Hum ! Hum !

Quand une personne se plante sur une place publique et qu’elle gueule «le 10 mai, je n’irai pas voter !», les choses sont simples. Il est avéré qu’il s’agit d’un abstentionniste. De la branche des abstentionnistes déclarés, les A.D. Et donc, il est aisé pour les brigades anti-abstentionnistes de procéder à son arrestation, ses déclarations publiques étant considérées par la loi du ministre délégué à la justice, Farouk Ksentini, comme des aveux en bonne et due forme. Mais lorsque les abstentionnistes oublient de se planter sur une place publique pour y déclarer que le 10 mai, ils feront la sieste toute la journée et une bonne partie de la nuit, ou sont allergiques à l’air irrespirable qui souffle depuis plus de 12 ans sur les places publiques algériennes, comment faire pour les repérer, les débusquer et les mettre hors d’état d’énerver le sous-secrétaire d’Etat en charge du patriotisme, Farouk Ksentini ? Pour faire court, comment choper un abstentionniste qui ne porte pas sur la poitrine un écriteau avec la mention «le 10, je ne vote pas !», un AND, un abstentionniste non déclaré ? Les corps de la police et de la gendarmerie ne bénéficiant pas encore de profilers spécialisés dans la traque aux AND, il faut bien partir de quelque chose, se baser sur des indices plus ou moins probants ou tabler sur des critères comportementaux à forte connotation abstentionniste, n’est-ce pas ? Plusieurs pistes peuvent ainsi être retenues dans cette chasse particulière, même si les chasseurs de non-votants reconnaissent volontiers, mais sous le couvert des bois, que des bavures peuvent être commises. Comme d’abattre par erreur un votant, parce que l’ayant confondu avec un AND. Cette marge d’erreur étant intégrée dans les statistiques générales, il reste malgré tout de forts signaux pouvant dévoiler un comportement abstentionniste dissimulé. Ainsi, les volets fermés d’un appartement. C’est le truc qui doit immédiatement éveiller les soupçons des limiers. Des volets qui restent clos toute la journée d’un 10 mai, c’est forcément louche. Ne pas hésiter donc à grimper quatre à quatre l’escalier et à aller frapper à la porte de l’appartement en question. Si on vous ouvre, exiger la présentation des cartes d’électeur de tous les occupants des lieux. Au cas où la mention «A voté» ne figure pas sur le carton, contraindre par la force conférée par le secrétaire d’Etat aux affaires intérieures du régime, Farouk Ksentini, les contrevenants à se rendre tout de suite dans un bureau de vote. Par contre, si personne ne répond au bout d’un quart d’heure de tambourinage intensif sur la porte, ne pas se fier à ce stratagème auquel ont fréquemment recours les AND, celui de faire les morts. Et appeler sur-le-champ les équipes volantes de serruriers dépendant du ministre de l’équipement du régime, Farouk Ksentini. Elles procéderont alors à l’ouverture de l’appartement et à son inspection. Si on y découvre des contrevenants terrés dans des placards, leur lire leurs droits et les embarquer sur-le-champ vers des espaces spécialement aménagés à cet effet par le ministre de l’aménagement patriotique du territoire, Farouk Ksentini. Ce ne sont là, bien évidemment, que quelques pistes, des idées à enrichir et à développer, comme le stipule clairement d’ailleurs le manuel mis aimablement en circulation depuis quelques jours par le ministre du développement de la citoyenneté exemplaire, Farouk Ksentini. Il est entendu que toutes autres méthodes ou astuces d’enquête innovantes seront les bienvenues. Pour peu qu’elles reçoivent l’aval du secrétaire d’Etat à l’innovation, Ksentini. Farouk Ksentini. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. 
H. L.