Le Viagra fait aussi bander les muscles des sportifs
Le Viagra fait aussi bander les muscles des sportifs
Cyclisme, alpinisme et... courses de chevaux : des sports où la pilule bleue est utilisée comme dopant, améliorant l'oxygénation.
En boostant leurs performances sexuelles, le Viagra permet à beaucoup d'hommes de grimper au septième ciel. Plus surprenant, le médicament permettrait également aux cyclistes, aux alpinistes et des chevaux de course d'atteindre des sommets de performance.
Nous entrons dans une période de fêtes, où le Viagra va être être abondamment consommé par les non-sportifs, qui veulent être à la hauteur sous la couette. Mais depuis son arrivée sur le marché en 1998, le sildénafil, la substance contenue dans les petits losanges bleus, a prouvé ses mérites en matière de vasodilatation pulmonaire, fonction limitante des activités d’endurance maximale ou altérée, par exemple lors des efforts en altitude. Plus surprenant, il est aussi utilisé pour booster les performances des chevaux lors des courses hippiques.
Les poumons se comportent comme les corps caverneux de la verge
Déjà en 2001, nous avions signalé dans la presse sportive que le Viagra, médicament commercialisé pour les troubles de l’érection, s’était échappé pratiquement incognito des alcôves douillettes pour rejoindre les camps d’altitude afin de limiter le mal aigu des montagnes (MAM).
L’équipe du professeur Martin Wilkins, du Centre national de cardiologie de l’hôpital Hammersmith, dans l’ouest de Londres, a démontré que l’enzyme qui gênait l’afflux du sang dans le pénis chez des personnes en difficultés érectiles provoquait aussi des difficultés respiratoires dans un air appauvri en oxygène. En somme, les poumons se comportent comme les corps caverneux de la verge, subissant une vasoconstriction des artères qui empêche une bonne oxygénation.
Or le Viagra, inhibant l’action de cet enzyme, stimule la turgescence du sexe masculin et la dilatation des vaisseaux sanguins pulmonaires. Aujourd’hui, les aptitudes sur l’appareil respiratoire du petit comprimé bleu intéressent de plus en plus les spécialistes de la haute montagne.
La pilule bleue devrait se diffuser massivement chez les grands trekkeurs
Conséquences : les études consacrées au sildénafil se multiplient. L’une des dernières en date a eu pour théâtre le mont Blanc. Douze volontaires ont été héliportés vendredi 11 juillet 2003 à l’observatoire Vallot (4 360 m) près du plus haut sommet des Alpes où ils ont testé pendant six jours les effets secondaires du Viagra.
Ce test clinique, incité par le docteur Jean-Paul Richalet, professeur de médecine à l’université Paris XIII, et directeur scientifique de l’association pour la recherche en physiologie de l’environnement, vise à observer les effets du sildénafil, principe actif contenu dans le Viagra, sur l’hypertension pulmonaire et les maladies liées à l’altitude.
Ce sildénafil a déjà été exploré pour soigner l’angine de poitrine et pourrait permettre de lutter contre le mal des montagnes (MAM). Les douze hommes, âgés d’une cinquantaine d’années, ont pris du Viagra alors que, parallèlement, ils pédalaient sur des vélos d’appartement et étaient suivis par quatre médecins présents à l’observatoire Vallot. Résultat ? La moitié ayant pris du Viagra avait des performances nettement supérieures, et respirait bien mieux. Leur circulation sanguine était aussi plus fluide.
Compte tenu de ces premiers résultats prometteurs publiés en janvier 2005, on doit s’attendre à une diffusion massive du médicament dans les trekkings d’altitude.
Les femmes des coureurs cyclistes omniprésentes à l'arrivée
D’autres équipes sont sur le même créneau de recherche. Au mois d’août 2003, ont eu lieu deux expériences similaires à celle du refuge Vallot. L’une a été menée par des scientifiques suisses sur le versant italien du Mont-Rose, et l’autre en Californie à White Mountain (4 000 m). Déjà au printemps, au camp de base de l’Everest, à 5 400 m d’altitude, des chercheurs allemands de l’université de Giessen, aidés de 120 porteurs et de 50 yacks pour le transport du matériel, avaient testé le Viagra sur 14 alpinistes tentant l’ascension du Toit du monde.
Il est à craindre que le sildénafil ne concerne pas que les amateurs de régions escarpées accessibles seulement à pied ou à dos de mulet mais aussi tous les sportifs grimpant avec du matériel, tel les cyclistes du Tour de France dans les étapes de montagne. D’ailleurs, on peut se poser la question de savoir si la petite pilule bleue n’a pas déjà investi la pharmacie des géants de la route, lorsqu’on apprend que les femmes des coureurs sont omniprésentes à l’arrivée des étapes ! Dans la mesure où la très prisée érythropoïétine (EPO) et la non moins fameuse homotransfusion (avec le sang d’une personne compatible) sont de mieux en mieux traquées par les laboratoires antidopage agréés par l’Agence mondiale (AMA), il est à parier que le Viagra non encore prohibé (pour l’instant) sera probablement présent dans la pharmacie top niveau des compétiteurs des prochains évènements sportifs planétaires, tels que Jeux olympiques de Pékin, tournois de tennis du grand chelem, Tour de France etc. autant sur les aires sportives que sous la couette.
ALPINISME. Le mal des montagnes, fléau des cimes. Le mal d’altitude peut affecter toute personne qui monte à plus de 2 500 mètres, sa prophylaxie médicamenteuse attire les convoitises des laboratoires pharmaceutiques. Rappelons qu’en dessous de 2 000 m d’altitude, 10 à 15% des personnes l’éprouvent ; entre 3 000 et 4 000 mètres, ils sont 50% à en souffrir et ce chiffre passe à 75% entre 4 000 et 5 000 mètres.
La baisse de la pression partielle d’oxygène dans l’air, d’autant plus importante que l’altitude atteinte est élevée, est à l’origine de cette pathologie. Celle-ci est, dans la plupart des cas, bénigne et spontanément régressive, mais peut parfois évoluer vers l’œdème cérébral de haute altitude (OCAH), potentiellement mortel.
D’un autre côté, la marche en haute montagne n’est plus une affaire de spécialistes hyperentraînés. On trouve de plus en plus de citadins ayant une condition physique très éloignée des exigences de l’effort en altitude dont certains, moyennant finances, se font tracter en haut de l’Everest. Le Népal accueillerait ainsi chaque année plus de 60 000 randonneurs en provenance des pays occidentaux.
Par exemple, en 1997, un petit pays comme la Suisse en fournissait un contingent de… 8 000 ! Parmi tous ces trekkeurs, nombreux ont dépassé la quarantaine et ont des systèmes vasculaires plus ou moins performants. Souvent, les organisateurs de voyages sportifs et les professionnels de l’aventure poussent à la consommation en conseillant à leurs adhérents de se faire prescrire des médicaments anti-MAM (corticoïdes, diurétiques, acide acétylsalicylique et aujourd’hui Viagra).
Ce sujet a bien sûr sa place dans une chronique sur le dopage, car si prendre du Viagra pour affronter les dénivelés n’est pas du dopage, il illustre une dérive de la compétition contre les autres mais aussi contre soi-même ! CYCLISME. Du Viagra pour mieux grimper les grands cols.Le Viagra (sildénafil) serait utilisé aussi à grande échelle au niveau du peloton cycliste. Selon une enquête réalisée par la Gazet van Antwerpen, le produit circule en effet depuis le milieu de l’année 2004 dans le peloton. Il améliorerait sensiblement les performances des cyclistes, notamment dans le cadre de stages en haute altitude.
Le problème est d’ailleurs évoqué dans les sphères sportives se préoccupant des contrôles antidopage. Le docteur Reno Roelandt, membre du Comité olympique belge et de l’Agence mondiale antidopage (AMA), expliquait :
"Maintenant, nous laissons l’enquête se poursuivre, afin de voir si le Viagra a également des effets dans le cadre d’altitudes plus basses. Mais ce produit doit être mis sur la liste des produits dopants, vu qu’une consommation en grande quantité est dangereuse pour la santé"
De même, le quotidien Le Monde dans son édition du 24 juillet 2005, sous la plume de son envoyé spécial sur la route du Tour de France à Le Puy-en-Velay, témoigne sur la présence du Viagra dans les liquides biologiques des forçats de la route :
"Dans les laboratoires antidopage, les chercheurs n’en reviennent toujours pas de leur découverte : un nombre croissant d'échantillons d’urine prélevés sur des athlètes, et en particulier des cyclistes, laisse apparaître la présence de Viagra.Pour l’heure, l’Agence mondiale antidopage (AMA) n’envisage pas d’inscrire le médicament sur la liste des produits interdits. Et, contrairement au cannabis par exemple, le cantonne à un usage festif."
De notre côté, nous espérons que l’Agence mondiale antidopage (AMA) avec son nouveau président fraîchement élu, l’Australien John Fahey, n’attendra pas que l’ensemble des compétiteurs licenciés, en dehors des activités d’alcôves, ne carburent au Viagra pour s’y intéresser et le coucher sur la liste rouge.
EQUITATION. Des étriers, une selle en cuir, une cravache et du Viagra. Le 16 mai 2005, on apprend que la police italienne a découvert un hippodrome clandestin où la mafia locale organisait des courses truquées avec des chevaux dopés au Viagra et à d’autres médicaments. La piste, construite illégalement, utilisée dans le plus grand secret et que les initiés désignaient sous le nom de code de "Miss Charmet", est située à proximité de la ville de Naples ; berceau de la Camora (version napolitaine de la Mafia sicilienne).
"Nous pouvons certifier l’usage du fameux (médicament) Viagra pour améliorer les performances des chevaux", a déclaré le commandant de police Mario Pantano à des télévisions locales. L’hippodrome et les chevaux ont été confisqués par la police, qui les estime à une valeur totale de cinq millions d’euros.