Les mauvais jours du tennis algérien
Tournée dans les clubs de la capitale
Les mauvais jours du tennis algérien
Par Fella Bouredji
Le tennis algérien n’est pas au mieux de sa forme. Certains observateurs consciencieux vont plus loin et parlent de décadence depuis quelques années. A l’heure où la Fédération algérienne de tennis s’affaire dans ses assemblées générales électives, caractérisées, semble-t-il, par quelques querelles de gestion, le doute est de mise. Pour en savoir un peu plus, une tournée sur le terrain s’imposait…
Le plus grand club de tennis du pays en danger ?
Le Tennis Club de Bachdjarah (TCB) est connu pour son cadre agréable, mais aussi pour être un club qui a formé beaucoup de champions dont le dernier en date, Lamine Ouahab. Mais ce club est surtout reconnu pour être le plus grand club de tennis d’Algérie. On devrait plutôt dire qu’il «était» le plus grand étant donné qu’il ne l’est plus depuis six mois ! Il a tristement rétréci pour les besoins des travaux du métro d’Alger : huit de ses terrains ont été détruits et son grand espace, qui a longtemps vu courir des enfants euphoriques dans tous les sens avec leurs raquettes en main, est devenu un malheureux chantier déserté. L’image est plutôt désolante : engins, matériaux de construction, grand trou à la place des terrains et brouhaha incessant ! Des 10 terrains en terre battue que possédait le TCB, seuls deux ont survécu, en plus des deux terrains en quick récemment rénovés.
De quoi faire beaucoup de déçus !
150 joueurs, toutes catégories confondues, composant 8 écoles sont donc privés de leur club. Par mesure de sécurité, les responsables ont préféré les orienter vers d’autres clubs. Les adultes, adhérents amateurs, peuvent encore jouer, soit en s’inscrivant en tant qu’adhérent en payant 12 000 dinars par an ou en achetant pour chaque accès au terrain un ticket de 300 DA/l’heure ! A voir l’étendue des travaux, une question se pose d’elle-même : le plus grand club de tennis du pays est-il en danger ? L’actuel gérant du site est confiant. Selon lui, le chantier prendra fin dans deux ans et les terrains détruits seront tout de suite reconstruits. En attendant, les sportifs des huit écoles qui se partageaient l’espace ont été contraints de quitter les lieux pour aller jouer dans d’autres clubs gérés par l’OCO (Office du complexe olympique) : ceux du 5 Juillet et du Club de golf de Dely Ibrahim. En ce qui concerne ce dernier, l’état des lieux est bien meilleur…
Une nouvelle école de tennis au Club de golf de Dely Ibrahim
Le Club de golf de Dely Ibrahim doit, en grande partie, sa renommée au fait qu’il soit l’unique club de golf du pays. Il est aussi connu par son restaurant situé dans un cadre exceptionnel, une renommée qui remonte aux années 80-90. Mais depuis qu’il n’est plus géré par un particulier, autrement dit, depuis sa reprise par l’OCO en 2005, le restaurant a été fermé et les priorités ont été recentrées. Ses dirigeants veulent en refaire un lieu privilégié de golf et de tennis. Avec ses six terrains de tennis, dont deux en terre battue et quatre en quick, ce club a décidé d’étendre ses activités. En plus d’accueillir des adhérents qui payent 30 000 DA pour une année, les dirigeants du site ont entrepris la création d’une nouvelle école de tennis qui réunit une trentaine d’enfants depuis le début de la saison. Pour bien exploiter ce site remarquable, le gérant, M. Aït Aufrough Kamel, a parlé avec enthousiasme des projets de relance prévus, dont l’ouverture du Club house dès février prochain. Seul hic : cette école est affiliée à l’OCO et non à la Ligue d’Alger de tennis, ce qui veut dire qu’elle promeut la pratique à un certain degré mais ne contribue pas au développement en matière de compétition, ses joueurs ne participant pas aux tournois organisés par la Ligue d’Alger ou la Fédération algérienne de tennis (FAT). C’est ce que nous a expliqué le président de la Ligue algérienne de tennis, Nacer Eddine Benhabylès, qui s’est dit inquiet de l’état actuel de ce sport dans le pays.
Déficit flagrant en infrastructures et crise à la FAT
En faisant un diagnostic de la situation, le président de la Ligue de tennis d’Alger a mis, pour commencer, le doigt sur le déficit flagrant en matière de capacité d’accueil pour les joueurs de la capitale. Alger compte 13 écoles de tennis, constituées sous forme d’associations affiliées, ce qui implique près de 400 joueurs participant annuellement aux tournois locaux et nationaux. Ces joueurs évoluent dans les grands clubs d’Alger ou dans des clubs moins connus tels que ceux de Rouiba (4 courts), de Réghaïa (1 court), de Aïn Taya (2 courts), etc. Mais le manque de terrains pour accueillir ces nombreux férus de tennis qui aspirent à faire carrière n’est pas la seule barrière à laquelle est confronté le tennis algérien. Selon Nacer Eddine Benhabyles, il y a aussi un gros problème de gestion, notamment à la FAT où règne «une incompétence avérée», pour reprendre ses mots. Appuyant ce constat implacable, il citera deux arguments.
D’abord, le fait que depuis deux ans aucune licence n’a été délivrée mais aussi le fait que l’Algérie a été absente des rencontres et tournois internationaux durant la même période. Le second point concerne le seul joueur algérien classé mondialement, Lamine Ouahab, qui semble avoir tourné le dos à la FAT à cause de l’absence de prise en charge sérieuse, notamment financière. Si la lumière peine à s’installer dans les infrastructures étatiques, notamment celles citées plus haut en plus des deux clubs de Hydra gérés par la commune et qui sont fermés pour travaux, il n’en est pas de même dans le domaine privé.
Le Club de tennis de Ben Aknoun, un modèle à suivre
Le Club de tennis de Ben Aknoun semble être celui qui présente le plus de stabilité dans la capitale. Ce constat est partagé par plusieurs observateurs connaisseurs du milieu, dont Nacer Eddine Benhabyles, mais il très facile de vérifier cette observation. Il suffit de se rendre sur place pour apprécier son fonctionnement prometteur. Seulement 5 terrains mais un entrain et une bonne exploitation du site. L’école de tennis du club les Palmiers de Ben Aknoun compte 300 joueurs inscrits, sans compter les adhérents amateurs. L’école est affiliée à la Ligue d’Alger ce qui ouvre le droit à ses joueurs à participer aux tournois organisés. C’est que le club en question a un glorieux passé ; il a accueilli des tournois internationaux d’envergure, dont la Coupe Davis, comme expliqué par le gestionnaire du site et ancien président de la FAT, Mohamed Bouabdellah, rencontré sur place.
Ce dernier parlera de l’état actuel du club mais aussi de quelques projets qui restent à réaliser. Le club vient de se doter de systèmes d’éclairage pour permettre aux adhérents de jouer en fin de journée et même le soir. Il a souligné que le grand ennemi du tennis n’est autre que la pluie. Mohamed Bouabdellah confiera qu’il pense installer un système de sauvegarde moderne pour protéger les terrains de la pluie, un projet en cours de maturation. Ainsi, au cours de notre tournée, nous n’avions pas pu aller à la rencontre de tous les clubs et de leurs gestionnaires. Les constats sur place ont tout de même permis de confirmer que l’espoir de voir nos joueurs s’épanouir dans la discipline et s’imposer dans le classement mondial n’est malheureusement pas à l’ordre du jour. Il reste quand même à voir ce qu’apporteront comme changement les assemblées générales électives qui ont débuté la semaine dernière et dont l’issue sera connue dans les jours à venir…
F. B