Les investisseurs reprennent position dans la nouvelle Tunisie
Les investisseurs reprennent position dans la nouvelle Tunisie
Il avait tenté de s'implanter en 2005, mais était tombé dans les griffes du clan Ben Ali. L'épisode s'était conclu par une spoliation de ses sociétés et une interdiction d'entrée sur le territoire. Pas étonnant, dès lors, que Lotfi Bel Hadj, patron du fonds luxembourgeois Greenrock Funds, soit l'un des premiers à retourner en Tunisie. Avec un projet ambitieux. Cet entrepreneur franco-tunisien de 46 ans, acteur important de la compensation carbone, est en train d'y créer un fonds d'investissement éthique et solidaire.
"Ce fonds privé à capitaux ouverts, basé en Tunisie, aura vocation à s'allier avec un fonds public pour créer des entreprises leaders dans chacun des secteurs économiques et ancrées dans différentes régions de Tunisie", explique Mohammed Hadfi, responsable du projet Insaf Fund (équité, en arabe). Ce consultant de 35 ans voit dans ces partenariats public-privé un bon moyen de diversifier le tissu économique tunisien, en spécialisant des bassins d'emplois régionaux amenés à devenir des pôles d'excellence. Côté privé, plusieurs dizaines de millions d'euros sont prévus pour le capital de départ de ce fonds. Lequel a déjà enregistré plusieurs projets de financement, comme le groupe de presse WinPress Group, emblématique de l'engagement affiché de M. Bel Hadj et visant à rompre avec le passé et "les affres du bénalisme".
"Le développement économique de la Tunisie ne se fera que sur de nouvelles bases : pas sur des principes FMistes, pseudo-démocratiques et ultralibéraux", affirme M. Bel Hadj. M. Hadfi, son associé, de renchérir : "Les Tunisiens en ont assez de l'approche paternaliste et veulent prendre leur destin en main." L'enjeu est de taille. "La Tunisie va être le premier pays arabe démocratique. Son évolution aura valeur d'exemple. On ne doit pas et on ne peut pas échouer", conclut Lotfi Bel Hadj.
Après une diminution de 25 % sur les quatre premiers mois de 2011, les investissements directs ont désormais le vent en poupe. Chez les Français, deux tendances s'observent. "Il y a ceux qui sont déjà en Tunisie, qui ont pleinement confiance et continuent à faire des extensions. Et ceux qui ont des projets d'investissement mais qui attendent les élections", analyse un conseiller de l'ambassade de France en Tunisie.
Fixées au 23 octobre, les élections pour la Constituante devraient restaurer la confiance des investisseurs. Noureddine Zekri, directeur général de l'Agence tunisienne de promotion des investissements étrangers (FIPA), note "une grande sympathie pour la révolution". "Les financiers croient en un meilleur environnement d'affaires, plus transparent, avec plus de liberté d'investir", avance-t-il. Ce qui se traduit par un niveau record de missions de prospection et la participation de 350 sociétés étrangères sur les 1 000 déjà inscrites au Tunisia Investment Forum, les 16 et 17 juin, à Carthage. Parmi elles, on note de nouveaux venus russes, américains et asiatiques.
"Aux avantages historiques du marché tunisien s'ajoutent, selon M. Zekri, de nouveaux atouts d'investissements, notamment pour les secteurs à forte valeur ajoutée comme l'aéronautique, s'appuyant sur une main-d'oeuvre locale hautement qualifiée."
Philippe Santet ne voit aucune raison d'attendre. Associé fondateur de Sud Sofas, il travaille déjà au lancement pour septembre de son unité de production de canapés. "C'est un pays qui joint compétitivité de ses coûts et proximité, explique-t-il, avec un atout majeur d'ouverture à terme sur les marchés arabes et africains."
Hélène Sallon
Avec la levée des verrous politiques, l'ère post-Ben Ali regorge d'opportunités industrielles et de services.