Par Moumene Belghoul
Mouammar El Kadhafi a affirmé qu'il restera en Libye malgré la révolte populaire exigeant son départ. Dans son premier discours depuis le début des troubles, il dit être prêt à mourir «en martyr» dans son pays. El Kadhafi a menacé les manifestants armés de «la peine de mort». Drapé dans une tunique safran, il a appelé l'armée et la police à reprendre la situation en main. Le colonel Kadhafi, qui tenait à la main son Livre vert, a également affirmé qu'il se «battrait jusqu'à la dernière goutte de son sang». «Mouammar Kadhafi n'a pas de poste officiel pour qu'il en démissionne. Mouammar Kadhafi est le chef de la révolution, synonyme de sacrifices jusqu'à la fin des jours. C'est mon pays, celui de mes parents et des ancêtres», tonnera-t-il dans un long discours incandescent en parlant de lui à la troisième personne. «Tous les jeunes doivent créer demain les comités de défense de la révolution : ils protègeront les routes, les ponts, les aéroports», dira-t-il. «Tout le monde doit prendre le contrôle de la rue, le peuple libyen doit prendre le contrôle de la Libye, nous allons leur montrer ce qu'est une révolution populaire», ajoutera-t-il dans une menace à peine voilée à l'endroit des contestataires. Sur le terrain, la Libye semble irrémédiablement avoir basculé dans un chaos indescriptible. La situation s'est détériorée et la répression des populations a pris des proportions encore plus graves. Après la Cyrénaïque, la violence a complètement gagné la région tripolitaine. De violents affrontements ont eu lieu dans les quartiers de Fachloum et Tajoura, dans la banlieue est de la capitale Tripoli. Les témoignages arrivant de Libye parlent de massacres de manifestants et de mercenaires africains tirant sur la foule. La télévision d'Etat tente de dissimuler une situation de plus en plus désastreuse, évoquant une opération menée par les forces de sécurité contre les «saboteurs» et «ceux qui sèment la terreur». Pour la télévision libyenne, ce qui se dit sur la situation n'est que «mensonges». Selon des témoignages recueillis par la Fédération internationale des Ligues des droits de l'Homme (FIDH), les violences contre les populations se poursuivaient toujours. Les milices et les forces de sécurité fidèles à Kadhafi sévissent de façon terrible, cassent les portes, pillent. «Il est impossible de retirer les corps dans les rues», clament des témoignages recueillis par les télévisions satellitaires. Tripoli est touchée par les violences. La piste de l'aéroport aurait été bombardée. L'Egypte a renforcé sa présence à la frontière avec la Libye pour assurer notamment le passage de ses ressortissants fuyant le pays. Une forte communauté égyptienne est présente dans l'est du pays. Les ONG évoquent des centaines de morts. De 300 à 400 morts, selon la FIDH. Plusieurs dirigeants libyens ont fait défection à l'instar du ministre de la Justice qui a démissionné «pour protester contre l'usage excessif de la force». C'est également le cas de diplomates en poste à l'étranger. Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme a exigé l'ouverture d'une «enquête internationale indépendante» sur les violences, évoquant la possibilité de «crimes contre l'humanité». Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni d'urgence autour de la grave situation en Libye. La chef de la diplomatie américaine, Hillary Clinton, a réclamé «l'arrêt du bain de sang inacceptable». L'Union européenne a «condamné» la répression, tout comme le secrétaire général de l'Otan. Dans la région, l'Organisation de la conférence islamique, l'Iran, le Hamas et le Qatar ont fermement condamné les violences. Les troubles en Libye, l'un des principaux pays producteurs de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) ont eu un effet certain sur les prix du brut. Face à la gravité de la situation, certains pays ont commencé à organiser l'évacuation de leurs
ressortissants.