Depuis l’annonce de la visite d’Etat du président français en Algérie, le ballet diplomatique de Paris vers Alger a connu une cadence accélérée. Des visites de ministres de premier rang aux gestes «symboliques» du président Hollande déclarant que «la République reconnaît avec lucidité la répression sanglante» de la manifestation d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, l’Elysée prépare minutieusement le voyage de Hollande. Un déplacement qui serait l’occasion de «sceller une amitié durable» entre les deux pays, espère le président français.Pendant que le gouvernement socialiste parie sur l’apaisement, à droite, des voix jouent les trouble-fête. «Le nouvel état d’esprit dans nos relations» dont s’est félicité le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, lors de sa visite à Alger en juillet dernier, risque d’être écorné.
Après le «vive l’Algérie française !» du député-maire de Nice, Christian Estrosi, le bras d’honneur indécent du sénateur et ancien ministre de la Défense, Gérard Longuet, les nouveaux «ultras» semblent effarouchés par l’évolution du discours de Paris à l’égard de l’Algérie, particulièrement sur la question de la mémoire.
La droite dure cherche-t-elle ainsi à saborder la visite d’Etat de François Hollande prévue pour le mois prochain ? Sans nul doute. Les propos et gestes provocateurs de la droite – dont une partie ne s’est pas encore affranchie de son surmoi colonialiste –, qui se succèdent à mesure que le voyage du président français approche, ne peuvent qu’exacerber les tensions. Si François Hollande prépare un atterrissage serein à Alger, il risque d’arriver sur un terrain miné que la droite lui prépare à partir de Paris.
«Au-delà du geste vulgaire, Longuet exprime quelque chose de profond dans l’establishment de la droite française. Ils sont inconsolables de la perte de l’empire», estime un analyste. Le geste de Longuet est loin d’être anodin, comme en témoigne la députée européenne des Verts, Malika Benarab-Attou : «Décidément, la nostalgie de l’Algérie française et l’esprit revanchard contre les Algériens indépendants sont encore présents chez certains Français ! Longuet est un ancien du club d’extrême droite Occident. Il fut proche du GUD qui, à Lyon, manifeste son opposition dès que des rencontres fraternelles ont lieu entre Français et Algériens, j’ai eu l’occasion de le vivre encore cette année.» La parlementaire européenne indique que «ce serait une erreur grave de penser que ces idées sont majoritaires au sein de la société française».
De son côté, la gauche mesure les dégâts que de telles déclarations peuvent provoquer. Elle a vivement réagi. «Le geste de Longuet illustre malheureusement la brutalité vulgaire d’une certaine droite qui abîme trop souvent le débat républicain», a fulminé le tout nouveau patron du Parti socialiste, Harlem Désir.
Dans la même tonalité, le président du Sénat, Jean-Pierre Bel, dénonce un geste «grossier et injurieux adressé aux autorités algériennes». A l’Elysée, le geste de l’ancien ministre de la Défense durant le règne de Sarkozy suscite l’indignation.
Contacté par nos soins, Faouzi Lamdaoui, conseiller du président de la République française, a indiqué que «le politique isolé de l’ancien équipe gouvernementale, ne représentant que lui-même, en faisant ce geste abject, s’est lui-même couvert d’indignité». Pour M. Lamdaoui, l’essentiel est dans «la prise de position claire et ferme du président de la République contre les méfaits du colonialisme» et «avec François Hollande, les relations entre nos deux pays doivent entrer dans une nouvelle ère d’apaisement, ouverte sur l’avenir. Sa condamnation de la colonisation a toujours été claire et nette.La France, conceptrice de la Déclaration universelle des droits de l’homme, doit montrer l’exemple dans le regard sur sa propre histoire. Elle en sortira grandie. Le travail de mémoire n’est pas un fléchissement tant il permet à chacun de comprendre le passé pour mieux préparer le futur», a clarifié notre interlocuteur.
A Alger, le geste grossier de Longuet soulève un tollé général et provoque l’indignation. Sans tomber dans le jeu provocateur de l’ancien ministre français de la Défense, plusieurs personnalités et autres organisations politiques dénoncent à l’unisson un comportement «honteux». François Hollande risque d’arriver à Alger dans un climat tourmenté.