D’immenses mares d’eaux boueuses formées après quelques heures de pluie, des routes défoncées et des habitations illicites décorent le paysage. La zone industrielle de Oued Smar, implantée sur plus de 300 hectares à El Harrach, dans la banlieue est d’Alger, donne l’image d’un lieu sinistré.
« Nous avons acheté des pompes pour pomper l’eau et éviter le risque d’une explosion. L’eau a déjà touché les câbles électriques souterrains. Nous avons été obligés d’ouvrir un autre accès, parce que nous n’avons plus de parking ! », raconte Nabil Mellah, responsable des laboratoires Merinal, rencontré sur place. Ce patron prend son mal en patience. Il a alerté à plusieurs reprises les autorités et tenté de mobiliser d’autres industriels. En vain. Nabil Mellah arrive quand même à faire de l’humour : il se prend en photo une canne à pêche à la main à côté d’une gigantesque mare qui bloque l’accès à son unité de production. « Je fais de la planche à voile ! Aujourd’hui (mercredi 29 mai, ndlr), avec ce vent, j’aurais pu faire de la voile à Oued Smar ! », ironise-t-il. La situation est dramatique toute l’année, en hiver comme en été. « C’est plus dur quand on est exportateur de produits pharmaceutiques. »
Comme l’oblige la procédure, Merinal se fait régulièrement auditer par les ministères de la Santé des pays importateurs. « Tous les Africains qui passent ici ne comprennent pas comment une zone industrielle peut être dans cet état en Algérie ! » Récemment, Nabil Mellah a reçu un représentant de la Côte d’Ivoire et d’autres clients qui n’ont pas pu accéder à son laboratoire. « Ça devient insupportable ! », lâche-t-il. La situation dure depuis 2007, et cela se dégrade chaque année. Des promesses ont été faites pour résoudre les problèmes, mais rien de concret encore. Pour Nabil Mellah, le système d’évacuation des eaux est à refaire, et Gestimal, l’organisme chargé de l’entretien de la zone, n’a pas assez de moyens pour cela. « Gestimal est entre le marteau et l’enclume. D’un côté, il y a les opérateurs, qui réclament des travaux, et de l’autre côté, cet organisme n’a pas assez de ressources pour réhabiliter la zone. La responsabilité incombe au ministère de l’Industrie, que je contacte depuis 2007 », affirme-t-il.
Réhabilitation de la zone de Rouiba, un projet en cours
La situation de la zone industrielle de Rouiba, la première du pays, est moins catastrophique. « Nous sommes confrontés aux problèmes du système d’évacuation et de sécurité. Ce qui est plus grave, ce sont les assiettes foncières squattées par les particuliers », explique Slim Othmani de NCA Rouiba, une société qui vient de réussir son introduction à la Bourse d’Alger. Ici, des espaces communs à tous les opérateurs sont squattés par un seul producteur. « C’est la propriété de tous les opérateurs. Mais un seul a fait main basse sur cet espace ! », dénonce-t-il. Il y a trois mois, le ministre de l’Industrie, en visite de travail à la zone, a demandé de diligenter une enquête. « A ce jour, l’enquête n’a pas avancé. Cet opérateur a le bras extrêmement long », dit-il.
Mais Slim Othmani reste optimiste. La zone industrielle de Rouiba fera l’objet d’un projet pilote de réhabilitation. Le plan a été présenté en mars 2013 par le ministère de l’Industrie, lors d’une rencontre qui s’est tenue à la résidence d’Etat, El Mithaq, un groupe de travail a même été créé. « A mon vis, n’espérons rien avant 2015. Les délais sont énormes et la procédure est longue. »
Ce projet pilote axe sur deux aspects. Le premier concerne la reprise de l’ensemble des réseaux pour éviter, entre autres, des dysfonctionnements au niveau des réseaux d’assainissement, d’eau potable et d’électricité, explique Hacène Hamouche, responsable de la SGP zones industrielles centre (Sogezic). Le second se préoccupe d’assurer des services pour faciliter la vie aux travailleurs. « Des services, comme la restauration, le transport pour les travailleurs, les bureaux de l’Anem et des douanes, afin de faciliter le travail », ajoute-t-il.
Les études préliminaires ont été effectuées ; actuellement, l’on attend la validation du cahier des charges, en cours de finalisation. « Je pense que ça va déboucher sur quelque chose de bien. Une chose qui n’a jamais été vue en Algérie », s’enthousiasme ce responsable.
Le choix de la zone industrielle de Rouiba pour lancer ce projet n’est pas fortuit. « La zone de Rouiba, la plus grande zone industrielle en Algérie, est dans un état catastrophique », affirme Hacène Hamouche. Financé entièrement par l’Etat, seuls les délais posent problème. « Ce sont les études qui vont déterminer les délais ; mais vue l’importance du projet, ça va prendre du temps », note-t-il, expliquant qu’il est plus facile de créer une nouvelle zone industrielle que de réhabiliter une ancienne.