L'ALPE D'HUEZ (Reuters) - Carlos Sastre a pris le pouvoir dans le Tour de France et donné raison à son équipe CSC d'avoir imprimé un rythme d'enfer dans la dernière étape des Alpes mercredi.
Il vit à 32 ans l'aboutissement d'une carrière entièrement dévouée aux Grands Tours et s'interdit pour le moment d'envisager la suite et une possible victoire à Paris.
A l'heure des pronostics avant le départ de Brest, le nom de ce petit grimpeur espagnol n'a pas été cité spontanément. Parce qu'il n'est pas un gagneur. Parce que sa saison a été insipide et parce qu'il n'est pas le plus talentueux.
Au fil des jours, ce coureur qui ne coince jamais a vu sa cote grimper. Parce qu'il a l'équipe la plus forte. Parce que sa position chez CSC en retrait des deux frères Schleck était finalement confortable et, on le sait désormais, parce qu'il avait la parole de son patron, Bjarne Riis, d'être le coureur privilégié.
Dans sa carrière débutée en 1998, Sastre s'est installé comme une valeur sûre du cyclisme espagnol.
Fils d'un dirigeant de club et beau-frère de Jose-Maria Jimenez, mort d'un infarctus pendant une cure de désintoxication à la cocaïne en 2003, il a appris son métier auprès de Laurent Jalabert chez Once puis l'a suivi chez CSC et n'a eu d'envie que pour les courses de trois semaines.
Il dispute actuellement son 16e Grand Tour, a couvert les trois une même année en 2006 pour ne jamais cesser de progresser: cinquième, puis troisième et deuxième de la Vuelta en 2007.
PARI
Il fut 20e de son premier Tour de France en 2001, quatrième l'an dernier. Pour atteindre son rêve, Sastre, qui a déjà exploré tous les moyens de préparation du Tour, a demandé à son patron, l'hiver dernier, de tenter un pari.
"Pour la première fois, je n'ai pensé qu'au Tour de France. Les résultats du début de saison m'importaient peu", dit-il.
"J'ai été volontairement en retrait dans le Critérium du Dauphiné-Libéré mais je pense avoir bien travaillé pour être au mieux dans ce Tour de France."
Dans les rangs d'une équipe sûre de sa force, il a accepté un second rôle derrière les frères Schleck tout en s'appliquant à n'être jamais distancé.
Il a attendu son heure, se sachant supérieur à eux dans l'exercice du contre la montre. La suite, son attaque dans l'Alpe d'Huez notamment, était finalement logique. Et bien construite.
"Au début de l'étape, on voulait essayer de durcir la course mais il y avait trop de vent dans le Galibier. On a attendu la Croix de Fer profitant de nos équipiers puissants qui sont de grands rouleurs plutôt que des attaquants", raconte Sastre.
"Il fallait garder de l'énergie pour essayer de prendre le plus de temps à Menchov et Evans qui sont nos adversaires. Au début de l'Alpe d'Huez j'ai décidé d'attaquer.
"Je l'ai dit à Frank (Schleck), je me sentais bien. J'ai seulement pensé à prendre du temps."
Avec de deux minutes d'avance sur la ligne d'arrivée, Carlos Sastre n'a pas sorti de sa poche la tétine de sa petite fille qu'il avait porté à la bouche en gagnant sa première étape, en 2003 à Ax-Trois Domaines.
Il a attendu, sans cesser de regarder le chrono défiler. Puis son patron, ses équipiers sont venus l'étreindre, fiers de leur belle journée.
"Après tant d'années, ce maillot jaune conquis à l'Alpe d'Huez, c'est un rêve devenu réalité. Un rêve qui n'aurait pas pu être possible sans mes équipiers et surtout sans la liberté que les frères Schleck et Riis m'ont donnée", explique-t-il.
"Ce soir, je ne sais pas si je peux gagner le Tour. Je veux savourer, bien m'amuser pendant deux jours avec ce maillot jaune, bien me reposer et samedi il sera assez tôt pour penser au contre la montre."
Edité par Julien Prétot