MARDI 15-/Mercredi 16 5-2012


 

 

La présidentielle 2014 se dessine

Bouteflika et la carte Belkhadem

le 15.05.12 | 10h00

 
 

La victoire offerte au FLN aux législatives semble mettre sur orbite son secrétaire général pour la prochaine présidentielle. Le désormais ex-troisième homme de l’Etat, Abdelaziz Ziari, met en garde contre les tentatives de déviation du FLN de sa ligne nationaliste au profit du courant islamiste.

Les législatives du 10 mai ouvrent d’ores et déjà la voie à la course à l’élection présidentielle de 2014. Nombre d’observateurs et d’acteurs de la scène politique nationale n’ont pas manqué de mentionner que l’enjeu du scrutin législatif était sans doute la bataille pour la conquête de la Présidence.
              
Une sorte de répétition générale. Il va sans dire, en tout cas, que le remue-ménage qui a gagné le FLN depuis des mois est à inscrire dans le registre de la montée au créneau des différents clans ou courants qui traversent l’ex-parti unique, aujourd’hui plus que jamais désigné pour jouer les premiers rôles dans la succession à Bouteflika. A ce titre, il apparaît, selon toute vraisemblance, que le FLN s’est installé dans une espèce d’engrenage dont il convient de considérer la question du changement sous la latitude d’orientation idéologique. Sinon, comment expliquer toute cette agressivité contre l’éventuelle candidature de Abdelaziz Belkhadem pour briguer un mandat présidentiel ?

Est-il possible que cette guéguerre qui sous-tend des luttes intestines dans l’appareil du FLN soit circonscrite à la seule personne de Belkhadem ? Pas si sûr, lorsqu’on se représente les enjeux que soulèvent les questions de la succession.
L’actuel secrétaire général du FLN, sorti renforcé de la bataille des législatives, a souvent fait part de ses prétentions présidentielles depuis le 9e congrès du parti. Une ambition qui ne semble pas faire consensus au sein de sa formation politique. Au lendemain du dernier congrès, des voix, et pas des moindres, se sont d’ailleurs élevées contre Belkhadem. La contestation sous la bannière du mouvement de redressement, menée essentiellement par les vétérans du parti, avait, entre autres objectifs, de fragiliser le secrétaire général. Rendre caduque sa candidature à la magistrature suprême.

A la veille des élections législatives, Abdelaziz Belkhadem avait réussi un coup de force en imposant des listes de candidats à sa convenance. Il a éjecté tous ses détracteurs. Ne perdant pas de vue son objectif final, la présidentielle, l’actuel secrétaire général du FLN est allé tisser des alliances avec d’autres courants. Les islamistes. Des poids lourds, au sein du parti, dénoncent une dérive. Un glissement idéologique. Il est accusé publiquement de vouloir tirer le parti dans le giron islamiste et de lui imprimer une autre ligne politique qui n’est traditionnellement pas la sienne.

Le président de l’APN sortante, Abdelaziz Ziari, dit clairement qu’il existe «des tentations d’aller vers ce courant dit islamiste parce qu’on a considéré que c’était à la mode et porteur. Nous devons être attentifs à ce que ce qui a été rejeté massivement par les Algériens ne se retrouve pas sous une autre forme au sein du FLN». Il met en garde contre toute tentative de le subtiliser à des fins d’ambitions personnelles. De nombreux ténors du parti jurent de barrer la route, par tous les moyens, aux ambitions de Belkhadem. «Il n’a ni la stature ni les compétences d’un chef d’Etat», lui reprochent-ils. D’autres estiment qu’«il n’incarne pas les valeurs fondatrices du FLN qui sont le nationalisme et le progrès».

Seulement, voilà que ce dernier sort renforcé, du moins pour le moment, de la bataille des législatives. Le score important qu’a réalisé le FLN à l’occasion des législatives du 10 mai le place en tête d’affiche. Lors de sa conférence de presse au lendemain de l’annonce des résultats, il répétait que la victoire écrasante du FLN «est celle de Dieu et du peuple algérien». Ses détracteurs lui répondent : «Non, c’est celle de Bouteflika.»

La mise de 220 sièges à l’APN serait-elle, de ce point de vue, une étape dans la conquête du pouvoir à l’horizon 2014 ?
Le chef de l’Etat, qui s’est personnellement et pleinement impliqué dans la bataille des législatives – un fait inédit au demeurant – cherchait-il à dégager la voie à Belkhadem ? Le secrétaire général du FLN serait-il ainsi une carte – la seule – de l’actuel locataire d’El Mouradia ? Les autres cartes sont-elles grillées à jamais dans le feu des révoltes arabes ?
Néanmoins, force est de rappeler que le système politique, jouissant de plusieurs atouts, a toujours su garder la main dans le jeu de la redistribution du pouvoir.

Hacen Ouali
 

Abdelaziz Belkhadem, une ascension sous la houlette de Bouteflika

L’ambition présidentielle de l’ancien instituteur d’Aflou

le 15.05.12 | 10h00

 
 

Rien ne le prédestinait à un aussi riche palmarès politique.

Né en 1945 à Aflou, dans la wilaya de Laghouat, le secrétaire général du Front de libération nationale (FLN), Abdelaziz Belkhadem, a fréquenté l’école franco-musulmane de Tlemcen avant de devenir, au lendemain de l’indépendance, en 1962, instituteur à Aflou d’abord, puis à Sougueur dans la wilaya de Tiaret. Selon ceux qui l’ont connu, c’est vers 1973/1974, à l’occasion d’une visite du chef de l’Etat de l’époque, le défunt Houari Boumediène, que le «moâlim» (instituteur), qui a intégré les rangs du parti unique, alors passage obligé pour une place au soleil, se fait remarquer et surtout recruter à la présidence de la République qui s’apprêtait à lancer le processus d’arabisation du pays. Depuis, l’enseignant d’Aflou ne cesse de monter en grade. En 1977, lors des premières élections législatives dans le pays, il se fait «élire» dans un scrutin au mode uninominal à Tiaret. Il a présidé la commission éducation, formation et recherche scientifique, lorsqu’il a été décidé de plonger l’école algérienne dans l’enfer de la médiocrité.

Au bout de la troisième législature, Abdelaziz Belkhadem franchit un autre pas dans sa carrière politique en se voyant propulsé vice-président de l’Assemblée populaire nationale, avec le soutien, à l’époque, du défunt général Larbi Belkheir, lui-même originaire de Frenda (Tiaret). Après la démission de Rabah Bitat, c’est lui, en tant que vice-président, qui le remplace. En 1991, en pleine crise, il reçoit le n°1 du Front islamique du salut (FIS dissous), Abassi Madani. Ali Benhadj, son n°2, y prononce même un discours.

Abdelaziz Belkhadem, selon des témoins, se montra alors disposé à négocier avec ces islamistes qui étaient à deux doigts du pouvoir, avec la bénédiction bien sûr de l’ancien président Chadli Bendjedid, à la recherche d’une issue à la poudrière algérienne.
Les services de renseignement algériens auraient gardé un enregistrement dans lequel l’ancien président de l’APN indiquait aux représentants diplomatiques iraniens qu’il saluait «le choix de la solution islamique par le peuple algérien». Il ne déviera pas d’un iota de cette ligne puisque, même après son départ, Abdelaziz Belkhadem continuera à défendre l’option du dialogue avec les dirigeants de l’ex-FIS durant les années 1990.

Il fait une traversée du désert politique et revient avec le président Abdelaziz Bouteflika, qui vient de purger la sienne.  Son «plus haut fait de guerre» a été bien évidemment son opposition à la venue en Algérie du chanteur français Enrico Macias, pourtant invité par le chef de l’Etat. Ce dernier fait appel à lui en 2000, pour le nommer ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères. Il occupera ce poste jusqu’à mai 2005, date à laquelle le Président lui change de portefeuille pour en faire son représentant personnel.

Une année après, le président Bouteflika l’impose, contre vents et marées – tout Alger en parlait à l’époque – comme chef de gouvernement à la place d’Ahmed Ouyahia, secrétaire général du Rassemblement national démocratique (RND). Mais dans les années 2000, Abdelaziz Belkhadem n’a pas été que ministre. Il a été chargé de dompter un FLN qui a pris trop de libertés sous l’ère Ali Benflis, ancien secrétaire général du parti, ayant croisé le fer avec le candidat Bouteflika lors de l’élection présidentielle d’avril 2004. Mais pas seulement. Les deux hommes n’ont jamais été aussi liés. Ils ont développé une telle proximité qu’ils affinent leurs stratégies ensemble. Abdelaziz Belkhadem, maintenu dans le staff gouvernemental en tant que ministre sans portefeuille, et Abdelaziz Bouteflika ont totalement verrouillé le FLN : le premier est secrétaire général du parti, le second est son président.

Mais depuis 2011, l’ancien instituteur d’Aflou voit plus grand en nourrissant une ambition présidentielle en 2014. Il préconisait, il y a quelque temps seulement, de jouer la carte des islamistes en appelant les plus radicaux, même ceux qui ont pris les armes contre les Algériens, aujourd’hui «repentis», à venir grossir les rangs de ses partisans. Il recevait sans aucune gêne l’ancien chef de l’Armée islamique du salut (AIS) bras armé du FIS dissous et aurait promis à El Hachemi Sahnouni un autre responsable de l’ex-parti de Abassi Madani, la libération des prisonniers politiques. L’affaire avait défrayé la chronique, l’été dernier.

Le secrétaire général du FLN a maintenu la même option jusqu’à la veille des dernières élections législatives, où il a offert ses services aux islamistes en leur proposant une alliance. D’aucuns pensaient que Abdelaziz Belkhadem cherchait du renfort, lui qui était mis à mal par la crise qui secoue le parti, divisé en quatre fractions. Il s’avère que la lecture que laissent transparaître certains événements de ces derniers mois était fausse. Les élections législatives ont créé une nouvelle situation. Une nouvelle donne à laquelle les deux hommes, le chef de l’Etat et le secrétaire général du FLN, ne sont pas étrangers. 

Said Rabia
 
 

Au lendemain de l’annonce des résultats du scrutin législatif

Les Algérois entre abstention et résignation

le 15.05.12 | 10h00

 
 

Les élections législatives et le raz-de-marée du FLN semblent laisser les Algérois indifférents.

L’on vaque à ses occupations en cette chaude journée de mai. Ce scrutin, pourtant présenté comme «l’événement du siècle» par les discours officiels, n’aura rien changé à leur quotidien. «Et encore moins à nos vies !», s’exclame un quinquagénaire. «Nous ne pouvons même pas dire que nous sommes déçus car nous ne nous attendions à rien», poursuit-il en haussant les épaules. Pourtant, le changement tant réclamé par les citoyens était censé se «produire par les urnes».

Ces mêmes citoyens ne semblent pas du même avis. «Quel changement ? Ce n’était qu’un vœu pieux, un discours à usage externe. Le changement ne se décrète pas du jour au lendemain. Le changement s’opère d’abord dans les esprits, les mentalités. Et ce ne sont pas des élections fantoches qui, franchement, nous sortent par les yeux, qui y changeront quelque chose», assène un fonctionnaire.
Entre fatalisme et désintérêt total, que pensent-ils des résultats de cette consultation ? Le sujet les surprend et même les fait sourire. Tout particulièrement les plus jeunes, certains confessant «ne pas s’y être intéressés», «ne pas avoir d’opinion à ce propos». «Je ne m’attendais pas à cette question. Les élections ? Je n’en pense pas grand-chose.

Les résultats étaient prévisibles. J’avoue d’ailleurs que ceux qui s’attendaient à autre chose m’amusent», confie, souriant, un jeune cadre. Pour lui, la victoire du FLN est indéniable. Seulement, «pas à ce point». «Comme nombre d’Algériens, je ne nie pas que le parti soit en tête, mais les scores et le nombre de sièges remportés c’est tout de même un brin exagéré», juge un octogénaire, plongé dans la lecture de la presse nationale.  D’ailleurs, si sur les bancs publics, les occupants débattent vivement, journaux à la main, il suffit de prêter l’oreille à des bribes de conversation pour comprendre que les termes qui fusent ne sont, le plus souvent, pas tendres envers le pouvoir ou encore les grands gagnants de ce scrutin. «Fraude», «corruption», «tchipa», «PV trafiqué», «parti unique»… «Le FLN est au pouvoir depuis 50 ans et regardez l’état du pays. Je ne pense pas que les gens puissent avoir voté pour eux, je ne me l’explique pas», s’emporte une quadragénaire, cadre dans une entreprise privée. Avis que ne partage pas l’un d’eux.


La vraie question : l’abstention


«Les élections n’ont pas été fraudées, elles ont été calculées, étudiées et pensées. Cela fait des années que les partis au pouvoir, qui ont raflé la mise jeudi, achètent tout le monde à coups de milliards ou de privilèges. Dans ce contexte, il est évident que les Algériens votent FLN et RND», estime le sympathisant FLN. Pourtant, il n’a pas voté.
Ils étaient d’ailleurs peu nombreux à garder une ombre d’encre sur leur index. «Non je n’ai pas voté. Je connaissais les résultats et je ne vois pas pourquoi j’aurais cautionné cette mascarade», grommelle un trentenaire en montrant ses mains.  La vraie question suscitée par ces élections est, selon nombre d’entre eux, le fort taux d’abstention.

«Le paramètre sur lequel doivent urgemment se pencher le pouvoir et les partis politiques, et avec le plus grand sérieux, ce sont les millions d’Algériens qui n’ont pas jugé utile d’aller voter», estime, avec de grands gestes, un retraité de l’éducation. «Imaginons que j’organise une fête et qu’un de mes voisins, que j’avais pourtant invité, ne vienne pas. C’est le fait qu’il ne soit pas venu qui va le plus me préoccuper, non pas comment sont venus les autres», compare-t-il en souriant. «Je réfléchis à ce que j’ai bien pu lui faire pour qu’il m’en veuille autant et je tente de réparer mon erreur !», poursuit-il. «Alors j’estime qu’aujourd’hui, la priorité absolue des dirigeants algériens est d’écouter le peuple, de se pencher sur sa détresse», espère-t-il. «Ils ont eu leur victoire, et largement. Il est temps pour eux d’œuvrer pour le bien et la dignité des Algériens. Et surtout des plus jeunes», conclut-il en posant son regard sur un jeune vendeur de cigarettes.    
 

Ghania Lassal
 


16/05/2012
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