Les députés socialistes voteront contre le projet de loi de lutte contre le piratage sur internet, qui prévoit une "riposte graduée" dont le principe est contesté par l'opposition et les associations de consommateurs
Ce texte envisage des sanctions pouvant aller jusqu'à la suspension de l'abonnement en cas de récidive de téléchargement illégal.
Prévu mardi, son examen par les députés devrait finalement débuter mercredi, aprÚs le vote solennel de la réforme de l'hÎpital pour laquelle restaient quelque 500 amendements.
Inspiré des accords de l'Elysée signés par les professions artistiques en novembre dernier et d'un rapport de Denis Olivennes, alors P-DG de la Fnac, le texte a été adopté par le Sénat à la quasi-unanimité le 30 octobre, mais les débats s'annoncent houleux à l'Assemblée nationale.
Le porte-parole de l'UMP, Frédéric Lefebvre, a souhaité que l'Assemblée nationale envoie elle aussi "un message clair de soutien à l'exception culturelle française".
Mais l'opposition socialiste a déjà dit son intention de ne pas voter ce texte qui porte atteinte, selon elle, aux libertés publiques et individuelles.
"Ce texte est une fable archaïque que l'on sert aux artistes mais qui est une illusion sécuritaire", a estimé mardi le député PS Christian Paul.
"C'est un mauvais texte qui présente beaucoup d'inconvénients, qui oppose les artistes aux internautes. Il ne sera sans doute jamais appliqué", a déclaré de son cÎté Patrick Bloche, porte-parole du groupe PS de l'Assemblée dans ce débat.
Ses propos font écho aux critiques formulées dans Libération par le député UMP Lionel Tardy qui a jugé la "philosophie du projet contraire au plan numérique 2012" et à l'idée qu'internet est "un service universel".
PRĂSOMPTION D'INNOCENCE
Le président du groupe UMP Jean-François Copé s'est dit "désespéré" par la décision du PS et n'a pour l'heure pas l'assurance d'avoir le soutien du Nouveau Centre (NC).
Comme certains parlementaires de l'UMP, le groupe NC est en effet hostile à la suspension d'abonnement et préférerait une amende, a expliqué son président François Sauvadet.
"C'est infiniment mieux de faire une coupure temporaire que d'imposer une amende", a rétorqué le "patron" du groupe majoritaire. "Les artistes sont des gens qui ont besoin de vivre. On est entrain de les ruiner. Il faut réagir, Il faut avoir le courage d'assumer."
Comme l'opposition, l'association de consommateurs UFC-Que Choisir dénonce un texte "répressif et stigmatisant".
Le projet de loi, présenté par la ministre de la Culture, Christine Albanel, prévoit une "riposte graduée" en trois temps.
Un premier avertissement serait envoyĂ© par courriel puis une deuxiĂšme mise en garde devrait ĂȘtre adressĂ©e dans les six mois par lettre recommandĂ©e en cas de rĂ©cidive.
Si l'internaute fraude à nouveau, il pourra voir son abonnement suspendu pour deux mois à un an avec l'interdiction de s'inscrire chez un autre fournisseur pendant cette période.
Les associations de consommateurs s'inquiÚtent de voir des internautes de bonne foi subir le piratage des adresses IP - le numéro d'identité d'un ordinateur - et de la constitution de fichier des personnes sanctionnées.
"Le principe de la prĂ©somption d'innocence est bafouĂ© dans la mesure oĂč (...) c'est Ă (l'internaute) qu'il revient de faire la preuve de sa bonne foi", s'indigne l'UFC-Que Choisir.
Le collectif La Quadrature du Net a quant Ă lui appelĂ© en fĂ©vrier la campagne de protestation "black-out" qui consiste Ă draper son site ou sa page personnelle de noir et a reçu mardi le ralliement de Daniel Cohn-Bendit, tĂȘte de liste d'Europe Ecologie en Ile-de-France.
L'association Consommation logement et cadre de vie (CLCV) dénonce quant à elle l'absence des "conditions nécessaires au développement d'une offre légale de qualité".
Dans un entretien au Journal du Dimanche, la ministre de la Culture a fait Ă©tat d'avancĂ©es sur l'offre lĂ©gale et s'est dite prĂȘte Ă agir par dĂ©cret pour accĂ©lĂ©rer la mise Ă disposition des oeuvres si la concertation avec les professionnels Ă©chouait.
L'examen du texte devrait durer deux ou trois jours.
Grégory Blachier et Emile Picy, édité par Yves Clarisse