Tour de France - Un coup pour rien
Eurosport - mer, 23 juil 11:07:00 2008
La 16e étape a accouché d'une toute petite souris, mardi entre Cuneo et Jausiers. Les favoris n'ont pas voulu (ou pu) s'expliquer sur un terrain pourtant propice à une bataille d'envergure. A ce petit jeu de dupes, le grand vainqueur, par défaut, s'appelle Cadel Evans...
DrÎle d'étape. Certes, à la veille du fabuleux festin final des Alpes, avec le Galibier, la Croix-de-Fer et l'Alpe-d'Huez, on se doutait que les ténors allaient en garder sous la pédale. Mais à ce point... Comme s'ils s'étaient tous donné le mot, ils se sont épargnés tout au long des deux ascensions classées hors catégorie de cette 16e étape. Pas une seule petite attaque. Tout juste Carlos Sastre et Bernhard Kohl ont-ils esquissé un début d'accélération à six kilomÚtres du sommet de Bonette-Restefond, avant de se rasseoir aussitÎt. Pour de bon. Coup de bluff? Pas sûr. Chacun semblait au taquet et personne n'avait le jus nécessaire pour faire basculer ce Tour.
Dommage pour le spectacle. Tant mieux pour le suspense. A cinq jours de l'arrivée à Paris, il est toujours impossible de dire qui succÚdera à Alberto Contador. Frank Schleck, Bernhard Kohl et Cadel Evans, les trois premiers du classement général, se tiennent toujours en huit minuscules secondes. DerriÚre eux, le paysage s'est légÚrement éclairci. Par défaut. Des six prétendants au maillot jaune au départ de Cuneo, Christian Vandevelde a baissé pavillon. L'Américain est à plus de trois minutes. Un client de moins. Il en reste donc cinq.
Sergeant: "La situation est idéale"
Cinq? Officiellement, oui. Mais Denis Menchov, le cinquiÚme de ces larrons, a lùché du lest dans la descente vers Jausiers, en concédant 35 secondes. "Pourtant, je me sens fort. Dans les deux cols, je me sentais vraiment bien. Je suis un peu amer ce soir, mais je ne peux rien y faire. C'est comme ça. Je n'ai pas paniqué, mais la situation était difficile dans la descente. Quand on est seul, l'écart grimpe vite", peste le Russe. Evidemment, la concurrence se frotte les mains. "TrÚs franchement, je préfÚre voir Menchov à une minute qu'à trente secondes", confie Marc Sergeant, le manager de Silence-Lotto, dans un grand sourire.
Sergeant a bien raison. De cette journĂ©e de dupes, son poulain, Cadel Evans, ressort comme le grand bĂ©nĂ©ficiaire. Sans avoir bougĂ© le moindre orteil, il a effectuĂ© une affaire en or. Vandevelde out, Menchov distancĂ©, l'Australien a pris du temps par rapport aux deux seuls autres rouleurs du lot des prĂ©tendants. Il nourrissait malgrĂ© tout quelques regrets Ă l'arrivĂ©e. "Je n'ai pas eu de chance dans la descente de la Bonette car je voulais partir avec Sanchez quand il a attaquĂ© et une moto arrĂȘtĂ©e se trouvait sur ma trajectoire, raconte-t-il. Il a pris 200 m et il est restĂ© lĂ jusqu'Ă un kilomĂštre de l'arrivĂ©e. Si j'avais pu prendre sa roue, je ne sais pas ce qui serait arrivĂ©..." Reste que, s'il est encore devancĂ© par Schleck et Kohl, et toujours sous la menace de Carlos Sastre, quatriĂšme Ă 49 secondes du maillot jaune, Evans sait pertinemment qu'il pourra mettre ce trio au pas lors du dernier contre-la-montre de 53 kilomĂštres, samedi. "A mon avis, la situation est idĂ©ale pour nous", lance Sergeant. Difficile de le contredire.
Andy s'est retenu
Tel est bien le paradoxe pour l'Ă©quipe CSC Ă l'heure de dresser le bilan de la journĂ©e. Frank Schleck a conservĂ© son beau maillot jaune. Carlos Sastre a grappillĂ© deux places au gĂ©nĂ©ral et se rapproche du podium. Andy Schleck a mĂȘme rĂ©cupĂ©rĂ© le maillot blanc du meilleur jeune. Pourtant, la formation de Bjarne Riis a sans doute perdu une occasion de faire la diffĂ©rence. "Malheureusement, je ne peux que vous donner raison", a reconnu Frank Schleck. Le Luxembourgeois le sait, son pĂ©cule sur Evans est dĂ©risoire dans l'optique du dernier chrono. Il avait deux Ă©tapes pour se mettre Ă l'abri. Il ne lui en reste qu'une. Le pari est risquĂ©.
Conscients de la fragilité de la situation, pourquoi les CSC n'ont-ils pas lancé de grande offensive? Tout simplement parce qu'ils n'en avaient pas les moyens. "Ce n'était pas possible de faire la différence car il y avait beaucoup de vent dans le col de la Bonnette, explique Riis. Cela ne servait à rien d'attaquer pour prendre vingt secondes puis de devoir prendre des risques dans la descente pour les défendre." Andy Schleck avance une autre explication: "Malheureusement je crois que mes équipiers n'étaient pas aussi bien que dimanche, donc j'ai mis un bon rythme mais pas un rythme suffisant pour faire exploser les autres."
Mercredi, vent de face ou pas, fatigue ou pas, il faudra pourtant bien tenter quelque chose. "Nous allons essayer d'attaquer, nous sommes prĂȘts Ă faire quelque chose", promet Riis. Le manager scandinave veut y croire. "Ce sera plus profitable pour nous avec une arrivĂ©e en cĂŽte Ă l'Alpe-d'Huez. En tout cas, ce type d'arrivĂ©e convient mieux Ă nos trois cartes. L'Ă©tape a Ă©tĂ© dure aujourd'hui et certain le paieront demain." Reste Ă savoir qui. Ses hommes n'ont en tout cas plus le choix. Comme Bernhard Kohl et Denis Menchov, pour des raisons diffĂ©rentes, sont Ă©galement condamnĂ©es Ă sortir du bois, l'Alpe-d'Huez sera certainement le thĂ©Ăątre d'une explication grandeur nature. Enfin. Ou alors c'est Ă n'y plus rien comprendre...