Actualité | lundi 26 septembre 2011

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Train de vie fastueux de l’Etat

Les salaires mirobolants de ceux qui nous gouvernent !

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le 26.09.11 | 01h00 Réagissez

zoom | © Souhil. B
 
I 

La tripartite (gouvernement-UGTA-patronat) qui se tiendra ce jeudi à Alger prévoit dans son agenda de traiter de l’augmentation du Salaire national minimum garanti (SNMG). Une augmentation de 2000 à 3000 DA n’est pas à écarter, comme c’est de coutume lors des dernières tripartites.

Des augmentations insignifiantes qui seront présentées comme importantes et qui seront, bien entendu, vite rattrapées par la hausse récurrente et généralisée des prix. Le gouvernement et ses partenaires invoqueront, comme d’habitude, la nécessité d’ajuster les salaires selon la productivité et expliqueront que les travailleurs algériens sont bien rémunérés quand la richesse produite reste dérisoire.Des affirmations qui sont, par ailleurs, justes, mais dans un autre contexte autre que celui d’une économie de rente qui caractérise notre pays.Des affirmations, tout aussi justes, lorsqu’elles sont appliquées, d’abord, et aussi, par les décideurs et tous ceux qui font ou défont les lois ou les exécutent. Et en scrutant le train de vie de l’Etat, l’on se rend compte que la rigueur et l’austérité sont réservées exclusivement à la masse des travailleurs. Sinon, comment expliquer des salaires mirobolants pour les hauts cadres de l’Etat, défiant toutes les lois économiques !

Le Premier ministre, qui présidera la tripartite, a un salaire net de 500 000 DA, selon des sources au ministère des Finances, soit près de 34 fois le SNMG, et le chef de l’Etat, qui validera en dernier ressort les décisions prises, a un salaire mensuel de 800 000 DA, soit 54 fois le SNMG ! A titre comparatif, le salaire mensuel du président français est de près de 20 000 euros, soit 14 fois le SMIC (13 65 euros) et des voix de l’opposition promettent déjà de le réduire de 20 à 30% en cas victoire lors de la présidentielle de 2012. Un ministre français touche quant à lui 11000 euros, soit 8 fois le SMIC quand nos ministres s’offrent des salaires moyens de 350 000 DA, soit près de 24 fois le SNMG.

Outre les prises en charge multiples, gratuité du logement, véhicule, repas, déplacements et autres avantages, qui se justifient, par ailleurs, certains usent et abusent des commissions pour arrondir les fins de mois, comme en attestent les multiples procès et scandales liés à la corruption et dont la presse nationale en fait souvent état ces derniers temps.
De l’avis de nombreux analystes et financiers du pays, le train de vie de l’Etat algérien est toujours aussi fastueux au moment où de larges couches de la société sombrent dans la précarité et la pauvreté. Les couches moyennes sont plus que jamais laminées par la hausse vertigineuses des prix. Depuis 2004, des augmentations de 100% ont étés accordées aux parlementaires et de même pour les fonctionnaires et hauts cadres de l’Etat depuis 2008.

Un secrétaire d’Etat touche actuellement 270 000 DA et un secrétaire général d’une institution 210 000 DA, au moment où la fiscalité ordinaire en dehors des hydrocarbures (1.500 milliards de dinars) n’arrive même pas à couvrir la masse salariale des fonctionnaires, au nombre de 1 500 000, environ.  Et comme la répartition des budgets n’obéit à aucune logique économique et ne découle d’aucune richesse produite, autant alors redistribuer la rente de manière plus équilibrée. Une redistribution qui obéit actuellement à des considérations politiques et de confortement des positions acquises des uns et des autres comme en attestent les augmentations pour les parlementaires en 2004 pour les besoins d’un acquiescement général lors de la révision constitutionnelle qui  a cassé le verrou de la limitation des mandats.

Pour une institution comme l’APN, dont le président est rémunéré comme un ministre ou le président du Sénat qui s’offre quelque 600 000 DA, de quelle «productivité» peut-on affubler ces deux institutions lorsque leurs locataires ne font qu’avaliser les lois de l’Exécutif et qu’aucune commission d’enquête sérieuse n’a vu le jour sur les innombrables cas de corruption qui ont vu le jour. C’est dire que la question des salaires doit être prise dans sa globalité et à tous les niveaux pour la cohérence des justificatifs qui s’annoncent. Le train de vie de l’Etat ne doit pas s’éloigner de celui des Algériens et l’idée de l’uniformisation des véhicules prise l’année dernière peut en constituer un premier pas vers cette rigueur dans la gestion des deniers publics.             

Mahmoud Mamart

 

 

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le 26.09.11 | 01h00

Protestation contre les régimes en place dans les pays du Maghreb

La rente n’est plus un rempart contre la dissidence

 
	Fatiha Talahite, Fouad Abdelmoumni  et Myriam Catusse.

zoom | © D. R.
Fatiha Talahite, Fouad Abdelmoumni  et Myriam Catusse.
I 

En Algérie, estime Fatiha Talahite, même si «le mouvement de contestation n’a pas pris, il a cependant contraint le gouvernement à changer sa politique».

Le pouvoir achète tout avec de l’argent ; des produits alimentaires jusqu’aux… élites politiques.» Cette affirmation, on l’a souvent entendue dans la bouche des leaders politiques de l’opposition en Algérie. Et même ailleurs. Mais est-elle une réalité qui peut justifier, seule, la longévité des systèmes autoritaires dans la région du Moyen-Orient et du Maghreb ? La rente pourra-t-elle acheter la dissidence ? Politologues et chercheurs ont tenté d’apporter des éléments de réponse à ces interrogations. Intervenant hier, au cinquième panel du colloque international El Watan-IME «Le printemps arabe : entre révolution et contre-révolution ?», Myriam Catusse (politologue, attachée de recherche au CNRS), Fatiha Talahite (économiste et chercheure au CNRS) et Fouad Abdelmoumni (consultant international en microfinance et acteur de la société civile marocaine), ont analysé la situation sociopolitique dans les pays du Maghreb. Ils relèvent aussi les enjeux futurs pour les sociétés maghrébines. 

Le militant marocain Fouad Abdelmoumni retrace l’évolution du système politique marocain depuis 1974. C’est à partir de cette date, dit-il, que le Maroc s’est lancé dans un processus appelé «le processus démocratique». Le pouvoir marocain, «connu historiquement par le recours à la répression», a mis en œuvre d’autres outils pour se maintenir en place en ouvrant la porte des élections aux nouvelles élites. «Parallèlement, le pouvoir va de plus en plus tendre à corrompre les élites. L’Etat n’utilise pas seulement la corruption, mais aussi le chantage qui s’étend même aux élites économiques», explique-t-il. Selon lui, la situation qui y prévalait était dominée par la prédation et la cooptation des ressources du pays car toutes les élites, politiques ou économiques, ont été corrompues par le régime.

Mais ce triptyque «répression-manipulation-corruption» est en fin de cycle. «Le décalage créé par la frustration entre acquis et attentes devient énorme. Avec l’avènement des révoltes dans les pays arabes, la situation a changé. Le mur de la peur est tombé», enchaîne  Fouad Abdelmoumni, qui note l’absence actuellement d’une alternative : «L’enjeu de ce mouvement de révolte n’est pas de changer un zaïm par un autre, mais de changer les modes de fonctionnement», lance-t-il, précisant que «le Maghreb est une clé majeure de notre existence et de notre avenir».

En Algérie, estime pour sa part Fatiha Talahite, même si «le mouvement de contestation n’a pas pris, il a cependant contraint le gouvernement à changer sa politique». «Les dépenses publiques ont coulé à flots pour satisfaire les revendications sociales. Ce qui n’est pas, dans l’absolu, une mauvaise chose. Bien au contraire, au vu de la demande sociale. C’est l’un des effets positifs du printemps arabe et de la mobilisation dans les pays voisins qui, même s’il n’a pas pris en Algérie, a influé sur le comportement du gouvernement algérien et des Etats rentiers en général», explique-t-elle. La spécialiste en économie met toutefois en garde contre les effets néfastes de cette pratique : «Cette politique n’a pas vocation à être poursuivie. Il y aura un retour de manivelle, et il faut s’attendre à la répression une fois ces mouvements essoufflés.»

Madjid Makedhi

 

Arabie Saoudite : La rente et le bâton pour casser les révoltes

  
	Petite photo : Pascal Ménoret

zoom | © Lyès. H.
Petite photo : Pascal Ménoret
 

Au deuxième jour du colloque international d’El Watan, Pascal Ménoret,  professeur assistant à la New York University d’Abu Dhabi, a disséqué le régime saoudien. Le conférencier a dévoilé la singularité du royaume wahhabite que l’on qualifie «d’impossible printemps saoudien».
 

Le vent de la révolte qui a soufflé sur le monde arabe n’a pas épargné le royaume d’Arabie Saoudite. Mais ce souffle a été court dans ce pays où rente pétrolière, répression policière et appui étranger, sont le maître-mot pour dissuader toute velléité de soulèvement. Annonce inédite : la rente pétrolière ne profite pas à tous les Saoudiens et elle est essentiellement utilisée pour renforcer les appareils répressifs. Le cas «Arabie Saoudite» est, sur ce plan, intéressant à mettre en évidence. C’est la mission à laquelle s’est attelé, hier, au deuxième jour des travaux du colloque sur le printemps arabe organisé par El Watan et l’université Paris VIII, Pascal Ménoret, professeur assistant à la New York University d’Abu Dhabi. Sans s’évertuer à donner un nom au cas saoudien que certains qualifient «d’impossible printemps saoudien» ou «d’hiver saoudien» comme souligné par Pascal Ménoret, ce dernier entame sa dissection du régime saoudien en relevant que beaucoup d’argent a été dépensé depuis le début des événements, en février dernier, pour tuer dans l’œuf la contestation.

Le conférencier, auteur du livre L’Enigme saoudienne, estime que le régime saoudien ne s’est pas laissé prendre par surprise, et qu’il a affûté toute une stratégie de réaction pour étouffer, suite aux événements survenus en Tunisie puis en Egypte, la voix de l’opposition. C’est cette préparation à tout mouvement social ou politique émergent et menaçant qui a expliqué l’échec de la mobilisation populaire. «Le retour du roi Abdellah, après un traitement médical qui a duré trois mois, a été marqué par l’annonce de 13 ordres royaux où figure en tête la distribution de 35 milliards de dollars au profit de tous les secteurs économiques et sociaux. Le 24 février, les rues étaient bondées pour saluer le passage du roi.

Une sortie qui a été saluée par les journaux saoudiens comme une réponse à la révolte réprimée, et aux Etats-Unis on sort la vieille rengaine de la démocratie bédouine. L’analyse européenne, quant à elle, axe sur cette rente pétrolière qui peut éviter la révolte. Une notion qui a longtemps été calquée sur ce peuple qu’on veut réduire à un peuple de consommateurs, comme disent les Saoudiens : ‘Notre seul droit est celui d’acheter ou de refuser d’acheter.’», note M. Ménoret, en précisant que contrairement aux idées reçues, dans ce pays il existe des mouvements politiques et d’opposition. «On peut classer ces mouvements en trois grands pôles ou catégories analytiques. Il est vrai que ce ne sont pas des mouvements politiques au sens propre du terme, car dans ce pays, les partis politiques, les syndicats et toutes les formes modernes de regroupement sont interdits», signale le conférencier, dans un retour à la matrice des mouvements de contestation saoudiens.

Catégorisant donc ces trois familles de l’opposition saoudienne, M. Ménoret adopte une division géographique des différents courants. Ainsi, il cite les «périphériques», groupes concentrés dans la province orientale connue pour la richesse pétrolière de son sous-sol ; la «famille occidentale» ou la majorité sunnite établie dans le Hidjaz, plus précisément à Djeddah, dont «la particularité est qu’elle est connue pour la large étendue du système de corruption. C’est dans cette région qu’un mouvement anticorruption est né», indique M. Ménoret.

La troisième famille des mouvements de l’opposition se situe dans l’extrême nord appelé El Djaouf, où la violence politique est la plus prononcée. «De nombreux attentats ciblés contre des alliés du régime ont été enregistrés dans cette région. Et il s’agit d’ailleurs d’une province extrêmement pauvre», note le conférencier, qui indique que parmi ces trois mouvements, certains dénoncent le mal-développement, la pauvreté et la corruption. Si l’idée de pauvreté en Arabie Saoudite peut paraître antinomique, des chiffres rapportés par le conférencier font pourtant apparaître au grand jour l’autre visage de ce royaume.

L’autre Arabie Saoudite

«La pauvreté n’est pas visible à cause de l’urbanisation. Il faut pourtant savoir que 20% des Saoudiens vivent avec moins de 3 dollars par jour et 5% vivent avec moins de 1 dollar par jour. Dans le classement de la Banque mondiale, vivre avec 1,5 dollar par jour est l’extrême pauvreté.» Dans le classement des mouvements de protestation saoudiens, M. Ménoret évoque une catégorie de pétitionnaires qui trouve dans l’usage de la pétition une voie de se faire entendre. «La pétition est en fait une tradition paternaliste saoudienne réservée à la seule clientèle du roi. Depuis quelques années, des mouvements libéraux constitués d’avocats, de médecins, de cadres, etc., se sont appropriés cette méthode d’expression et face à laquelle les autorités ont confronté une répression violente.

C’est après le 11 septembre que la pétition est revenue comme forme de contestation pour réclamer une monarchie constitutionnelle et l’émancipation pour les femmes, la lutte contre la corruption et le clientélisme, c’est-à-dire viser le cœur même du système saoudien. Et depuis cette date, beaucoup de partisans de la monarchie constitutionnelle ont été mis en prison et certains y sont encore», explique l’orateur et invité d’El Watan. Autre mouvement dont le souffle demeure, celui des mères et pères des prisonniers politiques : «Depuis le 11 septembre il y a eu pas moins de 6000 personnes arrêtées, l’arbitraire devient loi et le ministère de l’Intérieur arrête et juge sans qu’on lui demande des comptes.»

La contestation d’Oum Saoud, mère d’un détenu mort dans l’incendie d’un pénitencier en 2003, devient alors le symbole de l’opposition à la dynastie Ibn Saoud. Ce sont les soulèvements égyptien et tunisien qui ont rendu l’âme à tous les mouvements d’opposition saoudienne. «Des manifestations se sont déroulées devant le ministère du Travail, des chômeurs ont contesté l’emploi anti-saoudien et pro-immigration, des actes d’immolation ont été recensés ; à La Mecque des manifestations d’ouvriers ont eu lieu. Sur facebook, les appels de l’opposition islamique ont été relayés par des cheikhs qui ont aussi signé de nombreuses pétitions. Et trois appels majeurs se sont fait jour, à savoir un Etat de droit, la réforme et la monarchie constitutionnelle et aussi des appels à la lutte contre le chômage des jeunes.»

M. Ménoret souligne que le chômage touche 27% des jeunes de moins de 30 ans  et 40% de ceux entre 20 et 24 ans. Dès le début de la contestation, en février 2011, la répression est utilisée. Des arrestations sont opérées dans les rangs des pétitionnaires, les membres fondateurs d’un parti islamique sont tous interpellés, les manifestations en soutien au soulèvement au Bahreïn sont réprimées. «Le régime saoudien bénéficie de l’absence de l’effet surprise. Un ordre de bataille a été donné pour lutter contre toute forme de contestation. Il y a eu aussi une première réaction qui est d’ouvrir la machine à sous. 35 milliards de dollars dépensés en février, puis 100 milliards de dollars après, au profit de tous : deux mois de salaire payés aux employés de la Fonction publique, une allocation chômage cédée, une commission de lutte contre la corruption créée. Il y a eu aussi en face le recrutement de 60 000 nouveaux policiers, le paiement des arriérés de salaire des agents des appareils de sécurité», explique Pascal Ménoret, qui note que les contre-manifestations sont organisées avec l’appui des intellectuels de la cour pour dire que les rassemblements sont des formes de déviance. Des appels à la tradition salafiste se font jour et les partis politiques sont criminalisés.

Le conférencier cite, en outre, la prononciation de peines d’emprisonnement de 3 à 5 ans contre les manifestants, et le ministère de l’Intérieur investit les réseaux sociaux (Twitter, facebook) et les SMS pour distiller sa propagande anti-manifestations. «Le régime use de la politique de la carotte et du bâton», note M. Ménoret en constatant que le mouvement réformiste a échoué pour ces raisons-là, mais il reste, dit-il, le mouvement des familles des détenus politiques qui, lui, n’a pas perdu son souffle et maintient ses rassemblements hebdomadaires du vendredi. A la question de savoir si le régime saoudien est contre-révolutionnaire, Pascal Ménoret répond que non, mais affirme que «Riyad a une politique étrangère guidée par la peur».

Quant à l’image d’Etat rentier, M. Ménoret souligne que «la rente ne mène pas à l’apathie ni à la dépolitisation, elle facilite la répression massive. Depuis 1973, pas moins d’un tiers du budget saoudien a été utilisé en dépenses sécuritaires et militaires. Si la rente facilite la répression, la répression entraîne à son tour des mobilisations».


 

 



25/09/2011
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