Un magazine peut-il titrer "Sarkozy voyou ?"

Un geste pour la planète : l'impression de cette information est-elle vraiment nécessaire ?

Un magazine peut-il titrer "Sarkozy voyou ?"

Des proches de Nicolas Sarkozy ne décolèrent pas contre la "une" de Marianne présentant le chef de l'Etat comme un "voyou de la République". Nadine Morano, secrétaire d'Etat à la famille, qui juge cette "une" "inacceptable", a appelé l'hebdomadaire à changer de nom ou à présenter "des excuses publiques". "C'est antirépublicain et on ne peut pas véhiculer des valeurs antirépublicaines en utilisant le nom de Marianne. Les journalistes de Marianne sont en train de salir un des symboles de la République", a-t-elle déclaré mercredi 11 août sur RTL.

Dans le sillage d'autres députés UMP, comme Lionnel Luca, Patrick Ollier a estimé mardi que Jean-François Kahn, co-fondateur de Marianne et auteur de l'article, s'était conduit en "voyou de la presse". "Vouloir faire des titres, souhaiter attirer le maximum de lecteurs pour renforcer les équilibres financiers que l'on sait délicats pour ce journal, conduit Jean-François Kahn à confondre le côté spectaculaire d'un titre et le respect que l'on doit à la fonction présidentielle et à Nicolas Sarkozy qui l'exerce au nom des Français", écrivait-il dans un communiqué

Une personne lit l'hebdomadaire "Marianne" du 7 août, avec en couverture une photo du président Sarkozy l'air menaçant et le titre "le voyou de la République".

"LEÇONS DE BONNES MANIÈRES"

Contacté par L'Express.fr , Maurice Szafran, directeur de la publication de Marianne, suggère aux responsables UMP indignés d'aller "demander à Nicolas Sarkozy de porter plainte" contre le magazine. "Voir Morano, Estrosi ou Luca venir nous donner des leçons de bonnes manières nous amuse au vu de leurs antécédents", explique-t-il. Il estime la "une" justifiée par les récentes annonces de Nicolas Sarkozy à Grenoble, qu'il juge dignes de "méthodes politiques de voyous".

Sur RMC, Jean-François Kahn avait justifié lundi le choix de l'expression "voyou de la République", reprochant au chef de l'Etat de se comporter comme un "caïd des cités" de banlieue. "Il y a eu des réactions sur Sarkozy : pétainiste, vichyste, facho, raciste, xénophobe ! Dans cet article, je dis : 'ce n'est pas vrai'." "Mais en revanche, dans le fond Sarkozy c'est un type qui, pour conquérir le pouvoir, ou pour garder le pouvoir avec talent, est capable de tout ! Rien ne l'arrête (...). C'est ça, l'idée, c'est ça un voyou."

Pour le député PS Claude Bartolone, Nicolas Sarkozy est responsable, par son comportement, de la "dérive verbale" du magazine. "Depuis qu'il est au pouvoir, Nicolas Sarkozy n'a eu de cesse d'insulter ici un pêcheur, là un agriculteur, ou encore les habitants des quartiers. Un tel comportement n'est pas sans conséquences graves sur l'image de notre République et de ses dirigeants, explique-t-il mercredi dans France-Soir. Le président porte une grande part de responsabilité dans cette dérive verbale."

«Voyou de la République», le titre qui agite les Mariannautes

Fallait-il qualifier Nicolas Sarkozy de «voyou de la République»? La grande majorité des lecteurs de l'article sur Marianne2 approuve. Mais il en est aussi quelques-uns pour le regretter et reprendre à leur compte la rhétorique «nadine-moranesque».



(Dessin: Louison)

Ainsi va la vie en Sarkozie : à chaque semaine, sa polémique. Cette fois, c'est le magazine Marianne qui se retrouve au cÅ“ur de la tempête attisée par les invectives de la garde très très rapprochée du chef de l'Etat pour avoir osé titrer, en « une Â» de son numéro du 7 août, sur « le voyou de la République Â».


Mais ils sont nombreux les Mariannautes à nous avoir apporter leur soutien. Comme JM Bernard qui considère que « l'article de Jean-François Kahn n'est en rien haineux Â», mais, au contraire « lucide et bien étayé. Â» Même constat de la part d'Yvon Labaudruche : « Long réquisitoire fort documenté Â», juge-t-il avant de regretter que « les détracteurs ne retiendront que le titre Â». Marie Toncourt se dit d'ailleurs « très surprise de la réaction de la droite, qui visiblement n'en a lu que le titre Â».


«Le respect, ça se mérite et "SoKrazy" ne le mérite pas»

Mais pour Michael Specht, « les critiques à l'encontre du titre en "une" sont incohérentes, car l'adjectif voyou se destine bel et bien au personnage Nicolas Sarkozy, plus précisément à ses agissements, et non à la fonction présidentielle qu'il incarne. Â» Et d'ajouter : « La République est bien plus pervertie par le président actuel que par la petite dénomination du journal. »


En somme, ce titre serait une sorte de « retour à l'envoyeur Â», de simple « retour de flamme Â». Ils sont en tout cas plusieurs Mariannautes à le penser. Kiosk est de ceux-là : « Le respect est dû à la fonction présidentielle, mais pas forcément à celui qui l'endosse si mal. Le respect, ça se mérite et "SoKrazy" ne le mérite pas. Â» Idem pour Luc Krokodilo : « Le retour du boomerang était largement mérité après les ignobles attaques contre le contre-pouvoir qu'est la presse, attaques manifestement exécutées sur commande et volontairement outrancières. Quand le gouvernement vole si bas, il ne faut pas qu'il s'attende à des réponses fleuries. Â» Depite, lui, a beau s'interroger tout haut, il n'en arrive pas moins au même constat : « Choquante, cette couverture ? Peut-être... Plus que le comportement de l'individu en couverture et ses acolytes ? Certainement pas. Â»


«J'aurais préféré le mot "vandale" de la République»

Ils sont aussi quelques-uns à estimer finalement que Marianne n'est pas allé assez loin. « Sarkozy, un voyou ? Oui bien sûr, répond L'Arsène, comme tous les élus des Hauts-de-Seine. Mais c'est avant tout un valet. C'est un pantin qui défend les intérêts de Neuilly et de la bande du Fouquet's : Bouygues, Dassault, Lagardère, Bolloré et tous ceux qui sont aux commandes et donc responsables de cette grande crise. Â» Après L'Arsène et son Sarkozy « valet du Fouquet's Â», c'est au tour de Cassandre Cassandre de soumettre le titre de « une Â» qu'il aurait aimé voir barrer la couverture de Marianne : « Le terme "voyou" est faible. J'aurais préféré le mot "vandale" ou "casseur" de la République. Â»

Les internautes soutenant Marianne ont beau être majoritaires, ils sont aussi quelques-uns — il faut bien le reconnaître — à ne pas cautionner l'usage du mot « voyou Â». Ainsi Guiguess estime que la fonction de président de la République doit être respectée coûte que coûte : « A trop insulter la fonction présidentielle, écrit-il à l'attention de Jean-François Kahn, vous n'êtes plus crédible et vous ôtez cette crédibilité nécessaire à sa fonction Â». What else trouve, lui aussi, « un peu choquant la "une" de Marianne Â». « Du temps de Mitterrand, poursuit-il, Marianne n'a jamais titré : "Le salopard qui nous gouverne" Â». Il est vrai, Marianne ne l'a « jamais Â» fait. D'autant que lorsque François Mitterrand s'est éteint, Marianne n'existait pas encore…

«On va être encore la risée du monde entier»

Moi Sil54 trouve également que « Kahn y va un peu trop fort ». Mais pas pour les raisons évoquées par les deux commentateurs précédents. Non, la crainte de Moi Sil54, ce sont les répercussions que le titre de « une Â» pourrait avoir à l'étranger : « Marianne n'aurait pas dû accepter cette première page, on va être encore la risée du monde entier. » Beaucoup en conviendront : nos voisins ne nous ont malheureusement pas attendus pour douter et se moquer de l'actuel occupant de l'Elysée…


Il existe aussi des Mariannautes, comme Claude Honteanous, Robert Muda ou bien encore Domi domi, qui reprochent au magazine ce titre qu'ils estiment « racoleur » n'ayant pour but que de « faire du chiffre Â» et « de l'audience Â». C'est vrai ça, il est tout bonnement scandaleux pour des journalistes de vouloir être lu et leur message entendu !


«À quand la croix gammée comme symbole de Marianne?»

Enfin, il y a une dernière catégorie de lecteurs pour reprendre à leur compte la dialectique utilisée sans vergogne par les fidèles de Sarkozy comme Nadine Morano. Il en va ainsi de Kane Rosebud : « Sarkozy abîme la fonction présidentielle ? Sarkozy parle au peuple, un langage que le peuple comprend et ça, la gauche ne le supporte pas. Fascistes, JFK et la campagne de calomnies contre Woerth ? Bien sûr ! L'attaque ad hominem a toujours caractérisé la tactique fasciste, c'est sa signature, sa marque de fabrique. Â» Francis Boher use de la même rhétorique : « On se croirait revenu dans les heures les plus sombres des années 1930. À quand la croix gammée comme symbole de Marianne ? Â» Il ne manque plus qu'une référence à notre trotskisme patenté pour que le tableau soit complet…


Dans une période où le mot « fasciste Â» est prononcé à tout bout de champ, il est bon de laisser celui de la fin à un poète. Pelleas d'Allemonde, lui, a pesé les siens avec soin pour composer un « sonnet au Président Â» dont on a du mal à croire qu'il puisse être entendu au premier degré :


« Sonnet au Président Â»


Du haut de ta fonction laisse-les donc médire, 

Auguste Président, farouche défenseur 

De notre République, Ô son grand serviteur ! 

Ils ne t'atteindront pas, ceux qui veulent te nuire ! 

  

Entends plutôt la voix d'un Peuple qui t'admire, 

Qui célèbre en tout lieu ton illustre grandeur, 

Qui sait que très bientôt tu feras son bonheur 

Et n'a qu'un seul désir : demain te réélire ! 

  

Cependant que partout tes amis fortunés 

Respirent, rassurés, et que les retraités 

Futurs vont consentir un salutaire effort, 

  

D'un coup de talonnette écrase les voyous 

Qui n'aiment pas la France ! Qu'ils sentent le courroux 

D'un Président intègre, audacieux et fort !


Pelleas d'Allemonde



Dimanche 15 Août 2010
Gérald Andrieu - Marianne




17/08/2010
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