Tensions sociales
Encore une fois, les problèmes de fond ne sont pas encore réglés sur le front social. À Mittal Steel, le maintien en activité de la cokerie n'est pas encore tranché. À la SNVI, les revendications salariales risquent de rebondir dans les prochains jours. Toutes ces menaces à la paix sociale ne sont que les effets d'une politique économique où le laisser-faire a longtemps régné. L'Algérie n'a pas encore un système salarial dans le secteur économique public assis sur la performance, la productivité et en étroite relation avec le niveau de l'évolution de la hausse des prix à la consommation. La situation de Mittal Steel pose, elle, la question du suivi des partenariats avec les entreprises étrangères. Force est de constater que le complexe d'El-Hadjar n'a pas bénéficié des investissements nécessaires devant être engagés par la multinationale pour augmenter la production sidérurgique du pays et, partant, répondre aux besoins du pays. Jamais l'Algérie n'a importé autant de rond à béton et d'aciers que durant ces dernières années, en dépit de la présence de ce fleuron de l'industrie locale. Cette situation s'est aggravée avec le retard dans la mise en œuvre de la stratégie industrielle où, paradoxalement, la sidérurgie fait partie des activités stratégiques à promouvoir. À cela se conjugue une mise en parenthèses des initiatives privées.
Au final, nous n'avons aucun potentiel champion national dans cette filière et aucune prétention à court terme de produire des aciers spéciaux, maintenant la dépendance de l'Algérie à l'égard de l'importation de ces produits stratégiques pendant de nombreuses années. On peut se demander si l'Algérie gère les participations de l'État, avec un fonctionnement maintenu en nébuleuses des SGP, qui n'exercent aucun droit de regard sur la gestion des partenaires étrangers, même si ces derniers adoptent des stratégies qui vont à l'encontre des intérêts du pays.
Ces questions renvoient à l'avenir de l'industrie nationale toujours enlisée dans des difficultés financières, de contraintes de modernisation de l'outil de mise à niveau managérial et de problèmes de marché.
En l'absence d'un consensus sur la stratégie industrielle, on peut se demander s'il y a aujourd'hui un pilote dans l'avion. À cette allure, les tensions sociales ne peuvent qu'être ravivées avec en toile de fond le risque d'un nouveau saut vers la "désertification" économique.
Sup eco : Dossier (Lundi 22 Février 2010)
LES CONFLITS SOCIAUX DANS LE SECTEUR ÉCONOMIQUE
Faire la part des choses
Par : A. Hamma
Lu : (26 fois)De tous les conflits sociaux qui ont agité ces trois ou quatre dernières années le secteur économique, les grèves qui ont eu lieu à la SNVI Rouiba et à Mittal Steel Annaba ont été les plus marquantes de par la mobilisation qu’elles ont suscitée au sein des travailleurs et de l’impact qu’elles ont eu sur l’opinion publique nationale.
Ces grèves ont été aussi les plus significatives de la capacité du mouvement syndical à se poser et à s’affirmer en partenaire social incontournable dans la résolution des grands problèmes, auxquels sont confrontés à la fois le monde du travail et celui de l’entreprise. Elles ont été enfin les plus sensibles parce qu’elles ont concerné deux anciens fleurons de l’industrie lourde algérienne des années 1970, confrontés aujourd’hui, et dans le même temps, à des bouleversements stratégiques du contexte économique international et aux nécessaires mutations structurelles internes de l’appareil de production nationale. La singularité de ces conflits, voire leur complexité, plus pour la SNVI que pour Mittal Steel, parce que ce groupe sidérurgique implique un partenaire étranger actionnaire à 70%, réside dans la convergence de faisceaux d’intérêts économiques nationaux, incarnés simultanément, et parfois de façon contradictoire, par les pouvoirs publics et les partenaires sociaux. Ces deux conflits renseignent sur le niveau de conscience du mouvement ouvrier à faire siennes les revendications légitimes des travailleurs et le souci de la préservation de leur outil de production. C’est toute la problématique du rôle et de la mission du mouvement syndical dans le nouveau contexte économique international qui est posé. De même que ces deux conflits renseignent sur la capacité des pouvoirs publics à organiser et à développer le dialogue et la concertation sociale comme instrument privilégié de résolution des conflits sociaux, et ce, partant des grandes questions qui agitent la société algérienne en général.
Il est donc nécessaire de faire la part des choses en gardant en vue, bien évidemment, les causes objectives qui sont à l’origine des conflits de travail. L’érosion du pouvoir d’achat, les conditions de précarité des salariés, la dégradation des conditions matérielles et techniques des procès de production, l’âge de départ à la retraite ; cet ensemble de facteurs réels qui surgissent dans toute activité économique, en Algérie ou ailleurs, sous-tendent les conflits sociaux et alimentent les revendications syndicales. C’est précisément le rôle et la mission de tout syndicat. Si ces facteurs justifient et confèrent une légitimité certaine aux attentes du collectif de la SNVI, disons-le en toute impartialité, le train de mesures prises par les pouvoirs publics pour relancer ce complexe, le moderniser et le doter d’un plan de charges conséquent, sont aussi à saluer parce qu’elles vont dans le sens de l’intérêt des travailleurs et de celui de l’économie nationale. Encore aurait-il fallu engager des actions de communication et de sensibilisation en direction des collectifs des travailleurs en vue d’emporter leur adhésion.
Le conflit qui a opposé les syndicalistes à la direction de Mittal-Steel est riche d’enseignements parce que, au-delà des revendications matérielles classiques, les travailleurs exigent la modernisation de leur outil de production, notamment la cokerie. C’est une expérience nouvelle dans les luttes menées par un syndicat confronté aux intérêts d’une multinationale (ArcelorMittal) dont le seul objectif est de réaliser le maximum de profits y compris en concurrençant ses propres produits fabriqués en Algérie par l’importation et la commercialisation sur le marché algérien, es mêmes gammes produites dans ses filiales implantées à l’étranger. C’est donc un cas spécifique dans l’apprentissage des travailleurs algériens à défendre à la fois leurs intérêts et ceux de leur pays. Côté pouvoirs publics, le partenaire algérien, en l’occurrence Sider, actionnaire à 30%, a contribué à l’apaisement du conflit en s’associant à concurrence de 40% aux efforts de modernisation du complexe estimés à 200 millions de dollars. Cette expérience est à suivre et à méditer parce que dans le nouveau contexte économique mondial, le partenariat à travers le mixage de capitaux étrangers et nationaux (publics et privés) est une réalité objective.