Ah ! Là, c’est sûr, ça va bouger !

Enfin, le projet est lancé ! Les Chinois, maîtres d’œuvre, sont même enthousiastes. Leur contremaître en chef a déclaré : «Aujourd’hui, je peux dire que le chantier est sur les rails !» Effectivement, la construction de la Grande Mosquée d’Abdekka, moins connue sous l’appellation Djamaâ Feraoun, est en bonne voie ! Une double voie selon les architectes eux-mêmes divisés par un ordre à deux têtes. Reste que dans un premier temps, un tronçon haut de 74,5 mètres devrait être livré à Amar Tou, ministre des transports en tous genres, même ceux de l’âme. Bien évidemment, des essais préliminaires seront effectués afin de vérifier in situ la viabilité de ce projet. Mais d’ores et déjà, Amar Ghoul, ministre des autoroutes de la foi, s’est engagé. Les stations d’essence jalonneront le parcours total de cette mégamosquée. Pas question donc de revivre le cauchemar de l’autoroute Est-Ouest livrée à sec, sans un seul minaret. La gestion du site de la Grande Mosquée devrait être confiée à un consortium cubain, les Français de la RATP ayant été jugés un peu justes dans leur manière de faire face aux fuites d’eau dans le métro. Et puis, les Cubains, c’est connu, ont une maîtrise hors pair des questions délicates de lieux de culte. D’ailleurs, c’est l’entreprise «Buena Vista Social Club» qui a été retenue pour ce volet important. Restait à régler cet autre épineux problème, celui des lignes et des stations. Là aussi, l’idée retenue est celle d’une livraison par tronches, au lieu de celle plus classique par tranches. Une première ligne dotée de 5 stations, les 5 prévues par la législation rituelle en vigueur, sera livrée selon les délais du calendrier hédjirien, faction «école de Cordoue», laquelle comme chacun le sait propose un calendrier légèrement décalé par rapport à sa rivale de toujours, «l’école de l’Alhambra», les deux ne s’entendant pas encore sur la répartition hebdomadaire du week-end universel. Quoi qu’il en soit, les Chinois, parce que c’est bien à eux que l’ensemble du projet a été confié, n’en démordent pas. La Grande Mosquée d’Alger sera prête à temps. Avant l’année prochaine. Même si, là aussi, nous ne savons pas s’il s’agit du nouvel an occidental ou du nouvel an chinois. Le contremaître en chef à qui nous avons soumis ce détail a aussitôt tenu à nous faire remarquer deux points : «D’abord, vous, gens de la presse, vous êtes plus tatillons avec nous, les Chinois, qu’avec Vahid Halilhodzic. Ensuite, je peux vous le dire aujourd’hui, sans crainte de trahir le Comité Central du PC chinois ni l’Assemblée et ses 3 000 délégués, ou de m’écarter du tracé sacré de la Grande Muraille : nous nous donnerons un mal de chien pour terminer dans les délais votre mosquée !» Voilà qui devrait donc rassurer tout le monde. Ou presque. Le presque, c’est pour les chiens errants de Mohammedia. Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue. 
H. L.