Par Hasna Yacoub
La violence s’amplifie de jour en jour en Syrie où plus de 80 personnes ont été tuées par balle lors de la dispersion d’imposantes manifestations contre le régime par les forces de l’ordre, vendredi dernier. Le Comité des martyrs de la révolution du 15 mars, un groupe de militants formé pour recenser les victimes du mouvement de contestation, a publié une liste nominative de 82 personnes tuées par les tirs des forces de sécurité, dont des enfants et des personnes âgées. Un autre groupe de militants des droits de l’Homme fait état de 92 morts dans un communiqué mis en ligne sur Internet.Vendredi dernier a été l’une des journées les plus sanglantes depuis le début, le 15 mars, du mouvement de contestation. Des centaines de personnes ont aussi été blessées lors de ces manifestations qui ont rassemblé des dizaines de milliers de personnes à travers le pays, après l’appel d’opposants via le réseau Facebook pour un «vendredi saint». A Banias, au moins 10 000 personnes ont manifesté en faveur des libertés et des réformes. Près de 3 000 personnes ont également défilé à Zabadani et quelque 10 000 dans le centre de Deraa. Certaines portaient des pancartes appelant à l’«annulation de l’article 8» de la Constitution, qui consacre l’hégémonie du parti Baath. A Qamishli, au moins 5 000 manifestants arabes, kurdes et chrétiens assyriens ont défilé en brandissant des drapeaux syriens et une banderole portant l’inscription «Arabes, Syriaques [chrétiens, ndlr] et Kurdes contre la corruption». Selon des militants des droits de l’Homme, les forces de sécurité ont tiré sur la foule dans plusieurs villes, faisant au moins 70 morts et des dizaines de blessés. Selon la version officielle syrienne, les forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à eau pour empêcher des heurts «entre certains manifestants et des citoyens», et «pour protéger des biens privés». Hier, lors des funérailles des manifestants tués la veille, auxquelles des dizaines de milliers de personnes ont participé, au moins treize nouvelles victimes ont été enregistrées. Deux députés indépendants et le mufti de Deraa, plus haute autorité religieuse de cette ville du Sud, ont démissionné pour protester contre ces violences. De Washington à Bruxelles, en passant par l’ONU, les Occidentaux ont exprimé leur indignation, appelant le régime à cesser de recourir à la violence. La Russie a appelé à une accélération des réformes en Syrie. Les pays arabes n’ont, en revanche, pas réagi. Le président Obama a personnellement condamné «le recours révoltant à la violence» du régime syrien, qu’il a accusé de chercher l’aide de l’Iran pour réprimer son propre peuple. Les autorités syriennes ont dit «regretter» les propos de M. Obama qui «ne sont pas basés sur une vision objective des faits», ajoutant que «la Syrie s’étonne de l’insistance avec laquelle l’administration américaine répète les allégations selon lesquelles Damas chercherait l’aide de l’Iran pour gérer la situation intérieure». De son côté, l’Iran a rejeté les accusations d’Obama, affirmant : «Notre politique étrangère est très claire. Nous n’intervenons pas dans les affaires intérieures des autres pays.» Le secrétaire général de l’ONU a lancé un appel pour que cette violence cesse immédiatement et répété sa demande «d’une enquête indépendante, transparente et efficace sur les raisons des tueries». Jugeant «inacceptable» que les forces syriennes de sécurité tirent sur la foule, Londres a accusé Damas de «meurtres». Pour sa part, la France a appelé les autorités syriennes à «renoncer à l’usage de la violence contre leurs citoyens». Son ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, a condamné «la répression aveugle et brutale», tandis que le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, a appelé à la libération de tous les prisonniers politiques. Jeudi dernier, outre la levée de l’état d’urgence, M. Al Assad avait approuvé l’abolition des tribunaux d’exception. Mais son gouvernement avait aussi mis en garde contre toute manifestation organisée sans autorisation. Jugeant ces mesures insuffisantes, l’opposition syrienne continue de protester, réclamant désormais des réformes démocratiques, la libération des détenus politiques et la fin de la mainmise des services de sécurité sur la société. Près de 300 personnes ont été tuées depuis le début de la contestation en Syrie.
Alors que Misrata vit une situation extrême
Libye : les Américains lâchent leurs drones
24-04-2011
Par Moumene Belghoul et agences
La crise libyenne avec ses multiples enchevêtrements tend au fil des semaines à se compliquer davantage. La situation sur le terrain vire au statu quo et les Occidentaux semblent vouloir accélérer la cadence vers une action plus vigoureuse contre le régime Kadhafi. Les forces de Kadhafi disent vouloir se retirer de Misrata et confier aux tribus de la région la mission de mettre fin au conflit dans cette ville par le biais de négociations ou par la force. Cette ville, la troisième de Libye, à 200 km à l’est de Tripoli, est le théâtre depuis plusieurs semaines d’une guérilla urbaine meurtrière. L’annonce par le régime de la mobilisation d’habitants des villes environnantes, comme Bani Walid ou Zliten, fiefs de la tribu des Werfella, la plus nombreuse et la plus loyale, vise, semble-t-il, à compliquer la tâche de l’Otan qui tient en tenailles les positions de l’armée loyaliste. Cependant, une telle éventualité ne devrait pas, selon les analystes, apporter de changement majeur sur le front, car une grande partie des tribus est déjà engagée dans les combats. A Misrata, c’est l’enfer. Le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) a souligné que la situation humanitaire se dégradait dans cette ville où l’accès à l’eau et aux soins médicaux est devenu problématique. A Tripoli, le survol intensif par des avions de chasse de l’Otan est toujours suivi d’explosions et de colonnes de fumées. Dans la région de Zenten, sud-ouest de Tripoli, les accrochages se multiplient avec les insurgés qui tiennent plusieurs localités de la région. Dans cette zone montagneuse où les combats ont fait des dizaines de morts depuis une semaine, les insurgés ont réussi à prendre le contrôle de l’un des principaux postes frontières avec la Tunisie. Au fil de l’évolution de la situation, la Libye est en train de vivre une situation humanitaire complexe. Ces deux dernières semaines,
15 000 Libyens ont fui vers la Tunisie et le Haut-Commissariat de l’ONU aux réfugiés redoute un exode massif. Selon le HCR et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), plus de 550 000 personnes ont déjà fui ce pays déchiré par la guerre. L’OIM a déjà évacué de Misrata plus de 3 100 réfugiés de 21 nationalités. Vendredi dernier, le sénateur américain John McCain, en visite à Benghazi, un millier de kilomètres à l’est de Tripoli, a réclamé l’intensification des raids de l’Otan et appelé le monde à reconnaître et à armer les insurgés. McCain, la plus haute personnalité américaine à s’être rendue en Libye depuis le début du soulèvement populaire contre Kadhafi, a appelé à reconnaître le Conseil national de transition (CNT) comme «la voix légitime du peuple libyen». Il a aussi plaidé pour l’envoi d’armes à l’insurrection. Washington semble participer de nouveau au conflit en lançant les premières attaques avec des drones armés. Un moyen militaire qui s’est caractérisé par des «bavures» sanglantes en Afghanistan et au Pakistan.