Manifs en Algérie : la police a gagné (pour l'instant)
Les manifestations de ce samedi en Algérie, contre le régime d'Abdelaziz Bouteflika [1], président depuis onze ans, ont été « efficacement » réprimées par la police. Commencés à 11 heures à Alger et Oran notamment, les défilés se sont interrompus en fin d'après-midi.
35 000 policiers environ auraient été mobilisés dans tout le pays, dont 30 000 pour la seule capitale [2] où s'étaient réunis, place du 1er mai, entre 250 (autorités) et 3 000 (organisateurs) opposants – malgré l'interdiction de manifester. Abed Charef, journaliste et écrivain algérien :
« Je ne m'attendais pas vraiment à un rassemblement plus grand. Les organisations et les personnalités qui l'ont organisé n'étaient pas mobilisateurs et le dispositif sécuritaire était très important.
La conjonction de tout ça fait que cette journée a fait un bide total, contrairement à ce qu'il a été dit. »
Saïd Saadi [3], chef très médiatique du RCD, est une personnalité qui ne fait pas consensus en Algérie. Loin de là . Celui « qui fait des belles phrases » est même considéré, par certains jeunes, comme un repoussoir. Sur Twitter,@hocinedim [4] :
« Pour la plupart des Algériens, Saïd Saadi et la plupart des leaders d'opposition sont pires que Bouteflika. »
Selon un jeune manifestant algérien, qui rentre déçu de la manifestation :
« La colère du peuple est terrible. Cette marche a fait avorter quelque chose qui aurait pu arriver dans quelque temps. Elle a peut-être tué une explosion qui se préparait. J'espèrais que cela déborde un peu. Même pas. » N.L.B.
16h40. La Ligue algérienne de défense des droits de l'homme (LADDH) fait état de plusieurs blessés parmi les manifestants et les forces de l'ordre après que ces dernières ont dispersé les Algériens encore présents dans la rue. M.K.
Selon El Watan, la CNCD prévoit de tenir une réunion ce dimanche à la maison des
syndicats, « pour faire le bilan de l'action d'aujourd'hui et trouver les
moyens de capitaliser sur la dynamique née ce samedi 12 février ». N.L.B.
16h20. La plupart des manifestants ont été dispersés. La journée de mobilisation semble être sur le point de se terminer. Sur Al Jazeera, l'activiste Elias Filali :
« Nous reviendrons, mieux organisés. »
Sur Twitter, un message circule, celui de @radymoody [5] :
« Personne ne demande a personne de braver 30.000 policiers, mais est-ce trop demander de juste croire en votre cause ? » N.L.B.
16h10. Selon plusieurs utilisateurs Twitter, il semblerait que les femmes soient arrêtées en priorité. La thèse qui circule : les policières ont été mises en avant parce qu'elles risquaient moins d'être prises à partie par les manifestants.
Ces dernières, qui n'ont pas forcément la force nécessaire pour arrêter des hommes, préfèrent arrêter les femmes.
Selon Said Saadi, président du RCD, 1 500 personnes ont été arrêtées dont 500 femmes. Le président de la Ligue algérienne des droits de l'Homme, Ali Yahia Abdenour, a d'autres chiffres : selon lui, environ 400 personnes ont été arrêtées aujourd'hui dans le pays. N.L.B.
15h50. A Oran aussi, les manifestants sont nombreux. Ils sont encerclés par la police comme le montre cette vidéo postée sur YouTube. (Voir la vidéo)
La ligue algérienne de défense des droits de l'homme [6] annonce que 76 manifestants ont été arrêtés dans la deuxième ville du pays. M.K.
15h30. A Paris, dans la manifestation de soutien aux Algériens, organisée à 14 heures place de la République, on remarque le slogan d'inspiration tunisienne « Butef [Bouteflika] dégage ». Environ 300 personnes sont présentes sur place. (Voir la vidéo de Pierre Haski)
15 heures. Selon les DNA, à Alger, les manifestants se sont fait charger par la police. En représailles, ils lancent des pierres.
Plusieurs sources sur les réseaux sociaux témoignent de la répression policière envers les manifestants de Constantine, dont certains auraient été forcés de renter chez eux. M.K.
14h45. Selon plusieurs journalistes sur place, la marche est annulée. Un sit-in s'organise place du 1er mai, pour un temps indéfini. Plusieurs manifestants veulent au moins y passer la nuit.
14h40. Pour suivre la marche algérienne sur Twitter, deux comptes très actifs – en plus des hashtags ou mots-clés #12Fév, #Feb12, #Algeria :
- @jmsardo [7], correspondant portugais d'Euronews,
- @taharhani [8], journaliste à France 24. N.L.B.
14h30. Une riveraine nous résume les échanges entre les différents protagonistes de cette vidéo, tournée ce samedi, vraisemblablement sur la place du 1er mai à Alger.
L'homme au crâne rasé est accusé d'être un mouchard ou un flic en civil. Il nie. Le vieil homme lui demande de s'en aller et d'attendre les élections, au cours desquelles il pourra voter pour les « gens pour lesquels il travaille ».
Le jeune homme sort alors ses papiers d'identité et affirme être le fils d'un moudjahidine [9] du peuple. L'homme âgé lui répond que c'est impossible, qu'un moudjahidine n'aurait jamais fait un fils comme lui. N.L.B. (Voir la vidéo)
13h50. Un riverain nous alerte sur une première manifestation passée inaperçue. « Comme d'habitude, ça commence là où on s'y attendait le moins », note Thucydide. Le mercredi 9 février, à Ghardaïa, dans le sud du pays, selon Le Quotidien d'Algérie [10] :
« Parfaitement bien organisés, brandissant des banderoles qui appellent au changement, les manifestants ont clamé des slogans qui ne laissent aucune place à une quelconque ambiguïté : » Chaab yourid iskat ennidham » (Le peuple exige la chute du régime), « En nidhal, en nidhal, hata yeskout ennidham » (Militons, militons, jusqu'à la chute du régime). M.K.
13h45. Parmi les convaincus de la théorie des dominos, notre dessinateur-blogueur Baudry, déjà très inspiré par le printemps des peuples arabes [11].
13h15. Déjà la fin ? Selon les dernières nouvelles d'Algérie, un appel à la dispersion a été lancé par Mustapha Bouchachi, porte-parole du CNCD (coordination nationale pour le changement démocratique), le groupe qui rassemble partis d'opposition et syndicats.
Selon France 24, Saïd Saadi, président du parti d'opposition RCD, assure n'avoir pas eu le droit de s'exprimer à la télévision depuis huit ans.
Selon lui, environ 15 000 manifestants sont descendus dans les rues de la capitale algérienne. N.L.B.
13 heures. Selon le correspondant portugais d'Euronews sur Twitter, José Miguel Sardo [7] : Ali Yahia Abdennour [12]de la Ligue des Droits de l'Homme a été détenu par la police. Toujours selon le journaliste, les manifestants crient « Bouteflika serrak », ce qui signifierait « Bouteflika voleur ». N.L.B.
12h50. Des manifestants durement réprimés par la police. Une vidéo repérée sur le live-blogging de France 24 [13].N.L.B. (Voir la vidéo)
12h45. Si vous souhaitez fabriquer un masque pour vous protéger des bombes lacrymogènes, toutes les infos sur le site OccupiedPalestine [14]. MK.
12h30. Plus fort qu'Hortefeux pendant les manifestations des retraites : selon les dernières nouvelles d'Algérie (DNA), le ministère de l'Intérieur évalue le chiffre des manifestants à 250 personnes !
A Alger, les policiers répriment sévèrement les manifestants, comme le montre cette photo diffusée sur Twitter. MK.
12h20. Fermeture de tout les accès à la place des Martyrs, point d'arrivée de la manifestation, a l'aide de murs infranchissables de policiers et d'engins anti-émeutes. A Alger, des milliers de manifestants hurlent « Pouvoir assassin ». (Voir la vidéo)
11h50. Les marcheurs sont bloqués par la police autour de la place du 1er mai à Alger. Il y aurait à cette heure-ci près de 10 000 personnes sur cette place. Les manifestants chantent l'hymne national et des chants hostiles au pouvoir. Des tirs de sommation retentissent sur la place du 1er mai. Il y aurait 1 000 personnes manifestant en ce moment à Oran, deuxième ville du pays. N.L.B.
11h30. Le député du RCD, Boubekeur Derguini a été tabassé par la police. Il explique au quotidien algérien Dernières Nouvelles d'Algérie [15] :
» Il m'ont arrêté, roué de coups et trainé sur 20, 30 mètres en continuant à me tabasser. A l'intérieur du commissariat, ils m'ont relâchés quand je leur ai dit que j'étais député. » Marie Kostrz.
11h20. Le chanteur Amazigh Kateb [16], figure principale du groupe grenoblois Gnawa Diffusion chante dans la foule. Des centaines d'étudiants sont arrivé en renfort sur la place du 1er Mai. N.L.B.
11 heures. Impossible d'accéder pour quelques minutes au site El Watan. Sur Twitter, de nombreuses personnes se plaignent d'un plantage des sites d'information et réseaux sociaux en Algérie. Des manifestants s'inquiètent sur le site de micro-blogging de la présence d'Ali Belhadj, fondateur du Front islamique du salut, parmi les manifestants. N.L.B.
10h50. Saïd Sadi Le président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) et député d'Alger est bousculé par la foule et tapé par les policiers, « qui bastonnent tout le monde sans distinction », selon El Watan.N.L.B.
10h40. A Alger, les manifestants, qui demandent le départ de Bouteflika, brandissent une banderolle « Dehors dinosaure ».
10h30. Place du 1er Mai. Les Algériens se regroupent sur la place, point de départ de la manifestation. Le scénario égyptien se répète : selon El Watan, quelques pro-Bouteflika attaquent des manifestants. N.L.B.
(non validés par la rédaction de Rue89)
Les Algériens, prêts pour la révolution ?
Depuis le 17 décembre et l'immolation du jeune tunisien, Mohamed Bouazizi, l'Algérie proteste. Les émeutes de la vie chère, en janvier, ont fait au moins cinq morts et plus de 800 blessés. Depuis, les tentatives d'immolations par le feu sont devenues des scènes quasi-quotidiennes et des émeutes sporadiques éclatent un peu partout.
Vendredi, un chômeur de 36 ans, père de six enfants, s'est encore immolé près de la frontière tunisienne – quatrième décès par le feu.
Le pays vit au rythme de grèves depuis des semaines et 100 000 personnels du secteur paramédical ont cessé le travail depuis plusieurs jours.
Pas d'unanimité chez les Algériens
Mais, l'opposition regroupée, depuis le 21 janvier, dans la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), commencerait déjà à se fissurer. Un front « anti-marche » a été constitué, et le quadrillage policier qui laisse craindre des violences a dissuadé nombre d'Algériens de sortir dans la rue.
Face au mouvement, le pouvoir a organisé un arsenal sécuritaire. Le quotidien arabophone El-Khabar annonce 30 000 policiers déployés dans la capitale ce samedi et dans les villes qui manifesteront.
Il semblerait enfin que cette marche ne fasse pas l'unanimité chez des Algériens qui ne veulent plus entendre parler de violences. Après une décennie de guerre civile, entre le gouvernement algérien et différents groupes islamiques, lesévénements sanglants d'octobre 1988 [17], rien ne dit que les Algériens soient prêts à entrer dans une phase d'instabilité.
Nolwenn Le Blevennec
Photos et illustrations : dessin de Chimulus ; dessin de Baudry ; une opposante est arrêtée par des policières algériennes, le 12 février 2011 (Louafi Larbi/Reuters) ; dans la manifestation parisienne de soutien au peuple algérien, les drapeaux tunisien, égyptien et algérien (Pierre Haski/Rue89) ; les manifestants réprimés par la police à Alger (Maboulazm [18]/Twitter) ; dessin de Baudry ; mode d'emploi pour se faire un masque anti-lacrymos (OccupiedPalestine [14]) ; la place du 1er Mai à Alger, le 12 février (Facebook [19]).