Le "parler sur" ...... ( toujours d'aprés Breton)
Le "parler sur"
Au restaurant, loin de mon lieu de travail, je pensais oublier un peu l'école... mais la table voisine se trouvait occupée par une petite famille: papa, maman, la grande fille et le petit garçon. La maman, maîtresse d'école racontait sa vie d'école. Ce qui nous arrive souvent, nous ne savons pas toujours oublier notre métier, même au restaurant. Vous me direz, j'aurais pu me concentrer sur ma propre table, surtout que c'était bon merci, mais la dame parlait assez fort pour capter malgré moi mon attention... C'est terrible ça, on fait tout pour rester discret et puis... on se laisse piéger. Bref, la dame parlait de ses nouveaux élèves. Et son petit garçon les connaît bien les élèves de sa maman, parce qu'il est dans la même école. J'imagine que ça doit être bien pratique d'avoir son petit garçon dans l'école où l'on travaille surtout quand cette école est près de la maison. Mon oreille, l'indiscrète vile, aurait pu se concentrer sur ma propre conversation... car en effet veuillez noter que je suis assez doué : je peux déguster ma brochette tout en conversant avec la personne en face sans perdre une miette de la conversation d'à côté... Mais là , faut dire que mon oreille se pinçait toute seule, parce que la dame, maîtresse et maman, nous racontait ses élèves et ce qu'elle en pensait, comment ils travaillaient, que celui-ci , qui était sympa avant, était devenu odieux, que tel autre travaillait vite mais bien, tandis que ce petit était franchement nul et limite niais... Elle parlait "sur eux". Oh ! certainement a-t-elle dûment préparé son petit garçon à garder le secret sur ce qu'elle dit de ses élèves et qu'elle ne dirait pas forcément à voix haute en salle des maîtres...mais... mais je me suis demandé si un jour, lorsque le petit garçon de la dame se serait disputé dans la cour avec un des élèves dont elle nous parlait, que l'autre lui taperait dessus un peu fort, il n'irait pas balancer, genre la botte secrète, comme ça, juste pour se défendre "ben d'abord ma mère, elle a dit qu'en classe tu étais nul, que l'an dernier tu étais gentil mais que cette année tu fiches rien, et que tu as une intelligence limitée". Et toc ! Ce serait de bonne guerre, histoire de se défendre... Des histoires idiotes comme ça, nous en avons des tas, des tas d'histoires où nous nous sommes laissés allés à "parler sur" un collègue, sur un élève, sur un parent... Je sais, j'ai un peu dit du mal de la dame, en plus je suis franchement indiscret... Elle parlait un peu fort. Des fois ça nous arrive, quand on dit du mal des gens, malgré nous, notre voix prend un ton un peu plus fort. Vous vous souvenez du poème d'Hugo "jeunes gens prenez garde aux choses que vous dites...tout peut sortir d'un mot qu'en passant vous perdîtes...ce mot que vous croyez que l'on n'a pas entendu... court à peine lâché, part, bondit, sort de l'ombre ! ... il vous échappe, il fuit, rien ne l'arrêtera... et c'est fait. Vous avez un ennemi mortel." Combien de fois nous sommes nous laissés piéger ?