Qui est Stéphane Hessel ?

Biographie :

Qui est Stéphane Hessel ?

Par Hortense Paillard / La République des Lettres, dernière mise à jour le mardi 04 janvier 2011.

Diplomate, Ambassadeur de France, résistant, citoyen du monde et inlassable militant des Droits de l'Homme, Stéphane Hessel est né le 20 octobre 1917 à Berlin (Allemagne). Son père est l'écrivain juif allemand Franz Hessel (1880-1941), auteur entre autres du Bazar du bonheur et traducteur, avec le philosophe Walter Benjamin, de l'oeuvre de Marcel Proust. Sa mère est l'artiste et intellectuelle juive berlinoise Hélène Grund, qui sera immortalisée en 1962 au cinéma par Jeanne Moreau dans le film de François Truffaut, Jules et Jim, tiré du roman autobiographique de son compagnon Henri-Pierre Roché.
En 1924, Hélène Grund-Hessel quitte Berlin avec ses deux fils pour vivre en France auprès de Henri-Pierre Roché. Le jeune Stéphane grandit parmi les intellectuels et artistes non-conformistes fréquentés par ses parents dans l'entre-deux-guerres et se passionne pour la poésie et la philosophie. Il suit ses études à Paris, d'abord à l'École alsacienne, puis au Lycée Louis-le-Grand où il passe le Bac en 1932. Il s'inscrit en Fac de Lettres puis, après un passage à la London School of Economics, intègre l'Institut d'Études Politiques de Paris (à l'époque dénommé École libre des Sciences Politiques).
En 1937, sous le gouvernement de Léon Blum, Stéphane Hessel obtient la naturalisation française. La même année, il entre à l'École Normale Supérieure de la rue d'Ulm où il suit les cours de Maurice Merleau-Ponty et passe un diplôme d'Études Supérieures de philosophie. En 1939, il épouse une jeune femme russe, Vitia Mirkine-Guetzévitch, qui lui donnera trois enfants: Anne, Antoine et Michel.
Lorsqu'éclate la Seconde Guerre mondiale, Stéphane Hessel est mobilisé à Saint-Maixent avec sa promotion de l'Ecole Normale. Fait prisonnier en 1940, il parvient à s'évader et rejoint le Général de Gaulle à Londres en mars 1941. Il est incorporé comme agent de liaison au Bureau de Contre-Espionnage, de Renseignement et d'Action (BCRA) des Forces Françaises Libres (FFL). Sa femme le rejoint à Londres en 1942.
Le 10 juillet 1944, il est arrêté par la Gestapo lors d'une mission à Paris. Il est déporté au camp de concentration nazi de Buchenwald avec un groupe de 36 autres résistants condamnés à mort. Le jour même de son 27e anniversaire, pour échapper à la pendaison qui l'attend, il prend l'identité d'un autre Français, Michel Boitel, qui meurt du typhus à l'infirmerie du camp. Le 4 avril 1945, pendant la débâcle allemande, il parvient à s'évader d'un train lors d'un transfert de Dora à Bergen-Belsen et rejoint l'armée américaine basée à Hanovre. Il regagne Paris en mai 1945.
Àprès la guerre, Stéphane Hessel décide de se consacrer à la politique et à la diplomatie. À l'automne 1945, il est admis au concours d'entrée du ministère des Affaires étrangères. De 1946 à 1950, il occupe un poste de Directeur administratif au Secrétariat général des Nations Unies à New York. En sa qualité de Chef de cabinet de Henri Laugier, à l'époque Secrétaire général adjoint de l'ONU et Secrétaire de la Commission des Droits de l'Homme, il participe aux côtés de René Cassin à la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui sera adoptée en 1948 par les Nations Unies.
En 1950, Stéphane Hessel devient directeur du Secrétariat des conférences à l'administration centrale. En 1955, il est rattaché directement au cabinet de Pierre Mendès-France, à l'époque Président du Conseil et Ministre des Affaires étrangères du Général de Gaulle. Il poursuit jusqu'en 1985 sa carrière de diplomate, occupant divers postes au gré des affectations de son ministère de tutelle: Conseiller du haut-commissaire de France à Saigon (1955-56), Chef du service de coopération technique à la Direction générale des affaires culturelles et techniques (1957-59), Directeur de la coopération avec la communauté et l'étranger au ministère de l'Education nationale (1959-64), Conseiller des affaires étrangères de 1e classe, Détaché au secrétariat d'Etat aux Affaires algériennes à Alger (1964-68), Ministre plénipotentiaire (1965), Président de l'Association des foyers internationaux et de l'Association de Formation des Travailleurs Africains (1959-64), en poste à l'administration centrale en qualité de Chef du service des Nations Unies et des organisations internationales (1969-71), Détaché auprès du secrétariat général des Nations Unies à New York pour exercer les fonctions de Sous-directeur du programme des Nations Unies pour le développement (1971-72), Chargé de mission au cabinet de Pierre Abelin, ministre de la Coopération (1974-75), Président de l'Office pour la promotion culturelle des immigrés (1975-77), Représentant permanent de la France auprès de l'Office des Nations Unies à Genève (1977-81) et enfin Délégué interministériel pour les questions de coopération et d'aide au développement (1981-83).
Élevé à la dignité d'Ambassadeur de France par François Mitterrand en 1981, Stéphane Hessel est admis à faire valoir ses droits à la retraite en 1983. Il adhère au Parti Socialiste et s'engage auprès de Michel Rocard dont il préside le réseau de soutien pour la candidature à l'élection présidentielle. Durant les deux septennats de François Mitterrand, il devient une sorte de "sage" pour diverses instances gouvernementales, dont notamment la Haute autorité de la communication de l'audiovisuel, qui s'occupe de répartir la Bande FM entre les radios libres de l'époque.
En avril 1987, deux ans après le décès de sa femme Vitia, il épouse à l'âge de soixante-douze ans Christiane Chabry, la femme avec il entretient une liaison depuis près de trente ans. Dans un documentaire diffusé récemment sur France 5 (Stéphane Hessel, sisyphe heureux de Sophie Lechevalier et Thierry Neuville), il revient sur cette situation: "Je pense que la façon de partager son amour entre plusieurs femmes est quelque chose qui m'est devenu naturel du fait même de la façon dont s'est développée la vie de ma mère. [...] Elle a compris que deux hommes pouvaient aimer la même femme, et que cette femme pouvait avoir une relation forte avec l'un comme avec l'autre. C'est ce que Truffaut a repris dans ce film qui, d'ailleurs, vient de l'aventure même de mes parents, Jules et Jim."
De 1990 à 1994, il participe au Haut conseil à l'intégration et représente la France à la Conférence mondiale de Vienne pour les Droits de l'Homme en 1993. Au printemps 1997, il est appelé à l'aide par le gouvernement pour assurer la médiation avec les Sans-papiers qui occupent l'église Saint-Bernard. À partir de 1999, il devient Membre du Haut conseil pour la coopération internationale et Président du Comité français de solidarité internationale.
Militant de la défense des droits de l'Homme, européen et anti-colonialiste convaincu, Stéphane Hessel n'a cessé de dénoncer les injustices. Bardé d'honneurs et de décorations (Grand officier de la Légion d'honneur, Grand Croix de l'ordre national du Mérite, Croix de guerre 39-45, Médaille des Evadés, Commandeur des Palmes académiques, Membre de l'ordre de l'Empire britannique, Prix Nord-Sud du Conseil de l'Europe, Prix UNESCO pour la promotion d'une culture des droits de l'homme), il co-préside aujourd'hui le Collégium international éthique, politique et scientifique, et est l'un des 130 parrains de la Coordination française pour la Décennie de la culture de paix et de non-violence. Il soutient également le fonds associatif Non-Violence XXI et l'ONG Bibliothèques Sans Frontières.
En 2002, de retour d'un séjour en Palestine où il rencontre Yasser Arafat assiégé par les Israéliens à Ramallah, ce survivant de l'Holocauste déclare: "Je vois les Palestiniens humiliés, colonisés, occupés par les Israéliens, alors que la naissance de l'Etat d'Israël avait été pour nous, en 1948, le sentiment d'une victoire sur les nazis. Maintenant, la façon dont les Israéliens traitent leurs voisins, les Palestiniens, de façon infâme, inadmissible, violant les droits de l'homme est un très mauvais souvenir pour moi".
En 2004, lors de la commémoration du 60e anniversaire du Programme du Conseil National de la Résistance du 15 mars 1944, il signe l'appel collectif des résistants de la première heure qui invite "les jeunes générations à faire vivre et retransmettre l'héritage de la Résistance et ses idéaux toujours actuels de démocratie économique, sociale et culturelle".
Il signe en août 2006 l'appel de l'Union Juive Française pour la Paix (UJFP) contre les bombardements israéliens au Liban.
En février 2008, il fustige le non-respect de l'article 25 de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme par le Gouvernement Fillon / Sarkozy dans le dossier des Sans-logis.
En 2009, l'ancien haut commissaire pour les Droits de l'Homme dénonce violemment les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par Israël lors de l'agression contre les Palestiniens de la Bande de Gaza (1.400 morts palestiniens, pour la plupart des civils). Défenseur du peuple palestinien écrasé depuis plus de soixante ans sous le joug israélien, il devient l'un des principaux membres du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine, fondé pour que les états et les organisations internationales comme l'ONU ou l'Union Européenne jugent enfin les graves infractions commises par l'État juif contre le Droit international et mettent un terme à son impunité.
Il apporte son soutien au jeune militant franco-palestinien Salah Hamouri, membre du FPLP (Front Populaire de Libération de la Palestine), détenu illégalement dans les geôles israéliennes et totalement ignoré par les médias et les autorités françaises qui, deux poids deux mesures, préfèrent soutenir le militaire franco-israélien Gilad Shalit détenu par le Hamas.
Il soutient aussi le mouvement "Boycott, Désinvestissement Sanctions", qui appelle les citoyens du monde entier à isoler économiquement l'Etat juif en boycottant les produits israéliens provenant des territoires palestiniens occupés, ce qui lui vaut d'être menacé et poursuivi par les partisans du régime d'appartheid israélien. Le Bureau National de Vigilance contre l'Antisémitisme (BNVA), présidé par l'ex-commissaire de police Sammy Ghozlan, dépose ainsi une plainte contre lui pour "provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence". Comme de nombreux intellectuels défenseurs de la cause palestinienne (Edgar Morin, Noam Chomsky, Pierre Bourdieu, Alain Badiou, Umberto Eco, José Saramago, Jean-Luc Godard, Pascal Boniface, Rony Brauman, etc), il est injustement accusé d'antisémitisme. Certaines personnalités politico-médiatiques tentent de détruire sa stature de conscience morale, allant jusqu'à mettre en doute son passé de Résistant. Sur Facebook, le "chercheur" du CNRS Pierre-André Taguieff ira même jusqu'à inciter ses lecteurs à "écraser la tête du serpent venimeux nommé Hessel".
En décembre 2009, il se présente aux élections régionales sur la liste d'Europe Ecologie (EE), conduite à Paris par l'ex-président de Greenpeace Robert Lion.
En mai 2010, ce compagnon de Jean Moulin dénonce, avec son ami Walter Bassan et d'autres anciens Résistants, les tentatives de récupération historique de Nicolas Sarkozy qui se rend au plateau des Glières (Haute Savoie), où furent tués en mars 1944 plus d'une centaine de maquisards par l'armée allemande et la police de Vichy. Selon lui, "Résister en 2010, c'est lutter contre les mortelles dérives du capitalisme barbare, qui aggrave les injustices sociales, tue des milliers d'hommes sur la planète et aggrave l'état de la terre, du ciel, de l'eau". C'est aussi s'opposer à la politique sarkozyste de destruction des acquis sociaux mis en place précisément par les mouvements de résistance gaullistes et communistes après la guerre. Quelques mois plus tard, il apporte également son soutien aux enseignants-désobéisseurs du Réseau des Enseignants du primaire en Résistance.
Stéphane Hessel est l'auteur de plusieurs livres dont notamment: Danse avec le siècle (autobiographie, 1997), Dix pas dans le nouveau siècle (2002), Ô ma mémoire: la poésie, ma nécessité (recueil de poèmes commentés, 2006), Citoyen sans frontières (conversations avec Jean-Michel Helvig, Prix Jean Zay 2008), et Indignez-vous ! (2010).
Ce dernier petit essai d'une trentaine de pages, véritable plaidoyer pour la sauvegarde des acquis de la Résistance aujourd'hui bafoués par Nicolas Sarkozy, bat tous les records de vente en librairie. Publié en octobre 2010 par les Éditions Indigène (une petite maison d'édition de Montpellier fondée en 1996 par Jean-Pierre Barou et Sylvie Crossman), quelque 500.000 exemplaires ont été vendus en quelques semaines.
Stéphane Hessel y dénonce le sort des Palestiniens ainsi que la dictature des marchés financiers. Il rappelle les principes et valeurs du Conseil National de la Résistance, qui créa notamment la Sécurité sociale et les services publics, généralisa les Caisses de Retraite, imposa la nationalisation des banques et des sources d'énergie (EDF, etc), développa l'instruction pour tous, et mis en place une presse indépendante des puissances de l'argent. Comme ses anciens compagnons de route, il appelle à "une insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon à notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et la compétition à outrance de tous contre tous".
Pour Stéphane Hessel, il nous appartient toujours aujourd'hui "de veiller tous ensemble à ce que notre société reste une société dont nous soyons fiers: pas cette société des sans-papiers, des expulsions, des soupçons à l'égard des immigrés, pas cette société où l'on remet en cause les retraites, les acquis de la Sécurité sociale, pas cette société où les médias sont entre les mains des nantis".



06/01/2011
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