Trisomique 21, et alors ?

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Trisomique 21, et alors ?

le 22.03.13 | 10h00

 
	Jouer de la flûte, Fodil adore ce moment qui ne semble n’appartenir qu’à lui.
| © Souhil. B.
Jouer de la flûte, Fodil adore ce moment qui ne semble...

Il rêve de devenir une star de la musique et a tout pour réussir. Fodil, 29 ans, combat à lui tout seul tous les préjugés de la société contre les trisomiques 21. Alors que la journée d’hier était consacrée à cette anomalie génétique – qui n’est pas une maladie – El Watan Week-end a partagé le quotidien d’un jeune homme exceptionnel.

Fodil commence sa journée en prenant un café au lait. Il répond au téléphone, prend le bus, joue de la mandoline et de la flûte. Son quotidien ressemble peut-être au nôtre. Mais Fodil, 29 ans, n’est pas comme tous les jeunes de son âge. A sa naissance, on lui a découvert 47 chromosomes. Vous n’en avez que 46. Là où le commun des mortels a deux chromosomes 21 dans sa carte génétique, il en a trois. «On a toujours voulu dire et prouver, à travers Fodil, que la trisomie n’est pas une maladie, mais un état, précise Abès, son père, un des fondateurs de l’Association nationale pour l’insertion scolaire pour les trisomiques 21. Il est important que Fodil puisse vivre sa vie et réaliser ses souhaits en s’investissant dans le domaine artistique.»

Car Fodil consacre la plupart de ses journées à la musique. Ce mardi matin dès 9h30, son père l’accompagne au centre de formation artistique de Kouba. Malgré son habileté à se déplacer par bus, son père, retraité, l’accompagne souvent à la maison de jeunes du quartier. «Je l’accompagne car j’ai du temps libre, et j’adore le voir jouer !», confie-t-il avec beaucoup de tendresse. Fodil, comme d’autres de ses amis, ont prouvé plusieurs fois leur talent. Tout ce que je souhaite, c’est de leur donner la chance d’évoluer et les faire connaître du grand public.» Fodil interrompt la conversation. «Tu m’emmènes, d’accord, mais après, tu me laisses tranquille avec mes ami(e)s», dit-il à son père avec spontanéité. Il y a Yasmine, Chahinaz et Mahrez qui m’attendent là-bas, je ne veux pas que vous restiez avec moi, sinon, ils diront que je suis petit.»

A vava inouva

La mixité – filles et garçons mais aussi trisomiques et non trisomiques – plaît aux parents de Fodil. «Il n’était pas question qu’il s’isole, au contraire, il est bien conscient que la solitude est amère», a déclaré son père. En hochant la tête, il l’interroge : «Mais tu ne nous invites pas à assister à tes répétitions ?» «Si, mais pas de bruit», répond Fodil, avec un air sérieux et serein. La musique est une affaire sérieuse. Son premier concert, il l’a donné à 19 ans. Son désir de jouer s’est exprimé après une participation à une chorale. C’était le 1er décembre 2005, à l’occasion d’une fête des handicapés.

Le Centre de réadaptation en déficience intellectuelle avait organisé un gala animé par les trisomiques 21. Malgré des doigts plus petits que la moyenne, Fodil s’est formé au solfège, au chant, à la mandoline, au piano et à la flûte dont il est inséparable et avec laquelle il joue à la perfection A vava inouva. Faute de prise en charge correcte par l’Etat, Fodil n’a toutefois pas pu suivre le système scolaire classique. Pendant six ans, de 1992 et 1999, Fodil est allé à l’école Ali Remli de Ben Aknoun (centre d’adaptation scolaire), une formation équivalente à la 4e année fondamentale.

Auparavant, trois ans de maternelle à Zurich, en Suisse, ont permis et facilité à Fodil l’apprentissage d’une autre langue, le français. Jérôme Lejeune, pédiatre français connu pour avoir découvert en 1959 la cause de la trisomie 21 puis d’autres maladies liées à des aberrations chromosomiques, rencontre Fodil peu après sa naissance. «Vous devez choisir une langue pour votre fils», avait-il expliqué en marge d’une rencontre avec Abès puis dans les années 1990.

Horticulture

Le bilinguisme du jeune Algérien est pour le chercheur une révélation qui le pousse à remettre en cause sa théorie selon laquelle le système cérébral d’un trisomique 21 n’est pas en mesure d’apprendre plus d’une langue. Juste avant sa mort, il avait déclaré au père de Fodil : «A vous maintenant le flambeau, à vous de creuser sur ce cas, en Algérie.» A partir de 2001, Fodil suit une autre formation complémentaire pré-professionnelle en atelier (reproduction, relieur) à l’école Ali Bounab de Châteauneuf, école affiliée à l’association Anit. Sept ans plus tard, il intègre, avec huit autres trisomiques 21, une formation en horticulture en partenariat avec l’institut d’horticulture de Aïn Taya en 2008.

A 18 ans,  Fodil obtient une attestation officielle reconnue par le ministère de l’Agriculture. Il persévère toujours dans le sens de la formation de «recyclage papier», durant trois ans, au niveau de la maison de jeunes de Bouzaréah, de la soutenance de sa thèse «en présence du directeur de Tonic-Industrie (ex-Tonic Emballage)», confie son père. «Tout s’est bien passé, j’étais en costume et j’ai bien répondu aux questions des intervenants à propos de mon sujet», a rappelé Fodil. Abderrahmane Amoura, vice-président de l’Association nationale pour l’insertion scolaire et  professionnelle des trisomiques, a vu beaucoup de jeunes déficients capables de vivre en société, à condition qu’ils ne souffrent pas d’autres troubles.

«Les résultats d’une prise en charge d’un trisomique 21 sont toujours assurés, a-t-il signalé. En octobre dernier, ils ont été invités en France pour inaugurer la maison des autistes dans ce pays. Dans la délégation, il y avait des normaux et des trisomiques. Voilà un exemple d’insertion, rien n’est impossible. Il nous faut des moyens pour explorer ce qui se cache dans leur profondeur. Nous avons besoin d’eux et ils ont besoin de nous.» Après une journée consacrée à la musique, Fodil retrouve le calme de son univers, celui de sa famille, dont il est inséparable. «Mais il est autonome, tient à préciser son père. Il assume les responsabilités de la vie quotidienne, de la préparation des repas à la lessive.»

Derrière la porte de sa chambre est affiché le programme de sa semaine.  «Je n’ai besoin de personne», affirme avec fierté et un petit sourire ce fan de Marc Knopfler (le leader de Dire Straits, ndlr). Grâce à son expérience, Fodil a prouvé au monde que son chromosome de plus n’est pas quelque chose en moins.

Yacine Nadir
 

Dr Kessal Abdenour Docent en gynécologie–obstétrique et chef de service en retraite

«La trisomie 21 n’est pas un handicap mental»

le 22.03.13 | 10h00

Le professeur Kessal nous donne des éclaircissements sur la trisomie 21. Il explique que le terme «mongolien» utilisé dans le langage polulaire algérien est inapproprié, puisqu’il il n’y a pas de correspondances morphologiques avec les habitants de Mongolie.

La trisomie 21 est un handicap mental.

FAUX. C’est une mutation chromosomique aboutissant à 47 chromosomes au lieu de 46, il s’agit d’un petit chromosome acrocentrique du groupe G (numéro 21).

Elle nécessite une prise en charge particulière.

VRAI. Il doit toujours être encadré, les parents, bien sûr, encore faudrait-il les former, des structures d’accueil, avec des éducateurs spécialisés (tout un programme en Algérie). Le coefficient intellectuel reste très bas, jamais supérieur à 70.

Ils sont tous petits de taille.
FAUX. Chez les trisomiques, tout est plus petit, même les organes génitaux externes, surtout chez le garçon. Il ne faut pas faire de diagnostic trop vite à la naissance (pour ne pas déstabiliser les parents). On remarque : un visage en pleine lune, les fentes palpébrales (paupières) obliques en bas et en dedans, mains courtes, carrées, barrées par un pli médian unique, hypotonie musculaire, fréquence de malformations cardiaques. Surtout : faire un caryotype (test ADN).

Les trisomiques sont agressifs.

FAUX. Ils n’ont pas conscience de certains de leurs actes, des moments difficiles au moment de la puberté qui est tardive.

La trisomie peut être dépistée.

VRAI. Il faut dépister les populations à risques, le taux augmente à partir de 40 ans pour les femmes. Faire une échographie à la recherche d’une malformation (atrésie duodénale par exemple). On peut envisager avec beaucoup de précautions une amniocentèse (prélèvement de liquide amniotique dans le sac), on peut même envisager de ponctionner le sang du cordon pour un résultat plus rapide (ADN). Si le diagnostic se confirme, les parents, informés du risque, peuvent décider de poursivre la grossesse ou de l’interrompre.
 

Yacine Nadir
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22/03/2013
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