Actualité | Vendredi 5 octobre 201
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El Aïd : cher, très cher mouton
le 05.10.12 | 10h00
Désertification de la steppe, explosion du cours du maïs, désintérêt des éleveurs pour les moutons et acheteurs dupés par les maquignons. Cette année encore, les Algériens payent au prix fort la fête de l’Aïd El Kebir. El Watan Week-end vous explique pourquoi.
Moins de pâturage et des prix du maïs qui explosent
Si vous pensez encore que le mouton que vous allez acheter a été élevé au grand air, dans une steppe verdoyante, gavé de verts pâturages, vous avez tout faux. Car l’irrépressible désertification provoquée par le surpâturage qui frappe les steppes s’accompagne d’une augmentation – elle aussi irrépressible – des troupeaux d’ovins. Celui-ci est passé de 7 millions de têtes en 1980 à 11 millions en 1995, pour atteindre les 20 millions aujourd’hui. Pour avoir une petite idée des dégâts, il faut savoir qu’en 1985, la steppe ne pouvait supporter que le quart du troupeau existant à l’époque. Cette situation a poussé les éleveurs à faire de l’élevage «à la finition», pratique qui consiste à en enclos les moutons dès leur plus jeune âge et à les nourrir au maïs.
Cette nourriture, destinée au départ aux poulets de chair, permet aux éleveurs d’obtenir un engraissement rapide de la bête. Les acheteurs, eux, découvrent qu’ils ont été dupés après l’abattage, lorsqu’ils se rendent compte du taux élevé de graisse que contient le mouton. «Le mouton nourri comme avant n’existe plus, explique un éleveur. Aujourd’hui, 95% de ceux qui sont destinés à la fête de l’Aïd ou qu’on retrouve chez le boucher n’ont jamais vu de pâturage et sont nourris au maïs.» Problème : aussi utilisé avec le colza, pour la fabrication de biocarburant, le cours mondial du maïs s’est envolé. Donc l’aliment pour bétail aussi, avec une augmentation de près de 40%. «Cette année, je paye 5700 DA le prix du quintal, assure notre éleveur, alors qu’il me revenait à 4000 DA l’année dernière. Toutes ces augmentations auxquelles nous sommes confrontés sont automatiquement répercutées sur le prix de vente du mouton. Et dans le business en Algérie, il y a une règle immuable : les augmentations sont toujours à la charge du consommateur.»
Les éleveurs ne vendent qu’une partie de leur cheptel
Cette année pour l’Aïd, les éleveurs vont mettre en vente 3,5 millions de moutons alors que la demande est estimée à… 4 millions. Malgré les assurances du ministère de l’Agriculture, qui continue d’affirmer que la production nationale «répond largement» à la demande, les professionnels du secteur sont unanimes pour dire qu’elle est bien en deçà de l’offre. Une situation qui permet de faire grimper les prix. A titre d’exemple, cette année, le prix moyen du mouton avoisinera les 40 000 DA, alors qu’il était de 30 000 DA l’an dernier. «Pour que le mouton de l’Aïd puisse être abordable, il faut qu’on arrive à constituer un cheptel de 50 millions de têtes, explique le porte-parole de l’Union générale des commerçants et artisans algériens (UGCAA), Hadj Tahar Boulenouar. Il est vraiment temps d’encourager l’investissement dans le domaine de l’élevage, à travers l’importation de brebis. Alors que la facture d’importation annuelle de la viande a dépassé les 200 millions de dollars en 2010. Nous nous demandons pourquoi cet argent n’a pas été consacré à encourager l’élevage…»
Par ailleurs, le manque d’éleveurs dans tout le pays est très pénalisant. Beaucoup d’entre eux ont préféré devenir importateurs, car cela rapporte beaucoup plus. «L’élevage n’intéresse plus grand monde et aujourd’hui il n’y a pratiquement plus de bergers en activité, analyse un professionnel du secteur. De tout temps, cette activité a été dévolue aux populations autochtones. 80% de l’élevage de moutons se fait dans les villes de Saïda, El Bayadh, Mecheria et Aïn Sefra. Avec le temps, beaucoup de ceux qui travaillaient dans ces villes sont partis s’installer ailleurs. Cette situation est désastreuse pour la filière ovine.»
Les intermédiaires se sucrent sur le dos des éleveurs et des acheteurs
«J’achète un mouton 20 000 DA. Son alimentation me revient à 5000 DA et je le revends 27 500 DA, explique un éleveur. Je gagne 2500 DA sur chaque mouton. Je ne m’explique pas les prix pratiqués…» En l’absence de contrôle dans le circuit, ce sont les intermédiaires qui fixent les prix à leur gré. Ils gèrent, pendant l’Aïd, plus de 50% des ovins en vente. «Il faut savoir que la spéculation menée par les maquignons informels a un impact important sur la flambée des prix, détaille Hadj Tahar Boulenouar. A l’approche des fêtes, certains troupeaux de moutons passent par plusieurs mains avant d’être écoulés sur le marché. Résultat : le prix augmente chaque fois qu’un intermédiaire prend sa marge bénéficiaire. Il y en a même qui achètent le plus grand nombre possible de moutons pour assécher le marché quelques mois avant l’Aïd, puis ils les écoulent à des prix faramineux.»
Pour reprendre en main le secteur, le patron des commerçants recommande de mettre en place des points de vente directement sous l’autorité des services de contrôle. Seul remède pour essayer de casser le monopole qu’exercent les intermédiaires. «Il faut imposer un quota de moutons à vendre pour chaque revendeur. C’est une façon d’empêcher la formation de véritables monopoles. Cela permet aux responsables du secteur d’avoir un œil sur ce qui est proposé aux acheteurs. Puisque les moutons qui sont en ventes dans les marchés informels échappent à tout contrôle.»
Les consommateurs participent à la hausse des prix
Le prix du mouton est cher ? C’est la faute au consommateur. Azzedine Chenafa, secrétaire général de l’Association pour la promotion de la qualité et la protection du consommateur, en est persuadé. «On n’a pas de consommateur éduqué, explique-t-il. L’Algérien achète auprès de n’importe quel maquignon sans chercher à savoir si le mouton est malade ou engraissé. Les maquignons ont compris le comportement du consommateur local, du coup, ils leur fourguent n’importe quoi à n’importe quel prix. Les Algériens doivent prendre conscience de leur comportement, car ils pourrissent de plus en plus le marché du bétail, nourrissent davantage les éleveurs et permettent aux maquignons de se faire de l’argent sur leurs dos.»
Pire, les maquignons instrumentalisent l’intérêt religieux pour arriver à leur fin : le citoyen se dit qu’il doit faire le sacrifice à n’importe quel prix, car ceci est un culte dans les sociétés musulmanes. Ces dépassements sont dénoncés par Azzedine Chenafa, qui préconise une action de boycott collectif. «J’appelle les Algériens au boycott. Je trouve que c’est la seule issue raisonnable. Il faut lancer des campagnes de sensibilisation, chaque fois que l’Aïd approche, pour faire comprendre aux Algériens que le boycott de l’informel ne veut pas dire le boycott du sacrifice. J’aimerais bien que tous ensemble, main dans la main, nous donnions une belle leçon aux gens qui sont derrière ces pratiques. Par ailleurs, j’appelle les responsables des ministère du Commerce et de l’Agriculture à agir dans les plus brefs délais. Il faut que les autorités dépêchent des équipes spécialisées en la matière pour remettre les pendules à l’heure», conclut-il.
Le prix du mouton suit la spirale inflationniste
«Dans ce pays depuis deux ans, tous les prix ont grimpé. Je ne vois pas pourquoi le prix du mouton ne suivrait pas la tendance ?!», se demande Samir Bellal, économiste et maître de conférences à l’université de Guelma. L’Algérie qui connaît une inflation galopante, que l’Etat officiellement chiffre à plus de 6% (alors qu’elle serait plus proche du double, selon certains économistes), a créé un surcroît de «demande artificielle» sur tous les biens de consommation à la suite des dernières hausses de salaires et surtout des rappels qui ont accompagné ces augmentations. Cette situation risque encore de durer. Il faut un certain temps pour que ces surplus d’argent se résorbent. «Le phénomène inflationniste risque de persister, prédit Samir Bellal. Le marché des ovins va continuer à tirer le prix du mouton vers le haut. C’est une règle : tant qu’il y a de l’argent, les prix vont continuer à augmenter.»
Salim Mesbah et Lotfi Sid
Gangs : la violence gangrène les quartiers
le 05.10.12 | 10h00
Violence sociale, absence de l’Etat, chômage... Sur ce terreau propice à la délinquance, les jeunes des quartiers s’organisent. Hiérarchie, codes, attaques : leurs bandes s’apparentent aujourd’hui à de véritables gangs. El Watan Week-end a pu infiltrer celui de Baraki.
Entre eux, ils appellent ça le «complot». Un «complot» est en fait un gang, une bande de délinquants comme il en sévit dans plusieurs quartiers de la ville et bidonvilles de la périphérie. Nassim*, 21 ans, de Baraki, fait partie d’un «complot». «Quand j’avais 18 ans, je tenais une table au marché de Boumaâti, raconte-t-il. Un jour, des jeunes sont venus me racketter sans que personne ne lève le petit doigt. Mon cousin, à qui j’avais donné leur signalement, a pu en identifier un et m’a expliqué qu’il s’agissait d’un “complot’’.» L’affaire a tourné en règlement de comptes. Une question d’honneur. Galvanisés par des psychotropes, armés de sabres et de couteaux, Nassim et ses copains se sont constitués en bande et sont partis affronter les racketteurs. Bilan : trois blessés graves, dont un, atteint au tendon, restera handicapé à vie.
Certains journaux relatent chaque jour ou presque des histoires semblables, mais en l’absence de statistiques fiables, peut-on parler de ces gangs comme d’un phénomène ? «Pour l’instant, nous ne pouvons pas parler de “gang de quartier’’, relève un officier du Centre d’études criminologiques de la Gendarmerie nationale, mais nous n’en sommes pas loin, car la hiérarchie, les codes et les actes de violence sont presque identiques.» D’après une source policière, les services de sécurité compteraient procéder dans les prochains jours à «la plus grosse opération coup-de-poing contre les gangs de quartiers» que l’Algérie n’a jamais connue. «Une stratégie a été mise au point dans le cadre de la lutte contre la délinquance, nous procéderons bientôt à son exécution», révèle un officier des renseignements généraux. Alors que le territoire de ces gangs ne dépasse généralement pas le périmètre de leur cité, à Baraki, le «complot» le plus craint, celui de Rougi, sévit jusqu’à El Harrach, Aïn Naâdja, Blida, et frappe parfois à Bab El Oued, Belcourt et Kouba.
Casseur
Sa «notoriété», Rougi la doit à son passé criminel et à plus de dix années passées en prison. Aux yeux des bandes rivales, il fait figure de zenda (chef). Sofiane est un membre de son «complot». A 24 ans, il a déjà été incarcéré trois fois. Enthousiaste à l’idée de parler de sa bande - «diralna haja chaba» (fais-nous une belle publicité), nous demande-t-il -, mais méfiant, il accepte au fil de nos rencontres de nous livrer les secrets de cette organisation délinquante. «Chacun de nous a une fonction particulière, confie-t-il. Cela dépend de ses capacités physiques, de son passé et parfois de sa proximité avec le chef.» Sofiane, lui, est un «casseur» (cambrioleur d’appartements, villas, commerces et voitures).
Il est secondé par Mourad, 22 ans, un «suiveur», autrement dit un indicateur et l’un des principaux informateurs de la bande. Sa mission : identifier les cibles. Une fois sa victime détectée, il la guette, suit ses déplacements et rend des comptes au chef. Si ce dernier accepte, la bande passe à l’action. «Nous devons l’informer de tout ce que nous faisons, car ce sont la sécurité et la réputation du complot qui sont en jeu», précise Sofiane. Le butin est entreposé dans une cache. «Seul Rougi a un droit dessus, même s’il délègue cette tâche à un autre membre du complot.»
Chiens dangereux
Une fois le pactole empoché, le chef prend son paille : une sorte de dîme que lui versent ses acolytes pour rester dans le gang et bénéficier de sa protection en cas d’attaque par une bande rivale. «Si la pêche est vraiment bonne, il nous offre même des merwad de 1000 DA (morceau de cannabis).» Mais les faits d’armes d’un «complot» ne se limitent pas seulement aux cambriolages. C’est aussi par les agressions à l’arme blanche qu’ils sèment la terreur. «Un portable ou une chaîne en or par jour nous suffisent pour garder notre honneur dans la bande. C’est un peu notre fonds de roulement quotidien pour acheter de l’alcool, de la zetla, des tabnaj (amuse-gueule) et des recharges pour portable», précise-t-il.
Au sein de la bande de Rougi, Lotfi et Samir ont d’autres fonctions : ils vendent des produits prohibés et des chiens dangereux. Une fonction qui leur a été confiée en fonction de leur tempérament : ils seraient plus calmes et plus malins que les autres. «Ce type de profil est très recherché par les chefs de gang», assure notre interlocuteur qui aspire à devenir serraf (vendeur de drogues et psychotropes). Le serraf est l’un des maillons les plus importants du «complot» après le zenda (chef) dont il est en général le n° 2. Deux autres membres du groupe assurent la protection du leader, secondés par plusieurs indics postés un peu partout, généralement des candidats à l’adhésion au groupe.
Scarifications
«A la moindre alerte, le serraf doit prendre la fuite et cacher la drogue. Les autres doivent déclencher une bagarre pour gagner du temps», révèle un autre élément de Rougi. Ce qui complique la tâche de la police, qui a énormément du mal à leur mettre la main dessus et de les appréhender en flagrant délit. «Ils usent de ruse et profitent de l’architecture de leur cité qu’ils connaissent parfaitement, avoue un policier de la PJ de Baraki. Le temps que nous arrivions, la bande a déjà disparu. Nous préférons travailler le renseignement. Nous avons des indicateurs qui nous fournissent de précieuses informations.» Rougi a aujourd’hui 32 ans. En liberté depuis un an, il a repris les affaires en main et compte faire de son «complot» une bande redoutée qui «règlera ses comptes aux autres gangs». «Lors de mon dernier séjour à la prison d’El Harrach, j’ai été agressé à l’intérieur sur l’ordre d’un chef d’un autre complot, de Boumaâti, qui se trouve dehors», raconte-t-il.
«Ghadrouni. C’est une vieille hssifa (règlement de comptes), une dispute à Boumaâti avec un de ses frères qui porte une balafre sur son visage jusqu’à aujourd’hui.» Rougi, qui a failli perdre un œil en prison, ne quitte jamais ses deux rottweilers. Les cheveux teints en blond, les bras marqués de scarifications, ce colosse de plus de 1,80 m, en général plutôt taiseux, s’emporte. «C’est une question de vie ou de mort. A la moindre erreur, l’un de nous pourrait perdre la vie. Mon ‘‘complot’’ doit continuer son combat», tonne-t-il, menaçant, devant le regard à la fois émerveillé et pantois de Sofiane. Entre deux joints et plusieurs coups de fil, Rougi nous révèle, haineux, comment il fait tourner les affaires. «S’hab chkara (riches) font appel à moi pour des histoires de chantage, d’intimidation ou de sabotage. Je peux vous dire qu’ils payent cher pour cela…» Mais une fois son règlement de comptes soldé, il envisage de se ranger. «Je confierai les affaires à d’autres. Moi, je vais me marier et fonder un foyer. Je n’ai plus l’âge…»
*Les noms ont été changés.
Zouheir Aït Mouhoub