ÉMEUTE À ROUIBA CONTRE LES BAS SALAIRES ET LE NOUVEAU SYSTÈME DES RETRAITES


 Saturday,JANUARY 09, 2010

SAMEDI  09 JANVIER 2010

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Actualités : ÉMEUTE À ROUIBA CONTRE LES BAS SALAIRES ET LE NOUVEAU SYSTÈME DES RETRAITES
La zone industrielle complètement paralysée


Le mouvement de grève, déclenché au début de la semaine écoulée par les travailleurs de la SNVI de Rouiba, a atteint, jeudi dernier, son niveau de tension maximum. Il s’est transformé en confrontation entre le monde du travail et les forces de sécurité.
Le drame a été évité de justesse. Les travailleurs n’avaient fort heureusement aucune intention violente. La mobilisation et la détermination des travailleurs de la SNVI et de ceux des autres entreprises de la zone industrielle de Rouiba étaient grandes. Les protestataires voulaient marcher pacifiquement vers la ville de Rouiba, située à une vingtaine de kilomètres à l’est de la capitale. Le gouvernement a répondu par la mise en place d’énormes moyens répressifs, pour les en empêcher. «Ne manquent que l’armée et les blindés !» C’est la remarque d’un simple passant, constatant l’importance des moyens répressifs déployés sur le terrain. Effectivement, c’était du jamais vu ! Il fallait voir pour croire. Des gendarmes et des policiers étaient présents par centaines, sur chaque axe routier de cette zone d’activités, complètement bouclée. Des véhicules légers de la police et de la gendarmerie, par centaines, des bus de transport de forces anti-émeute, par dizaines, étaient là. Dans un seul barrage de la gendarmerie, dressé au niveau du premier carrefour situé à l’entrée de la zone en question, quatre engins anti-émeute (2 chasse-neige et 2 camions lance-eau) avaient été disposés, à l’arrière d’un escadron de plus de deux cents gendarmes des brigades antiémeute. Ils étaient prêts à foncer contre les marcheurs, tous en tenue de travail. Curieusement, les sinistres véhicules portaient le sigle «S» du fabricant, celui hérité de l’ex-Sonacome. C’est au niveau de ce carrefour que la foule, de plusieurs milliers de marcheurs, s’est accrochée plusieurs fois avec les gendarmes. Des blessés légers ont été enregistrés. Alors que les représentants des travailleurs négociaient un passage pour poursuivre pacifiquement leur marche, Samia, la syndicaliste de la SNVI, surgit pour fustiger les officiers gendarmes : «N’avez-vous pas honte d’agresser une femme ? Vous êtes des hagarine», en montrant les séquelles des coups qu’elle a reçus sur la main. Elle rejoindra, un peu plus tard, la marche, avec un bandage qui lui a été appliqué à l’hôpital de Rouiba. La foule, que ce déploiement n’impressionnait pas, a réussi à briser momentanément le barrage. Les renforts de gendarmes arrivaient à pas de charge. La situation était à un doigt de dégénérer. Fort heureusement, les encadreurs ont réussi à ramener le calme, avant qu’une troisième tentative de briser le barrage ne soit faite. Finalement, des centaines de marcheurs ont contourné l’obstacle sécuritaire, en passant par un verger, pour reprendre la route et poursuivre la marche. Des centaines de policiers antiémeute, disposant d’engins spéciaux, les attendaient à l’entrée de la ville de Rouiba. Des gendarmes, appelés en renfort, les ont pris à revers. Les manifestants étaient encerclés. C’était la stratégie des forces de sécurité : fractionner les marcheurs en groupes, pour les empêcher de marcher en une masse compacte. Les protestataires, qui sont arrivés à l’entrée de Rouiba, ont continué à scander des slogans pour l’augmentation des salaires et la suppression des amendements sur le droit de départ à la retraite. «Djeïch ! Chaâb ! Maâ ziada !» (armée, peuple, pour l’augmentation des salaires) ; «Ulach smah, ulach !» ; «Nous reviendrons demain, après-demain, dans une semaine, dans un mois !» ; «Nous ne reprendrons le travail que lorsque nos revendications seront satisfaites.» Tels étaient les principaux slogans lancés en direction des gendarmes, restés placides. Un homme, la cinquantaine, nous a abordé : «Pourquoi dans les pays d’Europe où les citoyens sont respectés, ces derniers manifestent, ou déversent des marchandises sur les routes, sans être réprimés ? Chez nous, nous marchons pacifiquement, et le pouvoir envoie des troupes pour nous réprimer.» A l’intérieur de l’immense zone industrielle, des dispositifs ont été installés, interdisant le regroupement de marcheurs à un même endroit. Nous avons constaté que des éléments anti-émeute interdisaient aux travailleurs de la société Cammo (production d’équipements de bureau) et à ceux d’Hydro-Aménagement de rejoindre la marche. Notre passage a été une occasion pour les représentants syndicaux des grévistes, isolés, de faire cette déclaration : «Nous dénonçons les rumeurs distillées. Nous sommes en grève pour soutenir les revendications concernant l’augmentation des salaires et le maintien du dispositif de retraite anticipée. »
La colère ne s’estompe pas

Des syndicalistes de la base déversaient leur colère contre leur Centrale qui, selon eux, les a floués. «Nous dénions toute représentativité à Sidi-Saïd», finit par lâcher l’un d’eux. Et à un autre d’estimer que les conseillers de Bouteflika ne lui donnent pas les informations réelles : «Ils mentent au président. Il ne connaît pas la réalité de la situation des travailleurs, ni leurs difficultés en raison de leur faible pouvoir d’achat.» Il ne faut pas sortir de l’ENA pour comprendre que ces manifestants n’ont ni le cadre institutionnel, ni les responsables pour écouter leurs inextricables difficultés à faire face au quotidien de leur famille, le plus souvent amer. Comme la circulation automobile était proscrite, ce jeudi, dans cet immense espace industriel, nous nous sommes contentés des indications des syndicalistes sur ce qui se passait du côté de la zone dépendant de la commune de Réghaïa. Selon eux, un grand dispositif barrait la route aux travailleurs d’Anabib et autres entreprises publiques. Par ailleurs, dans les quelques entreprises que nous avons visitées, comme Tameg (ex- Tanneries algériennes), Mobsco, NCA Jus, nous avons constaté que les travailleurs étaient bel et bien en grève, certains depuis quelques jours. Dans leur majorité, ils ont renforcé les rangs des marcheurs. Grévistes et marcheurs ont fait montre d’une forte détermination à aller jusqu’au bout de leur action. Un mouvement de protestation qui risque de reprendre dimanche.
Abachi L.



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/01/09/article.php?sid=93873&cid=2



Chronique du jour : LETTRE DE PROVINCE
ROUIBA : L’UGTA MISE EN FAILLITE
«Sidi-Saïd nous a vendus»
Par Boubakeur Hamidechi hamidechiboubakeur@yahoo.fr


Le constat est certes chargé de colère mais il est aussi un arrêt de mort adressé à ce syndicat officiel. Le fait qu’il ait pour auteurs les travailleurs de la zone industrielle de Rouiba ne vaut-il pas son pesant de discrédit ? Il paraphe, en quelque sorte, le sentiment qu’éprouvaient en novembre dernier les fonctionnaires de l’enseignement quand ils décidèrent d’entamer une longue grève de manière autonome. Pris à partie nommément, le secrétaire général de l’UGTA a même fait l’objet d’allusions déshonorantes de la part des grévistes.
Ne manquant pas de mémoire, ils n’eurent aucune peine à mettre en exergue certaines turpitudes du passé et les «casseroles » que lui coûtent sa docilité actuelle. Une terrible suspicion qui a, singulièrement, changé la perspective même de ce vaste débrayage. En effet, tout en réfutant les décisions de la récente tripartite, les grévistes en veulent paradoxalement moins au pouvoir qu’ils ne s’en prennent au syndicat. Traité de capitulard, celui-ci serait, selon eux, à l’origine de la dégradation de leurs conditions socio-économiques. Ou tout au moins complice de la politique discriminatoire de l’Etat. Ainsi cette grève, qui est en train de se durcir, exprime une double contestation. D’abord elle met en avant le rejet des nouvelles dispositions relatives aux droits à la retraite et aux rémunérations du travail, ensuite elle appelle au retrait de la confiance en l’UGTA en sa qualité de négociateur. Lui reprochant d’avoir déserté sa vocation de défenseur des catégories de salariés par inclination carriériste, ils accusent ses instances de corruptibilité. Reprenant les mêmes arguments utilisés par les courants autonomes, les syndicats d’entreprise, agissant sous le sigle UGTA, commencent à mettre en doute la probité de la commission exécutive. Autant croire qu’un vent de fronde est en train de se lever à l’intérieur de cette maison. Le syndicalisme, version UGTA, prend eau de toutes parts. Il est aujourd’hui désavoué violemment jusqu’à l’éclaboussement des notables qui la contrôlent. Cette nomenklatura, issue de congrès préfabriqués et reconduite chaque fois selon les mêmes modalités, est non seulement combattue de «l’extérieur » (les autonomes) mais également contestée de l’intérieur. Voire poussée vers la porte de sortie. En termes de crédit, les actuels dirigeants, dont le plus visible est Sidi- Saïd, sont indiscutablement cloués au pilori là où les revendications légitimes empruntent la voie de l’affrontement. Tournant le dos aux véritables attentes, n’ontils pas contribué à dévoyer l’action syndicale pour se dévouer à la fonction peu glorieuse de pompier au service de l’appareil d’Etat jusqu’à en devenir son supplétif ? C’est cette image qu’ils renvoient d’eux chaque fois qu’ils sont sollicités en qualité de partenaire pour sceller le destin du monde du travail. Appendice du gouvernement, l’UGTA n’a eu de cesse, depuis au moins cinq années, de composer avec celui-ci plutôt que de relayer les doléances de sa base. En somme, elle traita en priorité les incertitudes du gouvernement au lieu de se pencher d’abord sur les inquiétudes des travailleurs. Telle qu’elle se présente actuellement, cette «Centrale» est bien loin de rappeler qu’elle fut, à un moment de longue histoire, la bonne adresse pour exprimer son désaccord avec les mandataires de l’Etat. De cette vocation, il ne reste presque rien. Fortement insérée dans l’armature du pouvoir, elle fonctionne comme un vecteur modérateur de la revendication à la demande du gouvernement. Et pour être plus précis, sur son injonction. De concessions, supposées tactiques, en compromissions politiques insoutenables, n’a-t-elle pas fini par «désespérer» Rouiba ? Ce bastion de l’ouvriérisme algérien où, jusqu’à récemment, le taux de syndicalisation des salariés était encore respectable, vient d’entrer légalement en dissidence avec un appareil dont il découvre la détestable duplicité. En perdant son vaisseau- amiral que représente ce fleuron industriel, l’UGTA est définitivement métastasée. N’étant même plus en mesure d’assumer le rôle de «coupe-feu» face à la contestation comme il est exigé d’elle par le pouvoir, l’on peut désormais s’interroger sur son devenir. Autrement écrit : à quoi sert un tel syndicat pour le pouvoir ? Son inefficacité par deux fois vérifiée sur le terrain (grève des enseignants et celle de Rouiba) pourrait convaincre le régime à changer de «partenaire». A moins qu’à défaut d’un syndicalisme de substitution, il préfère le ravalement de façade de la même maison en y déléguant un autre personnel ! Discrédités à Rouiba et un peu partout, Sidi-Saïd and Co pourraient alors être remerciés. Les congrès extraordinaires ne sont-ils pas faits pour cela d’ailleurs ?
B. H.



Source de cet article :
http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2010/01/09/article.php?sid=93909&cid=8



09/01/2010
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