Jour d'élections au Caire, où les Frères musulmans quadrillent les quartiers

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Jour d'élections au Caire, où les Frères musulmans quadrillent les quartiers

*****Jour d'élections au Caire, où les Frères musulmans quadrillent les quartiers

 

Un Egyptien glisse son bulletin de vote dans une urne, le 29 novembre 2011, au Caire.

Un Egyptien glisse son bulletin de vote dans une urne, le 29 novembre 2011, au Caire.REUTERS/AHMED JADALLAH

 

Les premières législatives de l'après-Moubarak se sont ouvertes, lundi 28 novembre, dans un climat de tranquillité inespéré. Alors que bon nombre d'observateurs redoutaient que des violences ne viennent entraver le déroulement du scrutin, aucun incident majeur n'a été relevé, ce qui a conduit à une participation massive. A la sortie des bureaux de vote, les électeurs confiaient souvent leur fierté et leur émotion d'avoir participé au premier scrutin libre de l'histoire de l'Egypte.

Les 498 sièges de l'Assemblée du peuple, la chambre basse du Parlement, seront attribués dans un processus électoral en trois phases, étalées jusqu'à la mi-janvier. Lundi, une première tranche de neuf gouvernorats (sur 27) était appelée au vote. Récit de la journée dans trois quartiers du Caire, où 1 539 candidats se disputent... 54 sièges.

A Choubra, les combines des Frères musulmans. Impossible de les rater. Les militants des Frères musulmans quadrillent les abords de tous les bureaux de vote du Caire. A Choubra, un quartier du nord-est de la capitale doté d'une forte minorité copte, les partisans du mouvement islamiste ont dressé un stand en retrait de la rue principale. Officiellement, il ne s'agit que de guider les électeurs égarés. En quelques clics sur son ordinateur portable, Hussein, un jeune militant en T-shirt et coiffé d'une casquette beige, les oriente vers leur bureau de vote. "On a même des accompagnateurs et des voitures pour ceux qui ne veulent pas marcher", dit le jeune homme. Mais ces tracts qui récapitulent le programme du parti, grand favori du scrutin, et ces affichettes avec la bobine des candidats soutenus par les Frères ne seraient-ils pas une entorse à la réglementation qui interdit de faire campagne le jour du vote ? "Non, on rend juste service aux gens", se récuse Hussein. Un pur altruisme, voilà tout.

Un peu plus loin, Mohammed, un trentenaire en veste de cuir, explique au profane le fonctionnement pyramidal de la confrérie. Au sommet, le guide (mourchid) et tout en bas, la famille (ousra), la plus petite unité dans la galaxie des Ikhwan (Frères). Composée d'une demi-douzaine de membres, elle a pour tâche de veiller sur un bloc d'habitations au sein d'un quartier. "Ces derniers jours, mon rôle dans l'"ousra" a consisté à rencontrer les gens de ma zone, à lister ceux qui partagent nos valeurs et à prendre leur numéro de téléphone, explique Mohammed. Je les appellerai quelques heures avant la fermeture des bureaux de vote pour m'assurer qu'ils ont bien voté." Chez les Frères, rien n'est laissé au hasard.

Sur la place Tahrir, les états d'âme des révolutionnaires. Les motivations des électeurs, elles, obéissent à des logiques dont les résultats sont parfois déroutants. Dans le quartier populeux de Boulaq, un jeune homme élégant se dirige vers le bureau de vote avec entrain : "Je vais voter pour la liste des Frères musulmans et pour Gamila Ismaïl (une candidate libérale indépendante, concurrente des Frères). Pour les Frères parce qu'un de mes voisins qui a construit une clinique pour les pauvres dans mon quartier se présente avec eux, et pour Gamila parce qu'elle a été vraiment courageuse pendant la révolution."

Un peu plus loin, le long de la rue du 26-Juillet envahie d'affiches électorales, trois enfants s'acharnent sur le poster d'un candidat accroché à un lampadaire. "On a besoin de ce papier et celui-là, c'est pas grave, personne le connaît, il n'a aucune chance. De toute façon, c'est les Frères qui vont gagner." Cet avis fait l'unanimité dans la rue, où un policier, assis sur une chaise au bord du trottoir, distribue nonchalamment des tracts à l'effigie du Parti de la justice et de la liberté, bras politique de la confrérie. "C'est pour la bonne cause !", s'exclame-t-il, hilare.

A quelques kilomètres de là, sur la place Tahrir cernée par les militaires, les révolutionnaires qui maintiennent leur sit-in devant le siège du gouvernement ne cachent pas leur morosité. Beaucoup ont décidé de boycotter le scrutin, sans parvenir à empêcher nombre de leurs camarades de s'éloigner de la place pour aller mettre un bulletin dans l'urne. Rassemblés sous une effigie du maréchal Tantaoui pendue à un réverbère, les irréductibles ont tenté de persuader leurs compagnons de ne pas aller voter en chantant "Elections illégitimes ! Tantaoui illégitime !".

Ils ont reçu le soutien de plusieurs mouvements révolutionnaires, dont le Groupe du 6 avril, et l'Union des jeunes coptes de Maspero. "Par égard pour le sang des martyrs innocents qui a inondé la place Tahrir ces derniers jours, nous demandons le report des élections", ont-ils déclaré, en référence aux victimes de la répression menée par le Conseil suprême des forces armées (CSFA) contre les manifestants depuis le 19 novembre, qui a fait plus de 40 morts.

A Zamalek, la résignation de la gauche et l'espoir inquiet des libéraux. De l'autre côté du Nil, dans le quartier aisé de Zamalek, des colonnes de femmes font au contraire la queue devant les grilles des écoles dans un brouhaha revigorant. "Je n'ai jamais vu autant de femmes sans voile de ma vie", s'extasie un riverain assis sur un tabouret. Les électrices ne cherchent pas pour autant à cacher leurs désillusions sur le scrutin. "Le CSFA nous a pris à la gorge et le moment est très mauvais pour tenir des élections, déclare Madiha Doss, militante au Parti social-démocrate. Mais on n'a pas le choix, il faut voter tout en continuant le sit-in à Tahrir, c'est le seul moyen d'avoir une petite légitimité pour faire pression sur les militaires."

La perspective d'une forte participation réjouit en effet les islamistes. Croisé à la sortie d'un bureau de vote du quartier populaire de Mokattam, Ossama Yacine (célèbre représentant des Frères musulmans sur la place Tahrir) ne cache pas sa joie : "C'est extraordinaire, tout le monde est venu voter ! Même les paralysés, même les vieux, les aveugles. Le taux de participation va être exceptionnel, plus de 70 % c'est sûr ! C'est un grand jour pour la démocratie, vive l'Egypte !"

Benjamin Barthe et Claire Talon



29/11/2011
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