par Erika Solomon
BEYROUTH (Reuters) - Les forces du président syrien Bachar al Assad et leurs alliés du Hezbollah libanais ont accentué samedi leur offensive dans la ville stratégique de Koussaïr, dont ils entendent déloger au plus vite les rebelles, rapportent des sources des deux camps.
Selon les insurgés, l'armée gouvernementale a déployé des renforts de chars et d'artillerie autour des quartiers qui échappent à son contrôle dans cette ville de 30.000 habitants proche de la frontière libanaise.
"Il n'y a pas eu un jour comme celui-ci depuis le début de l'offensive", a déclaré Malek Amar, un opposant témoignant depuis Koussaïr par Skype. "Les bombardements sont si intenses et violents. On dirait qu'ils veulent détruire la ville maison par maison."
D'après le bilan établi samedi après-midi par l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), proche de l'opposition, les combats ont fait au moins 30 morts, pour la plupart des insurgés, et des dizaines de blessés dans des quartiers tenus par la rébellion.
Le Réseau syrien des droits de l'homme (proche de l'opposition) a déclaré samedi que 73 personnes avaient été tuées par les forces d'Assad, et un militant de l'opposition, Adib Chichakli, a dit pour sa part que le Hezbollah avait perdu 75 combattants dans la bataille de Koussaïr, où, selon lui, les insurgés retranchés font un "excellent travail".
Les insurgés sont assiégés dans Koussaïr, verrou essentiel pour l'opposition entre ses sources d'approvisionnement au Liban et la ville de Homs, mais aussi pour les forces loyalistes entre la région de Damas et leurs fiefs de Lattaquié et Tartous, sur la côté méditerranéenne.
Cette position stratégique explique l'ardeur déployée par les deux camps. D'autant qu'un succès militaire permettrait à l'un ou l'autre d'arriver en position de force à Genève, où les Etats-Unis et la Russie entendent organiser le mois prochain une nouvelle conférence destinée à trouver une solution politique au conflit.
"MÊME LES RÉFRIGÉRATEURS SONT PIÉGÉS"
Les forces gouvernementales auraient pris le contrôle d'à peu près les deux-tiers de Koussaïr et chercheraient désormais à déloger les insurgés de leurs derniers bastions. Mais elles ont payé pour cela un prix élevé en raison de la résistance acharnée des rebelles.
Un responsable proche du Hezbollah a confié à Reuters que l'avancée des troupes loyalistes était laborieuse.
"Nous sommes dans la seconde phase de notre plan d'attaque mais notre progression est très lente et difficile. Les rebelles ont tout miné, les rues, les maisons. Même les réfrigérateurs sont piégés", a-t-il dit.
Au Liban, le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a reconnu pour la première fois publiquement, samedi, que des combattants de son organisation chiite luttaient activement, ce depuis plusieurs mois, aux côtés de l'armée régulière syrienne (voir ).
George Sabra, chef de la Coalition nationale syrienne (CNS, opposition), a déclaré samedi que des milliers de combattants iraniens et du Hezbollah combattaient aux côtés de l'armée syrienne à Koussaïr mais aussi dans le secteur de Damas.
La bataille de Koussaïr cristallise la tournure de plus en plus confessionnelle du conflit syrien, qui menace désormais d'embraser toute la région.
L'engagement des combattants chiites libanais du Hezbollah aux côtés de leurs alliés alaouites syriens - une branche du chiisme, à laquelle appartient le clan Assad - a déjà provoqué une recrudescence des affrontements confessionnels au Liban, notamment dans la ville nordiste de Tripoli, où plus de 25 personnes ont été tuées depuis une semaine.
Et le feu ne semble pas près de s'éteindre: les rebelles syriens - en grande majorité sunnites - ont promis, quelle que soit l'issue des combats à Koussaïr, de mener des représailles contre les villages chiites et alaouites des deux côtés de la frontière syro-libanaise.
Avec Laila Bassam; Tangi Salaün et Eric Faye pour le service français