député = pognon facile ?
LES CITOYENS PARLENT DES SALAIRES DES
DÉPUTÉS
«Honte à vous!»
18 Septembre 2008 - Page : 3
11 heures du matin, cité «La Montagne», un des quartiers pauvres dans la banlieue-Est d'Alger. Deux retraités recroquevillés sur un banc devant la mosquée Tarik Ibn Ziyad.
A l'autre bout de la capitale, les coulisses de l'Assemblée nationale populaire grouillent de monde. Des conciliabules se tiennent entre les représentants du peuple qui discutent...d'argent.
Leurs salaires viennent d'être portés à 30 millions de centimes, soit 30 fois le Snmg. C'est tout le paradoxe de l'Algérie qui se déroule au bout de ces deux images.
Que pensent ces deux vieillards des salaires des députés? «30 millions de centimes pour uniquement lever la main et dire oui, peut être accompli par le commun des Algériens. Ils sont là pour monter leurs propres affaires», affirment-ils avant de dénoncer: «Encore une autre absurdité du pouvoir algérien.» Nacéra, l'enseignante, a une tout autre lecture: «Si c'est ça faire de la politique je peux prétendre au même poste, mais ils ont déshonoré la profession de député!» «C'est honteux, scandaleux, ils veulent pousser nos enfants au maquis, on en a marre de ces gens qui viennent se servir au lieu de servir le peuple qui les a élus», s'insurge, pour sa part Saïd, un quinquagénaire chauffeur de taxi.
«La Montagne» est une cité pauvre, défavorisée, très peuplée. Ces ingrédients ont créé un climat de tensions. Certaines parties profitent de ce marasme social. Beaucoup de jeunes ont été endoctrinés par des chefs terroristes et appelés à faire le djihad.
Qui ne se rappelle de Oudina Bilal qui s'est fait kamikaze? Après avoir disparu de son quartier pendant plus de 3 mois, il a réapparu au volant de la voiture piégée qui avait défoncé le portail du Palais du gouvernement, le 11 avril 2007.
Cet attentat a causé la mort à plus de 25 personnes. Ainsi Bilal a été victime d'un endoctrinement Selon les spécialistes des affaires terroristes, la misère, la détresse sociale et les clivages sociaux flagrants constituent des niches favorables à tous les extrémismes.
En général, disent ces spécialistes, ces cités ont de fortes prédispositions à l'endoctrinement. Les recruteurs d'Al Qaîda ne lésinent pas sur les moyens pour enrôler ces jeunes. Outre les attentats kamikazes, les suicides et le phénomène de la harga ne sont pas à écarter! Les élus du peuple censés apaiser le marasme de ces personnes, vont retourner dans ces quartiers pour demander à leur tour l'aumône, celle des voix pour un prochain mandat.
Deux personnes âgées qui ont des enfants à charge prennent comme alibi l'attente de l'appel du muezzin pour éviter de rentrer chez eux et échapper ainsi aux achats quotidiens. «Avec ma pension de 10.000 DA, j'arrive difficilement à acheter de la semoule et payer mes factures d'électricité et d'eau, c'est pour cela que j'évite de rentrer à la maison à cette heure», a déclaré Ammi Mustapha qui a passé 33 ans de sa vie comme chauffeur à la Sntr (Société nationale des transports routiers). A chacun ses tracas.
Les députés jubilent en ces jours de Ramadhan, tant les nouvelles sont franchement réjouissantes. Les élus du peuple ont eu gain de cause dans leur revendication salariale. Leurs salaires seront alignés sur ceux des ministres délégués.
Pour Ammi Ahmed, les choses sont encore plus graves. Il aime mieux descendre tous les soirs à Alger-Centre pour prendre son repas dans les restaurants de la Rahma. «Je préfère aller aux restaurants de la Rahma pour que les autres membres de la famille mangent à leur faim, du moins pendant le mois sacré», lance-t-il avec une peine indescriptible. «Que faire avec une pension de 5000 DA après avoir passé plus de 25 ans dans l'entreprise publique que les autorités ont décidé de fermer?», s'est-il interrogé.
A l'APN, les élus du peuple percevraient d'autres indemnités, à l'exemple de celle du logement (7 millions de centimes par mois), de la restauration (2 millions de centimes), du téléphone etc. Entre le boulevard Zighoud Youcef et la cité La Montagne, un très grand fossé.
Une très grande différence au point de douter du nombre des kilomètres d'intervalle qui ne dépasse pas deux dizaines.
Abbas AÏT HAMLAT