieraient mal cette «audace» du Conseil des ministres. Surtout s’ils viendraient à soupçonner que la décision prise comme une étape de franchie vers l’instauration du week-end universel. Car tant que le vendredi, jour de prière, reste un jour de repos hebdomadaire, l’institution du week-end semi-universel n’égratigne pas tant leur sensibilité et conviction religieuse. Sauf, peut-être, en ce que désormais le vendredi ne sera pas synonyme de cloisonnement chez soi. L’animation, politique et culturelle, des jeudis soirs sera inéluctablement transférée à vendredi. Les gens vont réapprendre à vivre et sortir ce jour jusque-là dédié principalement à la prière. Ça prendra peut-être du temps mais de nouvelles mœurs sociales finiront bien par disposer d’un droit de cité et, avec, des inductions politiques nombreuses. Pour peu que les volontés soient là pour maintenir imprimée cette dynamique. S. A. I.
Des agendas à revoir Le passage dès le 14 août au week-end semi-universel ne se fera pas sans quelques désagréments pour les citoyens et les administrations. Tous les rendez-vous pris et les programmes établis pour les samedis d’après le 14 août seront nécessairement revus, rapprochés, décalés ou carrément annulés. Du boulot en perspective. On peut même dire que le compte à rebours a commencé. Il reste seulement à savoir si une vingtaine de jours est suffisante pour la révision des plannings des rendez-vous. S. A. I.
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