Une quarantaine de blessés ont été enregistrés dans la nuit de mardi à mercredi à l'Appreval.
La tension ne cesse de monter à deux jours du match qui mettra aux prises le RC Kouba face à l'USMH pour le compte de l'avant-dernière journée du championnat. Une rencontre décisive pour les deux clubs qui aborderont l'ultime virage vers l'accession. Deux des plus grandes localités de la capitale, à savoir Kouba et El-Harrach, deux agglomérations voisines qui se regardent en chiens de faïence. Les échauffourées ont commencé dans la nuit de mardi à mercredi au quartier l'Appreval. Les forces antiémeutes sont intervenues pour ramener l'ordre. Ainsi, mardi en début de soirée, aux environs de 18h, des bagarres ont éclaté entre les supporters des deux clubs à l'Appreval, causant d'importants dégâts matériels. En tout cas, ce qui s'est passé hier au quartier Appreval de Kouba renseigne un peu plus sur la situation demain si des mesures ne sont pas prises en urgence. Tout a commencé lorsque des Harrachis ont investi le quartier Appreval en pensant aller jusqu'à Ben Omar pour réclamer des tickets d'entrée pour le stade Benheddad. Une manière qui n'a pas été du goût des résidents dudit quartier qui s'y sont opposés. Et c'est le début des escarmouches. Bilan : une voiture 4x4 et un véhicule saccagés, des cabines téléphoniques Houria vandalisées, de nombreuses vitres de maison ont volé en éclats. Des routes barrées avec des pneus brûlés à l'image des Quatre-Chemins d'Appreval fermés pour plusieurs heures et les arrêts de bus vitrés saccagés aussi. Même la route du tunnel de Oued-Ouchaïah a été bombardée par toutes sortes de projectiles, rendant la circulation difficile aux automobilistes. Un policier a été blessé par des feux d'artifice "signal" et a dû se rendre à l'hôpital pour des soins, a indiqué une source proche. Les affrontements se sont poursuivis entre les supporters harrachis et la police qui ont usé de leurs matraques pour ramener l'ordre dans le quartier à une heure tardive de la nuit, minuit passé.
Vendredi "13"
À Kouba et dans ses différents quartiers, c'est carrément l'alerte. Chacun à sa manière cherche comment se protéger demain vendredi. Kouba est devenue du coup la ville de toutes les craintes. Un climat que Kouba n'a connu que lors des années de braise. "Ça va mal tourner, il faut agir pour éviter le pire", lancera Rachid, un habitant de Ben Omar qui craint le pire pour son quartier limitrophe du stade Benhadad. "C'est vraiment désolant de voir les choses sortir jour après jour de leur cadre sportif. C'est vrai que c'est un match important, mais c'est aux joueurs de s'affronter sur le terrain selon les règles du jeu. Ce n'est pas un match entre supporters. En tout cas, on ne se laissera pas faire et les supporters d'El-Harrach n'ont pas intérêt à provoquer les habitants de Ben Omar. On n'a rien contre eux, mais s'ils décident de s'attaquer à nos biens, on n'aura pas d'autre choix que de réagir. J'espère qu'on ne va pas arriver jusqu'aux affrontements, car cela n'arrange personne", a-t-il souhaité. D'ailleurs l'idée de délocaliser la rencontre loin de la capitale a été abordée par un Koubéen. "Maintenant si nos enfants, nos familles doivent prendre des risques autant délocaliser cette rencontre", avant qu'un autre ne réplique : "Cela servirait à quoi ? Aucun maire ne voudra prendre le risque de faire jouer ce match chez lui, sauf s'ils vont jouer au Maroc vu que les frontières sont fermées", a-t-il ironisé. C'est le même son de cloche dans tous les autres quartiers de Vieux-Kouba, Jolie-Vue, La Croix en passant par Garidi et lotissement Michel ; on se prépare comme on peut pour ce vendredi. Un vendredi pas comme les autres, comme nous le dira Hafid, un habitant du Vieux-Kouba. "On est fin prêt pour le match et on soutiendra notre équipe jusqu'au bout. Les Harrachis sont les bienvenus à Kouba, mais je dois vous dire que nous n'accepterons pas de voir des actes de violence, car si tel est le cas, on sera forcé de riposter et de nous défendre. J'ai toujours privilégié l'esprit sportif, mais vous savez c'est devenu une coutume, avant et après chaque match, c'est la violence qui s'installe et de notre côté on se prépare. Je suis convaincu aussi que la décision de la présidente de l'APC de Kouba de ne pas vendre de tickets aux Harrachis répond à nos inquiétudes. C'est un vrai risque de voir les Harrachis débarquer en masse à Kouba, les affrontements seront dès lors inévitables", ajoutera-t-il.
Des Harrachis résolus
Du côté d'El-Harrach, pour faire pression afin d'obtenir un maximum de tickets pour le match, les supporters ont vite improvisé une marche pour aller au stade de Kouba faire entendre leurs doléances et c'est à l'Appreval qu'ils se font bloquer par leurs homologues koubéens. "On ne cherche que nos droits, personne ne pourra nous empêcher d'aller au stade ; on y sera coûte que coûte." Sur la question de la violence, un des supporters de l'USMH nous dira que cette violence n'est pas propre à eux, mais à tous les Algériens. "Aujourd'hui, tout le monde nous désigne du doigt comme étant un public violent, je suis désolé, mais tous les publics d'Algérie sont violents, on est en train de lire les journaux et de voir ce qui se passe partout dans les stades du pays. Cette violence n'est pas propre à El-Harrach. Pourquoi ? On ne cherche que des tickets pour supporter notre équipe", nous lancera-t-il.
Sans surprise, cette rencontre se jouera un vendredi comme souhaité par les responsables sécuritaires, qui ont d'ailleurs prévu un dispositif de 6 000 policiers pour bien encadrer cette rencontre. La ville de Kouba recevra les supporters rideau baissé ; une bonne nouvelle aussi pour les commerçants qui ne voudraient pas faire les frais d'une rencontre à très hauts risques. Le principal itinéraire des supporters sera solidement encadré par des éléments de la police, prêts à intervenir au moindre accroc, et ce, d'El-Harrach jusqu'à l'entrée du stade Benhadad.
Récupération
Alors que tout le monde est en train de faire le maximum pour apaiser la tension entre les supporters des deux équipes, notamment les dirigeants des deux clubs, voilà qu'une tierce personne entre en jeu. En effet, il s'agit de l'ancien numéro deux du FIS dissous, Ali Benhadj. Ce dernier est allé jusqu'à faire un tour à El-Harrach pour demander aux Harrachis d'éviter les affrontements avec les Koubéens, tout en multipliant ses sorties dans les différentes mosquées. Certains à El-Harrach comme à Kouba estiment que l'implication de Ali Benhadj sans qu'il soit invité n'est pas fortuite et répond à des desseins politiques. "Il n'arrête pas de multiplier les contacts avec les jeunes des deux communes, il a trouvé un prétexte pour revenir au-devant de la scène, mais je pense que nos jeunes ont compris la leçon", nous dira un des habitants d'El-Harrach qui a assisté aux discours de Ali Benhadj. En somme, pendant ce temps, la colère gronde et le match de ce vendredi est classé à hauts risques par les autorités qui devront mettre en place un impressionnant dispositif de sécurité. Mais cela suffira-t-il devant deux galeries qui échangent chaque jour toutes sortes de menaces et qui se préparent pour l'ultime affrontement ? Le signal d'alarme a été donné hier à l'Appreval avec un avant-goût de ce qui pourrait être l'irréparable demain. Pourtant, il ne s'agit là que d'un match de football.
Chérif M.