JEUDI 13 août 2009:Le casse-tête chinois en Algérie
JEUDI 13 août, 225e jour de l'année
COMBIEN SONT-ILS? DANS QUEL CADRE ACTIVENT-ILS? SONT-ILS EN SITUATION RÉGULÈRE?
Le casse-tête chinois en Algérie
13 Août 2009 - Page : 3
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Des responsables à la tête des hautes institutions de l’Etat ne peuvent et/ou ne veulent apporter de réponses à des questions qui suscitent les interrogations de l’opinion publique algérienne.
C’est un véritable mystère. Les «commerçants chinois» activent-ils dans le cadre de la loi en Algérie? A la première lecture, cette question peut paraître banale. Et pourtant...Pour preuve: les institutions de l’Etat se posent la même question, sans pouvoir trouver de réponse. Les ministères des Affaires étrangères, du Commerce, de l’Intérieur et des Collectivités locales se refilent la patate chaude. Venus activer dans des secteurs bien spécifiques, le bâtiment et les travaux publics, les Chinois se sont reconvertis dans le commerce. Comment ont-ils réussi cette transition? Ils occupent des magasins luxueux. Ils louent des boutiques pour de longues durées. Ils ont investi l’informel. Quelques uns sont titulaires de registres du commerce.
Les accords signés entre les deux Etats autorisent-ils les ressortissants chinois à résider en Algérie une fois leur mission terminée? Dans quel cadre juridique activent-ils? Au ministère des Affaires étrangères, la question reste posée. Une source du département de Mourad Medelci a affirmé à L’Expression que les Chinois sont venus en Algérie «dans un cadre très bien organisé et nous ne leur avons pas octroyé de visas dans le cadre des opérations commerciales». Selon notre source, les Chinois n’ont eu droit qu’à des visas de trois à six mois avec pour condition de regagner leur pays, une fois leurs visas arrivés à terme. Les services consulaires algériens en Chine ont imposé un système de rotation aux ouvriers chinois «importés» par les entreprises chinoises activant en Algérie. «Un système de relève a été prévu. C’est-à-dire, que les entreprises chinoises en Algérie renouvellent leur personnel tous les trois et/ou six mois», a déclaré notre source, qui a préféré s’exprimer sous l’anonymat. Ainsi, tous les ouvriers chinois qui sont venus dans ce cadre «bien organisé» ont-ils tous regagné leur pays? Au ministère des Affaires étrangères, on est sans réponse. «Franchement, on n’en sait rien. On s’étonne de voir aujourd’hui leur (les Chinois, Ndlr), nombre s’accroître de plus en plus.» Mieux encore, le même vis-à-vis s’interroge à son tour: «Comment ont-ils réussi à avoir les regroupements familiaux?» Et de s’intriguer: «Franchement, je n’en sais rien.» Et de préciser: «Notre mission s’achève une fois les étrangers sont entrés sur le sol algérien. Ensuite, ce n’est plus notre mission, mais celle du ministère de l’Intérieur.» A défaut d’avoir des informations sur les Chinois au niveau national, L’Expression a pris attache avec la wilaya d’Alger.
La loi de l’omerta
Après plusieurs tentatives vaines, le Bureau des étrangers de la wilaya nous oriente vers la cellule presse de la wilaya. Une dame, au niveau de cette institution, n’était pas en mesure de nous répondre. «Il faut nous envoyer une demande officielle au nom du chef de cabinet pour pouvoir vous donner les informations supplémentaires», a-t-elle déclaré. 24 heures après, aucune information. «Les responsables sont en réunion. Il faut patienter encore pour donner suite à votre demande», répète encore la même dame qui disparaît le lendemain de son bureau. Un autre responsable nous oriente vers la Drag (Direction de la réglementation des affaires générales). Le Drag étant en congé, l’intérimaire n’étant pas disponible, on reste dans notre ignorance. C’est la fuite en avant des responsables. «Nous ne sommes pas habilités à vous fournir des informations autorisées. Je suis désolé, mais je ne peux rien vous dire sur le sujet en question», s’est excusé un employé au bureau des étrangers de la wilaya d’Alger. Devant notre insistance, un autre employé du même service répond clairement: «Vous avez touché à un sujet sensible. Je ne pense pas que vous ayez des informations sur cette question.» Le sujet est sensible mais toutes les portes restent fermées. Les collectivités locales ne donnent aucune information. Le service de communication ne communique pas et le bureau est déserté. Une langue se délie. Contacté, M.Bouzerara Karim, chef de bureau du contrôle des pratiques commerciales à la direction du commerce de la wilaya, a bien voulu apporter quelques précisions. «Parmi les 600 commerçants chinois recensés à Alger, la grande majorité n’est pas titulaire de carte professionnelle de commerçant étranger», a-t-il affirmé. Et d’ajouter: «Une fois inscrits sur le fichier des commerçants, les Chinois ne déposent plus de dossier afin de récupérer cette carte de commerçant étranger.» Pourtant, la législation algérienne oblige tout commerçant étranger à être titulaire de cette carte, mais sans prévoir de sanction à tout contrevenant, dira M.Bouzerara. Ce dernier révèle que la loi n’oblige pas les étrangers à fournir une carte de séjour pour obtenir un registre du commerce. «La faille existe à ce niveau. Un étranger est soumis à la même réglementation qu’un Algérien», a-t-il expliqué. Le décret exécutif 03-453, du 01 décembre 2003, modifiant et complétant le décret exécutif 97-41 du 18 janvier 1997 relatif aux conditions d’inscription au registre du commerce n’oblige pas les étrangers à fournir des justificatifs concernant leur séjour en Algérie pour pouvoir obtenir un registre du commerce.
La réciprocité est-elle valable? Pour tirer au clair cette question, nous avons contacté le Centre national du registre du commerce (Cnrc). Le directeur est absent pour l’instant, nous informe sa secrétaire qui nous invite à rappeler. Mais une fois dévoilée notre identité et le but de notre mission, la même secrétaire trouve un moyen pour «se débarrasser de nous». Dans l’après-midi d’hier, nous avons tenté pour la énième fois de prendre attache avec le directeur du Cnrc. «Il est sorti et je ne pense pas qu’il soit là l’après-midi», soutient la secrétaire d’une voix monotone. Peut-on parler à son adjoint? «Il n’est pas-là, non-plus», rétorque-t-elle. Son intérimaire? «Nous n’avons pas d’intérimaire.» Plusieurs services, plusieurs responsables contactés sans la moindre réponse.
Certes, il n’est pas de notre ressort de remettre en cause la présence chinoise en Algérie qui, outre d’entrer dans le cadre de la coopération entre nos deux pays, est bénéfique autant pour l’Algérie que pour la Chine. Mais de comprendre un phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur d’autant que les Chinois constituent une communauté de plus de 40.000 personnes.
Tahar FATTANI
PRÉSENCE DES CHINOIS EN ALGÉRIE
BOUIRA
La discrétion est de mise
13 Août 2009 - Page : 2
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A l’instar des autres régions du pays, la main-d’oeuvre chinoise pour la réalisation de projets immobiliers et autoroutiers est omniprésente à Bouira. Au chef-lieu, c’est une entreprise asiatique qui s’est chargée de la construction de quelque 600 logements. Un autre grand groupe est installé à Lakhdaria, au lieu-dit Guergour où lui a été confiée l’édification d’un tronçon de l’autoroute
Est-Ouest. A leur arrivée sur le territoire national, les ouvriers chinois suscitaient la curiosité même chez les enfants qui regardaient, étonnés, ces petits hommes qui circulaient en groupe, ne parlaient à personne. Au marché hebdomadaire, les Chinois se distinguent par leur entêtement à marchander et tenter chaque fois de baisser les prix. Leur comportement énigmatique et différent de nos habitudes serait à l’origine de plusieurs clichés utilisés par la population. En plus d’être des mangeurs de chats, chiens, insectes, les Chinois sont pour beaucoup des «prisonniers» venus payer leur dette dans des chantiers. Dans leur base-vie, sise au milieu d’un quartier surpeuplé, ils s’occupent comme ils peuvent et il n’est pas rare de voir des ouvriers travailler à des heures tardives de la nuit. Pour la réalisation des gros oeuvres (dalles, poteaux...), ils utilisent des sonos qui émettent des chants patriotiques. Ce fait a poussé les riverains à se plaindre, une fois, auprès des autorités. La bonne qualité de leur travail fait l’unanimité auprès des citoyens. Aussi, n’hésitent-ils plus à se mêler à la société. Depuis quelque temps, les «Sinos», fréquentent, en groupe, les cafés et circulent en ville sans omettre de s’arrêter devant les vitrines. Cependant, ils n’achètent que rarement. Ils se contentent le plus souvent, d’étudier les prix et les coutumes vestimentaires des Algériens. Les commerçants voient d’un oeil sceptique toute acquisition au motif que c’est pour contrefaire l’article que les Chinois achètent. L’opinion des habitants de la cité des 140 Logts diffère entièrement puisque les riverains entretiennent d’excellentes relations avec ces étrangers. «Nous leur offrons de temps à autre du couscous, des mhadjeb, du sfendj...ils en raffolent», nous dira un citoyen. Pour leur part, ces Asiatiques tentent de donner une bonne image de leur pays quand l’occasion se présente. Ils ont même participé au dallage de la mosquée des 140 Logements, limitrophe de leur base-vie. Lors d’un mariage, la famille organisatrice de la fête a osé inviter les hôtes de l’Algérie. En venant à la fête, les Chinois se sont munis de cadeaux et ont offert au marié une centaine de caisses de limonade. Ces deux exemples laissent penser que l’isolement découle plus de la difficulté de la langue que d’une volonté délibérée de vivre en autarcie. Au bazar «Errahma», un stand de souliers est tenu par une Chinoise qui parle arabe et qui n’hésite pas à chausser ses clients. Du côté de Lakhdaria, le comportement est tout autre puisque par mesure de sécurité, les ouvriers chinois ne se déplacent que sous escorte. Ce fait les oblige à éviter la ville, les cafés, les marchés...
Abdenour MERZOUK
PRÉSENCE DES CHINOIS EN ALGÉRIE
BÉJAÏA
«Ils ont l’art du commerce»
13 Août 2009 - Page : 2
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Ils sont là depuis quatre ans. Leurs boutiques se distinguent des autres par des écriteaux qui ne sont pas habituels aux Béjaouis. Eux, ce sont les commerçants chinois. Ces investissements empruntent les voies de la politique des petits pas. Après une première expérience jugée satisfaisante, de nombreuses boutiques et échoppes chinoises ont ouvert.
Le secteur de la restauration n’était pas en reste puisque l’on pouvait et l’on peut toujours déguster des plats purement asiatiques à Béjaïa.
En véritables investisseurs, les Chinois louent à tour de bras. Le «Made in China» tend ses tentacules à Béjaïa. Ils ont l’art du commerce. A voir comment ils collent aux clients souvent curieux, on comprend mieux leur stratégie. Leurs employés sont aussi bien algériens que chinois. Au restaurant de la cité «Zedma», une Chinoise bon teint, le sourire permanent, vous accueille et vous installe. Au menu, des plats chinois, une spécialité mondialement connue. Le handicap langue est vite levé par la présence d’un personnel local.
Passé l’effet de surprise, les boutiques et autres commerces chinois perdent de leur éclat. Les Béjaouis ne les fréquentent plus comme au début. Les prix affichés sont trop élevés, a-t-on jugé.
Du coup, les commerces, qui suscitaient jusque-là curiosité et engouement, se vident. Dans la restauration, c’est la rumeur qui a semé le doute. Les Chinois cuisineraient des chats, dit cette même rumeur. Cela suffisait pour que le doute s’installe. La méfiance est de mise. Mais devant cette «intox», ces nouveaux commerçants tentent de résister. Pour preuve, les boutiques et l’unique restaurant sont toujours ouverts. Leur clientèle existe. Elle est constituée de leurs compatriotes, qui réalisent le pénitencier de Oued Ghir mais aussi de locaux, qui font fi de ce qui est colporté ça et là.
Les Tunisiens se sont installés depuis longtemps à Béjaïa. Une poignée certes, mais une poignée qui a résisté au temps. Les Egyptiens ont à leur tour investi la place avec l’ouverture d’une boutique de tapis estampillés «Made in Egypt». Béjaïa s’est ouverte sur le monde. Béjaïa s’est humanisée, signe d’une vitalité certaine de rapports retrouvés et tournés vers l’autre, et d’une prospérité rampante certes mais bien perceptible. Ville touristique, l’accueil de ses habitants n’est plus à démontrer.
L’économie locale ne peut que s’affirmer par la venue en masse d’investisseurs étrangers.
Arezki SLIMANI
CONSTANTINE
Le «Made in China» envahit le marché
13 Août 2009 - Page : 3
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Ces commerçants exercent en toute légalité avec un registre du commerce en bonne et due forme.
Ils seraient selon certaines estimations 30.000 Chinois activant en Algérie. Un chiffre qui fait presque peur puisque certains, qualifient la situation d’«invasion». Le mot semble exagéré. Il y a quelques années, personne n’aurait cru que l’Algérie allait intéresser des étrangers prétendant au travail dans un pays ayant vécu 15 ans de terrorisme.
Ils sont venus en Algérie dans le cadre d’un partenariat spécifique. Mais au fil des années, ces travailleurs chinois se sont adaptés au rythme de vie des Algériens, tout en gardant leurs habitudes de circuler en groupe. Sur leurs lieux de travail, ils sont très rentables, puisqu’ils travaillent 12 heures. Très disponibles aussi de jour comme de nuit, ces ressortissants sont satisfaisants et disciplinés, selon les propos des chefs de chantier, à la recherche de main-d’oeuvre qualifiée. Ils touchent en moyenne 400 euros par mois, soit quatre fois plus que ce qu’ils peuvent percevoir dans leur pays. Une somme, cependant, qu’ils dépensent ailleurs et certainement pas en Algérie. Il n’en demeure pas moins que dans notre pays trois jeunes sur quatre souffrent de chômage. Beaucoup d’entre eux évitent les dépenses inutiles et préparent eux-mêmes leurs repas en groupe dans les bases-vie. Certains cultivent leurs légumes dans des potagers juste à côté de leurs loges. Ils vivent en plein chantier 24h/24 et refusent de se frotter à la société. L’on apprend, entre autres, que des intermédiaires louent à des particuliers la main-d’oeuvre chinoise. Une pratique illégale en raison d’absence de couverture sociale. Certains Chinois semblent trouver leur compte. Si certains exercent dans des chantiers munis d’un permis de séjour et de travail, d’autres moins nombreux, visiblement, ont préféré investir dans le commerce. Ces derniers louent des magasins à des prix exorbitants au centre-ville pour proposer des articles pratiquement «futiles». Certes moins chers que les prix pratiqués par les nationaux, mais dont la qualité fait souvent défaut.
D’ailleurs, de plus en plus de citoyens se méfient car on croit savoir que les produits «Made in China» seraient cancérogènes. Ceci dit, ces commerçants venus de l’Asie exercent en toute légalité avec un registre du commerce en bonne et due forme sur une durée allant jusqu’à trois années. Mais le hic, est que les produits chinois, même contestés, sont proposés aux consommateurs par des commerçants algériens. En apparence, leurs articles ne sont pas rentables, mais questionné dans ce sens, un locataire de magasin au quartier Belouizdad (ex-Saint-Jean) affiche sa satisfaction même s’il admet que son commerce est de moins en moins fréquenté. On ne se plaint pas pour autant. C’est à se demander en quoi cette mévente est-elle rentable?
Ikram GHIOUA
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