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Les révolutions arabes n’ont pas fait long feu. C’est le constat qu’il est donné de faire, à présent que quatre révoltes, tunisienne, égyptienne, libyenne et yéménite, ont, sinon abouti, réalisé l’essentiel et que, d’autres, sous un formidable effet d’entraînement, travaillent toujours à rapprocher le crépuscule d’autres dictateurs. Ceci même si force est d’observer par ailleurs que les peuples ne se sont pas toujours vu servir ce qu’ils ont ardemment souhaité et réclamé. Les Tunisiens, qui inaugurèrent cette chasse ouverte aux despotes arabes, se retrouvent contraints de faire l’expérience de l’islamisme, non en tant que vecteur politique dans l’opposition mais en tant que force institutionnelle prépondérante. En effet, c’est le parti Ennahda de l’extrémiste Rachid Ghannouchi qui s’est adjugé une place de choix dans l’Assemblée constituante. Et le pire est peut-être à venir, déjà que Ghannouchi se voit réserver les protocoles dignes d’un chef d’Etat. Chez l’autre voisin de l’Est, la Libye, le Conseil national de transition (CNT) n’a pas mis beaucoup de temps après la proclamation de la libération du pays pour annoncer que la Charia sera la source de toute législation. Quoi de meilleur fertilisant pour la germination des graines islamistes que cette sentence décrétée par le président du CNT, Mustapha Abdeldjalil ? En Egypte, où les islamistes adoptent un profil bas et attendent leur heure, ce sont les militaires qui semblent vouloir s’établir durablement au pouvoir. Ce qui vaut au pays de la vallée du Nil de replonger dans une nouvelle protesta, laquelle, comme celle précédente, a pour épicentre la place Tahrir. Mais l’Egypte n’est pas hors de portée de l’islamisme. Les législatives de lundi prochain sont aussi incertaines qu’étaient les élections pour la Constituante en Tunisie. Le même islamisme se positionne en force incontournable dans l’échiquier électoral marocain où ont eu lieu hier les élections législatives. Il est vrai que le trône marocain n’a pas connu l’épreuve de révoltes populaires semblables à celles vécues par la Tunisie, l’Egypte et la Libye mais il n’est pas pour autant immunisé contre l’islamisme. Plus loin que le Maroc, au Yémen, infesté par Al Qaïda, la persistance de la révolte a fini par avoir raison de l’entêtement de Ali Saleh à s’accrocher au pouvoir. Reste alors la Syrie où la situation s’enlise dangereusement de jour en jour. Bachar Al Assad, auquel la Ligue arabe a tendu la perche, maintient son tout répressif, au risque de voir le Conseil de sécurité de l’ONU se résoudre à voler au secours de la population en danger. L’on sait où cela conduit. Sofiane Aït Iflis
UNE SEMAINE DE RASSEMBLEMENT PLACE TAHRIR EN ةGYPTE Le peuple veut… chasser l’armée
Les Egyptiens, qui se sont mobilisés pour déchoir Hosni Moubarak et son régime, ne veulent pas rester sur une révolution inaccomplie. Dans leur viseur à présent : le renvoi du Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui exerce le pouvoir de transition, et la consécration de la primauté du civil sur le militaire. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir) - Place Tahrir n’a pas désempli depuis une semaine. C’est par dizaines, voire par centaines de milliers que les Cairotes y ont afflué pour réclamer le départ du pouvoir militaire et son remplacement par un pouvoir civil. Hier, ils ont réussi le pari de tenir un méga-rassemblement dit de «la dernière chance». Mais le maréchal Tantaoui et ses galonnés de subalternes ne semblent pas près d’abandonner un pouvoir auquel ils ont pris goût visiblement. Ils résistent, usent de promesses et de subterfuges, après avoir recouru, une semaine durant, à une répression meurtrière. Quarante et une personnes ont péri lors des affrontements entre manifestants et forces de sécurité. Le Conseil suprême des forces armées, qui a présenté ses excuses pour la mort de ces personnes, est demeuré inflexible quant à la principale revendication formulée par les campeurs de la place Tahrir, en l’occurrence le passage de témoin à un pouvoir civil. Vendredi, alors que place Tahrir, noire de monde, grondait sa colère contre les militaires, le CSFA a pourvu le poste de chef de gouvernement, resté vacant après la démission lundi de Essam Charaf. Le nouveau nommé à la tête du gouvernement égyptien, Kamal el Ganzouri, a déjà officié en tant que Premier ministre (1996-1999) sous Hosni Moubarak. Pas de quoi soulever les acclamations du côté de la place Tahrir. C’est même avec scepticisme et méfiance que cette nomination a été accueillie. Les partis et organisations, qui ont décidé de donner naissance à l’acte II de la révolution égyptienne, restent résolument engagés à cueillir le fruit de cette formidable mobilisation populaire. Une résolution qui leur a dicté de rejeter la promesse du CSFA d’organiser les élections présidentielles à la fin juin, début juillet 2012. Pour eux, l’armée travaille à remettre en cause les acquis de la révolution. Aussi réclament- ils son départ illico du pouvoir. Cette révolte contre le pouvoir militaire a germé après que le CSFA eut cru bon d’élaborer une charte qui soustrairait l’armée au contrôle du Parlement. Les partis, les libéraux, comme ceux de gauche, ainsi que les organisations de la société civile ont perçu cette initiative comme une tentative de l’armée de renforcer son assise et s’accaparer durablement le pouvoir. Les Frères musulmans restent à l’écart Si le Conseil suprême des forces armées se trouve sevré du soutien d’Al Azhar, la principale institution religieuse du pays, qui, hier, a appuyé les manifestants de la place Tahrir, il peut cependant se réjouir du désengagement des Frères musulmans et des salafistes de la révolte populaire qui a présentement cours dans le pays. En restant à l’écart de la révolte, les Frères musulmans donnent la preuve tangible qu’ils acquiescent au calendrier de la transition tel qu’élaboré par le pouvoir militaire. Pour sûr, ils calculent de s’investir dans les prochaines élections législatives, prévues, faut-il le rappeler, pour ce lundi. Exclus de l’équation politique durant le régime de Hosni Moubarak, les Frères musulmans pensent pouvoir profiter de la situation présente en Egypte pour s’aménager en douce une assise dans les institutions. C’est donc pleins de ruse qu’ils sont restés en marge de cette révolte d’automne, s’affichant par là même respectueux du pacte politique passé avec les autorités militaires qui assument la transition en Egypte. En la circonstance, pareille attitude vaut soutien au CSFA. Un soutien, peut-être même actif, tant est que rien ne dit que les Frères musulmans n’ont pas été de la manifestation de soutien au CSFA, organisée vendredi au quartier Abbasiya, à quelques kilomètres de la place Tahrir. L’attitude des Frères musulmans, d’apparence timorée, procède donc d’une stratégie politique affinée, laquelle voit en la conjoncture faite de transition et d’incertitude une aubaine inespérée pour la récolte de dividendes électoraux. Mais en même temps, les Frères musulmans et les islamistes égyptiens en général fournissent par cette attitude observée la preuve de ce que la révolte qui a mis fin au règne de Moubarak ne leur doit rien. La démonstration actuelle place Tahrir l’atteste. S. A. I.
SYRIE Damas sérieusement exposé aux sanctions
Les événements s’accélèrent en Syrie. L’ultimatum lancé par la Ligue arabe, sommant le régime d’accepter l’envoi d’observateurs, a expiré sans que Damas y réponde. Pire encore, la Syrie accusait la Ligue arabe d’être «un instrument pour une ingérence étrangère» au moment où l’organisation s’apprêtait à passer le flambeau à l’ONU pour le «règlement de la crise». Nawal Imès - Alger (Le Soir) - La menace de sanctions agitée par la Ligue arabe n’a pas fait fléchir le régime syrien. L’ultimatum lancé par les pays arabes n’a reçu aucune réponse officielle. Damas s’est, au contraire, montré virulent. Par le biais de l’agence de presse syrienne, la Syrie a regretté que la Ligue arabe «soit devenue un instrument pour une ingérence étrangère». Elle accuse également l'organisation de «servir des objectifs occidentaux pour semer le trouble dans la région». La Ligue arabe avait, en effet, dès jeudi, lancé un nouvel ultimatum à Damas pour accepter l'envoi d'observateurs sous peine de sanctions et de faire appel à l'ONU pour régler la crise en Syrie. Après avoir été réticents à l’internationalisation de la question syrienne, les ministres arabes des Affaires étrangères avaient finalement appelé le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon à prendre les mesures nécessaires pour appuyer les efforts de la Ligue arabe pour résoudre la crise en Syrie. Un appel à l’intervention de l’ONU faisant suite à une liste de sanctions qui n’a pas fait frémir Damas. Les ministres arabes des Finances qui doivent se réunir pour décider de la mise en place desdites sanctions qui, selon la Ligue arabe, prévoient «la suspension des vols vers la Syrie, des transactions avec la banque centrale, des transactions commerciales avec le gouvernement à l'exception de celles portant sur les biens de première nécessité pour le peuple, le gel des avoirs financiers du gouvernement et l'arrêt des transactions financières avec ce dernier». La Syrie s’expose désormais non seulement à ces sanctions mais à une intervention de l’ONU dont la forme n’a pas encore été décidée. Hier, le Comité de l'ONU contre la torture dénonçait des «violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme en Syrie, et qui ont lieu dans l'impunité ». Il affirmait avoir «examiné de nombreux rapports cohérents et justifiés faisant état de violations systématiques des droits dans le pays» et s’est dit «préoccupé par des rapports faisant référence à des enfants qui ont subi la torture et des mutilations lors de détentions et des exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires». Alors que l’avenir du pays se jouait, sur le terrain, les affrontements n’ont pas cessé. Plus de 50 personnes, dont 13 civils, ont été tuées selon un nouveau bilan de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Douze civils ont péri dans la région de Homs, dont quatre dans le quartier de Bayyada. Depuis le déclenchement des manifestations antirégime en mars, la répression a fait plus de 3 500 morts, un nombre inconnu de blessés et des dizaines de milliers d'arrestations, selon l'ONU. Un bilan appelé à s’alourdir au regard de l’entêtement du régime de Bachar Al Assad. N. I.
LE YةMEN, TOUJOURS EN PROIE AUX VIOLENCES L’immunité accordée à Saleh relance la contestation
L’accord dit de transition, paraphé mercredi sous l’auspice des Saoudiens, n’a pas ramené le calme au Yémen. Au contraire, l’impunité négociée par le président Ali Abdallah Saleh a relancé la protestation. Des milliers de Yéménites ont réinvesti les rues pour exiger le jugement d’un président ayant prolongé son séjour en Arabie saoudite pour «raisons médicales» et refusant de quitter le pouvoir avant une période de trois mois. Le président yéménite s’accroche toujours à son poste, tentant à travers l’accord signé mercredi de prolonger son règne, ne serait-ce que pour quelques mois, ignorant le bain de sang dans lequel continuent de baigner ses opposants choqués par l’immunité qui lui a été accordée ainsi qu’à ses proches. Ledit accord a été suivi par la signature d’un mécanisme d’application en vertu duquel le président yéménite doit remettre le pouvoir pour une période intérimaire à son vice-président, Abd Rabbo Mansour Hadi, en échange de l'immunité pour lui-même et ses proches. Abd Rabbo Mansour Hadi devra procéder à la formation d'un gouvernement d'union avec l'opposition, qui sera chargé de superviser un dialogue national et d'élaborer une nouvelle Constitution. Ali Abdallah Saleh demeurera président à titre honorifique pendant une période de 90 jours. A l'issue de ce délai, Abd Rabbo Mansour Hadi sera désigné président pour une période intérimaire de deux ans, au terme de laquelle des élections législatives et présidentielle seront organisées. Ce plan qui a pleinement satisfait les partisans du président yéménite a relancé la contestation. Des dizaines de milliers de Yéménites ont manifesté hier à Sanaa pour rejeter l'immunité accordée au président Ali Abdallah Saleh en contrepartie de son engagement à quitter le pouvoir. Des partisans du président yéménite ont tiré sur une manifestation réclamant sa traduction en justice, faisant cinq morts. Saleh se trouve toujours en Arabie saoudite où il doit subir dans la capitale saoudienne de nouveaux examens. Aucune date n'a été fixée pour son départ de Riyad. Cela dépendra des résultats des examens et s'il peut continuer à être soigné en Arabie saoudite ou aux Etats-Unis, déclarait hier son ministre des Affaires étrangères. Si les résultats sont rassurants, il retournera au Yémen, disait-il. Il y retrouvera un pays toujours en proie à une violence que rien ne semble arrêter. N. I.
ةLECTIONS LةGISLATIVES AU MAROC L’islamisme à l’assaut des urnes
Les Marocains avaient rendez-vous hier avec les urnes. Les élections législatives, seconde étape, après la révision de la Constitution, d’une réforme politique engagée par le royaume dans le sillage du printemps arabe qui n’a pas tant fleuri au Maroc, pourraient faire la part belle aux islamistes. Sofiane Aït Iflis - Alger (Le Soir)- Les observations et les analyses politiques, qui ont pallié l’absence de sondages rigoureux, donnaient le Parti de la justice et du développement (PJD) comme le grand favori dans cette compétition, boycottée, il faut le dire, par le Mouvement du 20 Février qui aurait pu prétendre peser dans la balance électorale. Les islamistes marocains, regroupés autour du PJD, le plus prépondérant des partis de la mouvance, pourraient saisir l’aubaine de la désaffection de l’électorat pour s’adjuger un maximum de strapontins au Parlement. D’autant que, comme principaux rivaux, le parti de Abdallah Benkirane ne compte que le traditionnel Istiqlal du Premier ministre Abbas El Fassi et le Rassemblement national des indépendants (RNI) de Salaheddine Mezouar. Ces deux partis peuvent faire les frais de leur participation à la coalition gouvernementale. Ayant compté 47 députés dans l’Assemblée sortante, le PJD, un parti qui intègre l’opposition modérée, caresse le rêve d’emboîter le pas au parti Ennahda tunisien et rafler la mise à l’occasion de ce scrutin. Ce n’est pas utopique, même si le ministre marocain de la Communication, Khalid Naciri, a évoqué un scrutin ouvert où les scores électoraux ne comporteraient pas de grands écarts. «Le scrutin n’a jamais été aussi ouvert (…) et le parti le plus puissant ne dépassera sans doute pas les 16 à 18 % des votes», at- il déclaré à l’AFP. Si les islamistes parviennent à récolter la majorité des suffrages lors de cette élection, ils sont assurés de tenir les rênes du gouvernement. Car la nouvelle Constitution préconise un renforcement des pouvoirs du Parlement et du Premier ministre, ce dernier étant obligatoirement choisi par le roi au sein du parti arrivé en tête du scrutin. Notons que 31 partis ont pris part à ces élections législatives marocaines. Rappelons aussi que traditionnellement, la participation électorale au Maroc est faible. S. A. I.
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