Quand l’Emir Abdelkader était… chrétien

Edition du 27 janvier 2008 > Epoque
Emir Abdelkader
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La poste française émet un timbre à son effigie

Quand l’Emir Abdelkader était… chrétien

La Poste française procédera à l’émission d’un timbre commémorant le bicentenaire de la naissance de l’Emir Abdelkader le 21 février prochain.

La vente anticipée aura lieu à l’Institut du monde arabe (Paris) la veille de l’événement. C’est la première fois qu’un timbre postal français est consacré à cette personnalité historique algérienne. Malheureusement, à la lecture du dernier numéro de Phil’Info, on peut lire des contrevérités. Il est écrit que l’Emir : « Est né près de Mascara en 1808, descendant d’une ancienne famille chrétienne de marabouts, il fut élevé dans le respect de la religion. Â» On ne précise pas dans ce résumé où se situe la ville de Mascara, mais le fait le plus grave est d’affirmer qu’il est issu « d’une famille chrétienne Â». Cette remarque n’a pas échappé à Gilles Thevenon, adjoint au maire à la commune de Givors (Rhône) et chargé d’enseignement à l’université catholique de Lyon (Institut d’études politiques), qui s’est élevé contre ce texte qu’il juge qu’il « pourrait susciter un incident diplomatique Â». Il a saisi par écrit cette semaine la directrice de Philaposte : « N’y aurait-il donc pas de comité de relecture ? Qu’aurions-nous dit si la Poste algérienne avait rédigé au sujet de son timbre sur saint Augustin mis en 2001 qu’il était le descendant d’une famille musulmane ? Â» Il précise aussi que le Robert écrit que « Abdelkader est le descendant d’une famille chérifienne (et non pas chrétienne). Cette affaire montre quand même bien peu de sérieux Â». Gilles Thevenon est un collectionneur de timbres algériens. Rappelons qu’à l’occasion de la commémoration du bicentenaire de la naissance de l’Emir Abdelkader (1807-2007), Algérie Poste a déjà émis un bloc feuillet de trois timbres à l’effigie de cette figure emblématique.

R. E.

et si on consultait la bio de  l'Emir

L'Emir Abd-El-Kader

et  les prémices de l'Etat Algérien moderne

 

 

La formation:

Abd-El-Kader est né à la Guetna près de Mascara en 1808, Ã©levé dans la zaouïa paternelle dirigée par si Mahieddine, il reçoit une éducation solide qu 'il complète auprès des maîtres éminents à Arzew et à Oran. Il apprend les sciences réligieuses,la littérature arabe, l'histoire, la philosophie, les mathématiques, l'astronomie, la médecine...  Platon et Aristote, AI-Ghazâli, Ibn Rushd et Ibn Khaldûn lui sont familiers, comme en témoignent ses écrits. Toute Sa vie, il étudie et développe sa culture.

Le pèlerinage:

Il effectue le pèlerinage à la Mecque avec son père en 1826 et prend contact avec l'orient. Les pèlerins se rendent ensuite à Baghdad pour visiter le tombeau de Sidi Adelkader Djilâni, fondateur de la confrérie al-Qàdiriyya à laquelle se rattache la zaouïa de la Guetna. Ils échappent ainsi aux menaces du bey d'Oran qui a pris ombrage de l'autorité spirituelle de Si Mahieddine et de son fils en Oranie. 

 

L'engagement et la guerre:

 Après la prise d'Alger en 1830, Si Mahieddine et le jeune Abd-El-Kader participent à la résistance populaire, Abd-El-Kader se distingue par son courage et son intelligence. Les tribus de l'ouest se réunissent et veulent choisir un chef pour détendre le pays. Si Mahieddine , sollicité, s'excuse en raison de son âge et propose son fils Abd-EI-Kader qui fait l'unanimité, il est investi en qualité d'Emir par une grande assemblée réunie près de Mascara, le 21 novembre1832. L'Emir s'engage à diriger la guerre contre l'occupation étrangère, il organise l'Etat national, constitue le gouvernement, désigne les Khalifas pour administrer les provinces, mobilise les combattants, crée une armée régulière! lève les impôts et rend la justice. Il signe le traité Desmichels avec le général d'Oran le 24 février 1834, ce traité reconnaît son autorité sur l'Ouest et le Chelf.  Ratifié par le Gouvernement français, il est mal appliqué. Insaisissable, l'Emir se montre partout et nulle part, son infanterie et Sa cavalerie sont mobiles et efficaces.

 

 

 

Bugeaud et I'Emir :

                                                                  

Le général Bugeaud nommé à Oran négocie un nouveau traité avec l'Emir, le traité de la Tafna est signé le 30 mai 1837. L'Emir contrôle désormais l'ouest, le Titeri et une partie de l'algérois. Il consolide l'état, bâtit des villes fortifiées, fonde des ateliers militaires, soumet les rebelles et les collaborateurs. Le traité donne lieu à des contestations avec le Gouverneur Valée et la guerre reprend en novembre 1839. Bugeaud nommé gouverneur, veut occuper tout le pays, il pratique la méthode de la "terre brûlée', détruisant toutes les villes, les récoltes, troupeaux... L'Emir résiste avec énergie, remporte de brillants succès comme celui de Sidi Brahim (23 septembre 1845). Mais le pays est ruiné, les tribus sont épuisées, le soutien du Maroc fait défaut. L'Emir décide d'arrêter la guerre et choisit l'exil (décembre 1847). Le Gouvernement français accepte de le transporter en Orient.

La prison et l'exil :

L'engagement français n'est pas respecté. L'Emir est conduit à Toulon, puis à Pau et Amboise. Il est considéré comme prisonnier d'état jusqu'à octobre 1852, date à laquelle Napoléon III vient enfin le libérer. Il s'embarque pour la Turquie et s'installe à Brousse, puis se fixe définitivement à Damas où il reçoit un accueil triomphal. En dehors de quelques voyages et d'un nouveau pèlerinage, il ne quitte plus la Syrie et consacre son temps à la méditation, à la prière, à l'enseignement et aux oeuvres de bienfaisance. En 1860, les émeutes de Damas lui fournissent l'occasion de s'illustrer comme un personnage hors série. Il sauve des milliers de chrétiens du massacre et fait reculer les émeutiers. Plusieurs chefs d'Etat lui adressent des félicitations et des décorations, notamment ceux d'Angleterre, de Russie, de France... Célèbre et honoré, il s'éteint à Damas le, 26 mai 1883. Une foule considérable assiste à ses funérailles.

L'œuvre écrite :

L'Emir a beaucoup écrit. On peut citer notamment :

1-Dhikrâ al-âqiI, traduit en 1856, puis de nouveau en 1977 cette seconde traduction de R. KhawAm porte le titre de 'lettre aux français' ( réedit. Rahma. Alger). L'Emir y fait preuve d'une grande culture. 

2 - AI-miqràdh aI-hâdd (réed. Rahma. Alger). Il s'agit d'une réfutation de ceux 
qui s'attaquent àl'islam.

3 - AI-Sayra aI-dhàtiyya (autobiographie), éditée Ã  Alger (Dar-al-Umma)

4 - AI-mawâqif (médiations mystiques) édit, de Damas et d'Alger (ENAG. 1996) 3 volumes.

5 -La correspondance dispersée dans plusieurs ouvrages ou dans les bibliothèques et qu'il faudrait éditer.

archipress

La vie d'Abd el Kader
http://www.archipress.org/batin/emir/chapI.htm

CHAPITRE I

1807-1828




Abd el Kader Nasr-Ed-Din, quatrième fils d'Abd el Kader Mehi-Ed-Din, naquit au mois de mai 1807, à la ketna paternelle, dans le village ancestral sis sur les rives de la rivière Hammam. Cette localité est située dans le district d'Eghris, dépendant de la province d'Oran en Algérie (1).

Dès la première enfance, Abd el Kader devint l'objet particulier des plus chères affections de son père. Alors même qu'il était encore à la mamelle, le père attendri insistait constamment pour tenir l'enfant dans ses bras, et ce n'est qu'à regret qu'il le confiait à d'autres mains pour les soins les plus simples. On eût dit qu'une sorte d'impulsion secrète, ou indéfinissable, l'obligeait à consacrer une attention et un soin exceptionnels à cet enfant, dont la carrière future allait être, d'une manière si glorieuse et inoubliable, associée au destin de son pays.

Le jeune garçon, dès le début, fit preuve d'une robuste santé, tandis que, par un étrange contraste, son caractère accusait une grande timidité naturelle. L'expression " avoir peur de son ombre ", aurait pu, en ce qui le concerne, être prise au pied de la lettre. Dans les années qui suivirent, lorsque, dans la vigueur et la fierté de l'âge adulte, il brilla comme le plus brave d'entre les braves-toujours le premier pour mener la charge et le dernier pour couvrir la retraite-combien de fois son père ne l'a-t-il pas taquiné sur sa première fragilité de jeune garçon, pour mieux s'émerveiller de l'extraordinaire changement !

Les facultés mentales du garçon furent d'une inhabituelle précocité. Il pouvait lire et écrire à l'âge de cinq ans. A douze ans, il était " taleb", c'est-à-dire commentateur autorisé du Coran, des Hadiths ( tradition du prophète Mohammed ), et des plus estimées d'entre les gloses de sa religion. Deux ans plus tard, il parvint au titre hautement recherché de " Hafiz ", réservé au lettré qui sait par coeur la totalité du Coran. On lui confia dès lors une classe dans la mosquée familiale, où il expliquait les passages les plus difficiles et les plus obscurs des commentateurs Le but de sa juvénile ambition était de devenir un grand marabout, tout comme ce père qu'il aimait et admirait avec un enthousiasme qui touchait à l'adoration.

A dix-sept ans, le jeune homme se distinguait d'entre ses compagnons par sa force et sa souplesse. La parfaite symétrie, la grâce de sa tournure - sa taille était environ cinq pieds six pouces [soit 1 mètre 68 environ]-, sa robuste charpente, sa large et profonde poitrine, tout témoignait d'un édifice voué à une activité inlassable, capable de supporter l'extrême fatigue.

Comme homme de cheval, il était sans égal. Il n'était pas seulement un cavalier plein de grâce, mais son étonnante maîtrise dans ces hauts faits de l'équitation qui exigent le coup d'oeil le plus aigu, la main la plus ferme, et les dépenses les plus grandes de puissance musculaire, faisaient l'admiration de tous ceux qui le connaissaient. C'est ainsi qu'il faisait la voltige, prenant, d'une main, appui sur la croupe et touchant de la poitrine l'épaule de son cheval. Ou encore, lançant sa monture au grand galop, puis dégageant ses pieds des étriers et se dressant droit sur la selle, il tirait sur la cible avec une rare précision. Sous sa touche adroite et légère, son arabe bien dressé s'agenouillait, ou faisait la courbette, debout sur ses postérieurs, les antérieurs battant l'air, ou encore, faisant croupades et cabrioles, bondissait et sautait comme une gazelle.

Mais c'était sur le champ de course que le jeune homme brillait avec le plus d'éclat. Ce passe-temps passionnant, auquel la noblesse algérienne se livre avec un enthousiasme que ne surpassent guère nos amateurs du turf les plus exaltés, était son exercice favori. Montant un coursier noir de jais-(couleur qu'il affectionnait particulièrement parce qu'elle est généralement accompagnée de qualités équestres supérieures, et qu'elle ne soulignait que mieux la blancheur de son burnous) - il était le point de mire de tous les regards.

Sa tenue était fort simple. Seules ses armes témoignaient de quelque luxe. Son long fusil tunisien était incrusté d'argent, ses pistolets de nacre et de corail, et son sabre de Damas logeait dans un fourreau d'argent ciselé. Ce brillant appareil, joint aux dons exceptionnels que la nature lui avait dispensés, jetait sur sa personne un charme inexprimable.

Son visage, du type classique le plus pur, était singulièrement séduisant dans son expressive et presque féminine beauté. Son nez-de taille moyenne et délicatement dessiné - était un heureux compromis entre le type Grec et le type Romain; ses lèvres, finement ciselées et légèrement amincies, dénotaient à la fois une réserve pleine de dignité et une grande fermeté de caractère .; tandis que ses grands yeux, brillants, de couleur noisette, s'éclairaient, sous un large front d'une blancheur de marbre, d'une mélancolique douceur, où, par instants, étincelaient les éclairs de l'intelligence et du génie.

Une fois la course engagée, toute son attitude, tous ses gestes témoignaient d'un parfait sang-froid et d'une pleine maîtrise de soi. Distançant ses nombreux concurrents, il franchissait, seul le plus souvent, la ligne d'arrivée, au milieu des cris d'encouragement, des applaudissements, et des appels exaltants de centaines de voix féminines éclatant en " you-you " -ce cri aigu et perçant de joie et de bienvenue en usage chez les arabes et qui sait si bien soulever les coeurs des guerriers triomphants.

Et c'est ainsi qu'à d'autres périodes de sa vie où il accomplit ces raids fabuleux qui stupéfiaient et déroutaient ses ennemis, passant de nombreuses semaines, sans dormir sous un toit ou sans déposer son sabre-on put dire de lui, à juste titre que " sa selle était son trône ".

En Algérie, la noblesse se compose de deux classes distinctes -les Marabouts et les Djouads. Les premiers doivent leur rang à la religion, les seconds à l'épée. Ces représentants respectifs de l'influence morale et de l'ascendant physique se considèrent mutuellement avec mépris et jalousie. Les Djouads accusent les Marabouts d'ambition mal déguisée, d'une soif de richesse et de puissance dissimulée sous le prétexte spécieux que chacune de leurs acquisitions ne sert qu'au bien de la religion. Les Marabouts reprochent aigrement aux Djouads leur violence, leur vie de débauche et de rapine.

Le " Djied " se consacre entièrement à la chasse. Il trouve son plaisir dans tous les exercices vigoureux qui exigent adresse et courage. Il met son orgueil à être un expert en fauconnerie, ou un maître de la chasse à la gazelle, à l'autruche, à la panthère, au sanglier. Ces violentes poursuites, cette passionnante émulation qui fait tendre et rassembler toutes les énergies du corps et de l'esprit, le préparent aux affrontements plus sérieux de la guerre. La chasse est l'école de la razzia.

Bien qu'il n'eût certainement jamais contemplé la possibilité de participer un jour à une razzia, et bien qu'il désapprouvât catégoriquement cette façon de faire la guerre (généralement inspirée par le désir pur et simple de faire du butin) qu'il jugeait contraire à la fois à ses principes et à ses goûts, Abd el Kader s'adonnait toutefois à la chasse avec ardeur. Sa distraction favorite était la chasse au sanglier. Evitant soigneusement la tapageuse ostentation des Djouads, qui partaient en expédition avec leur long cortège de compagnons et de domestiques, leurs faucons et leurs lévriers, il enfourchait discrètement sa monture, et n'emmenant avec lui que deux ou trois familiers, plongeait dans les profondeurs de la forêt. Au retour de ses parties de chasse, il se remettait à ses études avec une ardeur renouvelée.

Il n'est pas surprenant qu'un être aussi hautement doué par la nature, et qui prenait si sérieusement à coeur la nécessité de se cultiver et de progresser, ait pu gagner peu à peu un ascendant considérable sur tout son entourage. En fait, Abd el Kader partageait déjà le respect, la confiance et l'affection sans limites, que les Arabes de la province d'Oran vouaient à son père depuis si longtemps. Ce dernier, débordant de la joie de voir ainsi réalisées ses espérances les plus chères, ne pouvait plus remplir une obligation sociale, ou célébrer quelque occasion, sans la présence de son fils favori. Dans ses audiences publiques, dans ses plans, dans ses projets, dans ses déplacements les plus brefs, comme dans ses visites plus lointaines aux beys Turcs résidant à la ville, ou aux tribus arabes du Tell et du Sahara, Abd el Kader était devenu son inévitable confident et compagnon.

Suivant l'usage musulman et la loi du Coran, Abd el Kader se maria jeune. " Mariez-vous jeune ", dit le Prophète, " le mariage permet à l'homme de maîtriser son tempérament et à la femme de régler sa conduite ". A cette période de la vie où les passions commencent à agiter le coeur de l'homme, Abd el Kader fut, plus spécialement encore, l'objet de la sollicitude de son père. Des serviteurs fidèles et dignes de confiance l'accompagnaient partout où il allait. On ne lui permettait jamais de rester seul. On lui évitait ainsi des tentations qui auraient pu mettre en danger la pureté de ses murs. A l'âge de quinze ans, il épousa sa cousine, Leila Heira, également remarquable par sa beauté et ses qualités morales.

Enfin arriva l'heure où Mehi-ed-Din, alors dans sa cinquantième année, sentit qu'il était de son devoir d'accomplir le pèlerinage à La Mecque. De grands préparatifs furent mis en train pour ce solennel événement. Que de supplications de la part de ses fils et de ses familiers pour être admis à la grâce de partager les dangers et les honneurs du voyage ! Qui aurait pu supporter la pensée d'être laissé en arrière ? Dans l'embarras où le jetaient de telles insistances, Mehi-ed-Din fit part de son intention de partir seul. Cependant, le lendemain, une exception fut annoncée: en faveur d'Abd el Kader. Le coeur brisé, tous furent obligés de s'incliner devant cette décision sans appel.
C'est ainsi que le père et le fils quittèrent la ketna en octobre 1823.



27/01/2008
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